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Strasbourg : Journal d’un confiné

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Après avoir perdu six fois au Monopoly en trois jours, je suis un peu tendu, c’est vrai. Impossible d’acheter cette saloperie de Rue de la Paix, passant de la case prison à mon canapