En mai, fais ce qu’il te plaît. Et pour nos élu(e)s strasbourgeois(es), ce qui leur plaît, c’est passer des heures et des heures à débattre des sujets chauds de la vie politique de la cité. D’ailleurs, pour une fois, le conseil se tient un mercredi. Est-ce que cette petite folie aura une incidence sur les humeurs de nos tribuns modernes ? La réponse tout de suite, lors du débrief.
Avec 42 points seulement à l’ordre du jour, on pouvait s’attendre à un conseil relativement court, selon les standards strasbourgeois. Mais cela était mal connaître nos élu(e)s, toujours là où on ne les attend guère. Sur les 42 points, 23 points ont été retenus. Si l’on rajoute les six interventions de l’opposition en fin de conseil, on arrive même à 29 points sur 48, soit 60%.
En plus, les sujets denses ne manquaient pas : le nouveau plan d’actions en faveur des animaux, une nouvelle mesure pour assurer la tranquilité publique et prévenir les incivilités ou encore le retour du débat sur le stationnement. À vos marques, prêts, débattez.
Ce que l'on savait avant le conseil
Avant ce conseil, la Ville de Strasbourg avait déjà annoncé deux grands projets pour les prochaines années :
- La création d’une commission du domaine public, chargée de réfléchir au futur de l’avenir des terrasses. Adoptée à 56 voix pour et 5 voix contre du groupe Communiste, revoir les débats ici.
- Les futurs travaux de la Laiterie, qui feront passer la jauge à 1 164 places et déménageront le Club vers l’Espace K. Adoptés à 52 voix pour et 3 abstentions du groupe Faire Ensemble, revoir les débats ici.
Le décryptage : le débat sur le stationnement en a encore sous le capot
Pourquoi c'est important ?
On aurait pu parler de la création d’un Observatoire indépendant de la participation citoyenne et de ses interminables presque 2h de débat, possibles de regarder ici à ses risques et périls. Mais ce sujet intéresse surtout les élu(e)s qui adorent discuter démocratie sans réellement y changer quelque chose. Dès lors, s’il y a bien un sujet chaud dans l’actu strasbourgeoise, c’est réellement celui du stationnement, « un sujet qui anime tout Strasbourg, alors que l’inflation pèse sur tout le monde » selon Joris Castiglione.
Adoptée lors du dernier conseil municipal, la nouvelle politique des mobilités de la Ville impliquait plusieurs choses : une augmentation du stationnement résident, une augmentation du stationnement globale ainsi que la fin de la gratuité au Neudorf et à l’Orangerie. Des mesures fortement impopulaires, qui sont revenues récemment dans le débat, et qui ont irrigué celui de ce mercredi.
Majorité VS Opposition : la course à la petite phrase
Le sujet est revenu sur la table en fin de conseil, par le biais d’une motion de Pierre Jakubowicz proposant un soutien d’urgence à trois catégories de personnes, ainsi qu’une question orale de Jean-Philippe Vetter. Ce dernier avait d’ailleurs organisé une conférence de presse avec son groupe politique jeudi 4 mai, dévoilant même une pétition.
Dans des termes très proches de ceux énoncés durant cette conférence de presse, il dénonce une “ambition de remplir les caisses” ainsi qu’une absence totale de concertations, des habitants ou des chambres consulaires. Il critique également l’impact que cela aura dans le pouvoir d’achat des « Strasbourgeois qui travaillent », avec le doublement du stationnement résident et le passage du secteur de la Neustadt et de la Krutenau en zone rouge, la plus chère. Avant de terminer par son désormais hit du printemps : « Si les Strasbourgeois n’avaient plus de voitures, vous commenceriez à taxer les vélos ».
Du côté de la majorité, Pierre Ozenne dénonce « les informations inexactes » de Jean-Philippe Vetter. Mais surtout, il répète encore une fois l’ambition de la Ville : que les Strasbourgeois(es) se garent dans des parkings en ouvrage, aux tarifs incitatifs, plutôt qu’en voirie. Dans sa réponse longue et argumentée, il commet néanmoins une petite fausse route lorsqu’il utilise comme argument d’autorité que la délibération a été adoptée par 2/3 du conseil municipal. Facile à dire et à faire quand on est 42 élu(e)s de la majorité, sans les communistes, sur 65 au total.
Pour Jeanne Barseghian en revanche, le discours est plus offensif : « La méthode est toujours décriée, mais je suis convaincue que c’est le fond qui pose problème. Et le fond consiste à libérer l’espace public de la voiture ». Enfin, par rapport à la proposition de l’opposition de rétablir la gratuité du stationnement entre midi et deux, la réponse de la maire ne pourrait être plus claire : « Vous vous moquez de moi ? ». La motion de Pierre Jakubowicz est finalement rejetée, à 9 voix pour, 37 contre et 5 abstentions, du groupe communiste. Clôturant la discussion, sur un sujet qui reviendra à coup sûr le mois prochain.
Les avancées pour Strasbourg et les Strasbourgeois(es)
Le nouveau contrat local de santé de la Ville de Strasbourg
Le premier point à l’ordre du jour concerne le nouveau contrat local de santé (CLS) de la Ville de Strasbourg pour 2023-2027. Concrètement, il aura à s’attaquer à l’explosion des affections longues durées, des questions de santé mentales et du creusement des inégalités par rapport aux offres de soin. À ce sujet, Alexandre Feltz rappelle d’ailleurs que sept quartiers sont considérés par l’ARS comme des déserts médicaux et que, à l’horizon 2040, « il faudrait qu’il y ait plus de 500 médecins généralistes qui s’installent sur notre territoire pour répondre à l’augmentation de la population ».
De grands objectifs donc, que le nouveau CLS se devra de remplir. Ces dernières années, celui-ci se caractérisait par la Maison du sport santé, le dispositif PRECCOSS ou encore la salle de consommation à moindre risque, la prévention du tabagisme et la lutte contre les perturbateurs endocriniens. Désormais, il compte renforcer le développement des Maisons urbaines de santé (MUS) avec un projet de MUS sur la santé mentale, prolonger l’ordonnance verte et même proposer un bus dentaire itinérant.
Dans les débats, Dominique Mastelli (PS) remercie l’exécutif pour son « honnêteté politique » de mentionner la paternité, et maternité, des mesures par l’ancien mandat. Il s’essaye ensuite à l’art de la vanne sur le choix de la couleur de l’ordonnance verte, qui aurait pu selon lui s’appeler « ordonnance rose », la couleur des sages-femmes. L’humour est décidément un métier.
Finalement, pour lui, le projet de l’ordonnance verte ne touche qu’une fraction de son public cible. Pour Françoise Schaetzel, l’ordonnance verte est au contraire « un modèle » ; elle est rejointe en ce sens par Syamak Agha Babaei, qui assure que le point sera approfondi dans le futur, dans un objectif de “traiter la santé de manière intersectionnelle”. Le point est adopté à l’unanimité avec 57 voix pour.
Un dispositif de médiation pour prévenir des conflits et incivilités sur l'espace public
Dans sa feuille de route de “tranquillité publique”, soit la sécurité, la municipalité dévoilait une étape importante de son mandat lors de ce conseil municipal : un dispositif intermédiaire de prévention des conflits et des incivilités, reposant sur le dialogue et la négociation avec des équipes sur le terrain, portant un équipement visible et sur un périmètre clairement défini.
Une bonne chose selon Pernelle Richardot qui assure que « la reconstruction du lien social est nécessaire dans cet après-Covid qui n’en finit plus ». Pierre Jakubowicz est également ravi que la collectivité investisse le terrain de la médiation. Les divergences existent en revanche sur la décision d’externaliser la médiation, puisque la Ville fera appel à un opérateur extérieur. Une critique qui n’a pas de sens selon Syamak Agha Babaei, rappelant que sous Catherine Trautmann, la médiation se faisait avec des associations. Le point est finalement adopté à 51 voix pour et 2 abstentions, de Catherine Trautmann et Pernelle Richardot.
De nouvelles pistes cyclables créées au Neudof et alentours
Dans leur cadre de leur Plan Vélo, la Ville et l’Eurométropole continuent de mettre en place des aménagements cyclables. Cette fois-ci, cela concerne un axe cyclable de 5km permettant de relier les quartiers Baggersee, Meinau, Plaine des Bouchers, Neudorf, Esplanade et Hôpital Civil.
Plus concrètement, le projet compte créer une piste bidirectionnelle côté Est de l’avenue de Colmar, pour sécuriser davantage un espace où deux cyclistes ont perdu la vie en 2014 et 2015. Cela donnera également un meilleur accès cyclable au stade de la Meinau, dans le cadre de la rénovation de celui-ci.
160 millions d’euros : les travaux du stade de la Meinau débuteront cet été
En outre, l’objectif est également de relier l’avenue de Colmar au quartier de l’Esplanade, par les rues Lazaret/Dacheux/Rathsamhausen et Landsberg. Enfin, le projet compte améliorer les traversées sur les carrefours importants que sont Landsberg et Baggersee. Coût total du projet ? Environ 9,5 millions d’euros, dont 970 000 pour la Ville de Strasbourg.
Cette dernière lance d’ailleurs bientôt une concertation préalable avec le public. Et c’est sur ce point que se concentrent les critiques de l’opposition. Jean-Philippe Maurer et Pernelle Richardot critiquent une contestation sur un sujet qui serait déjà décidé, tout comme la date choisie pour le début de celle-ci : un 29 juin, soit juste avant l’été. Quoiqu’il en soit, le point est adopté à 45 voix pour et 7 abstentions.
La création d'une plaine sportive aux Deux-Rives
Les Deux-Rives sont emblématiques des politiques urbaines strasbourgeoises depuis maintenant plus de dix ans. Dans le cadre de son ambitieux projet, la municipalité envisage de réaliser une Plaine des Sports, sur le secteur du Port du Rhin. Située à l’Ouest du Jardin des Deux Rives, au Sud de l’îlot Bois au niveau des anciens parkings de la clinique Rhena, cette future Plaine des Sports sera d’une superficie de 169,04 ares.
Strasbourg du futur : à quoi ressembleront les Deux-Rives en 2030 ?
“Projet ambitieux à hauteur de l’évolution de la population du secteur” selon Suzanne Brolly, une première partie de l’espace sera développée durant l’année 2023-2024. On aura notamment un terrain de futsal et deux terrains de basket avec gradins, un conteneur aménagé en boîte à jeux, un espace sportif qui accueillera de la danse, du tennis de table ou encore des petits agrès, et enfin un marquage au sol de pistes de courses et de motifs divers.
La deuxième partie du projet est prévue pour 2027. En attendant, la délibération est adoptée à 61 voix pour. Une belle nouvelle pour les habitant(e)s du quartier.
Le moment à retenir : les débats houleux sur le plan d'action en faveur des animaux
2h13 de débats, des voix qui s’élèvent, des punchlines en pagaille et une suspension de séance… On pourrait penser qu’on assiste à un débat sur le tram, la religion, la hausse du stationnement ou, pire, la démocratie participative. Mais non : en ce mercredi 10 mai, le sujet houleux a plutôt été celui de la place des animaux en ville.
Durant ce conseil, l’exécutif présentait en effet son nouveau plan d’actions en faveur des animaux. Un plan très détaillé, comportant cinq grands axes et 25 objectifs, avec comme points saillants la fermeture du zoo de l’Orangerie, la création d’une brigade de protection animale ou encore l’expérimentation des chiens dans les trams, avec laisse et muselière, qui sera présentée bientôt.
Pour l’opposition, ce projet pose cependant de nombreuses questions. Pernelle Richardot s’inquiète des « hardes de sangliers au Neuhof », alors que Marie-Françoise Hamard déclare qu’il n’y avait eu aucune incursion de sangliers dénotée cette année. Pour les autres, de Nicolas Matt à Jean-Philippe Maurer, on fait ensuite front sur la question des animaux liminaires, notamment sur celle des rats, avec Jean-Philippe Vetter disant ses termes : « Les rats ne sont pas nos amis ».
Par la voix de Benjamin Soulet, la majorité déclare qu’au contraire, la situation s’améliore : « Allée Reuss au Neuhof, à l’Elsau, les habitants nous disent que ça va beaucoup mieux. Notre démarche, forte, structurée et sincère, fait ses preuves ». Une intervention que ne goûte guère Pernelle Richardot, qui lui répond : « Les Strasbourgeois n’en peuvent plus. Ton intervention fera date. Toutes les villes sont confrontées au problème. Mais vous êtes les seuls à croire que vous l’avez résolu d’un coup de baguette magique ». Deux salles, deux ambiances.
Comme souvent lorsque les invectives fusent, les débats montent ensuite dans les tours, notamment entre Jeanne Barseghian et Céline Geissmann. Jamais les dernières à croiser le fer, la maire et l’élue socialiste bataillent car la seconde, qui a déposé des amendements sur la délibération, assure avoir levé la main pour s’exprimer, et la première refuse de lui donner la parole immédiatement. La tension dans l’air laisse présager une suspension de séance, qui arrive assez rapidement après. Hors micro, on entend plusieurs “c’est ridicule”. Difficile de leur donner tord.
Si les débats ont été houleux, ils n’ont pas été avares en bons mots. Alain Fontanel et Marc Hoffsess ont joué aux papas poissons et papas corbeaux, tandis que Christelle Koehler a sorti sa meilleure imitation de Gérard Darmon dans Astérix et Obélix Mission Cléopâtre : « Le ragondin vient en compétition avec le castor ». Finalement, au bout de plus de deux heures, le plan d’action est voté à 50 voix pour, dont celles de LR, et 11 abstentions. Les amendements de Céline Geissmann ont eux tous été rejetés.
Punchline battle : les bons mots du conseil
Pour terminer de façon plus légère ce conseil, voici quelques bons mots de la part de nos élu(e)s :
- « N’hésitez pas à me faire parvenir votre baguette magique », Jeanne Barseghian
- « Le ragondin vient en compétition avec le castor », Christelle Koehler
- « Les rats ne sont pas nos amis », Jean-Philippe Vetter
- « Si j’étais papa corbeau, je viendrais m’installer à Strasbourg », Marc Hoffsess VS « Je ne suis pas papa poisson rouge », Alain Fontanel
- « Vous ne sauverez pas une souris avec cette délibération ! », Nicolas Matt
- « On avait même écrit au pape », Marc Hoffsess
- « Arrêtons de faire radio nostalgie, comme si hier tout était paradis et aujourd’hui un enfer », Alain Jund
- « Sans faire des caisses, monsieur Vetter, cela remplit des caddies », Pierre Ozenne
Le point bingo
Il est 22h30 lorsque ce conseil municipal prend fin. Un conseil extrêmement dense, avec plus de 60% des points traités et des débats aux saillies verbales dont l’inspiration était inversement proportionnelle à celle des débats. Rendez-vous le 26 juin à 9h, pour le dernier conseil de l’année, qui marquera également officiellement la mi-mandat de l’exécutif. Un moment qui ne risque pas de manquer de sel.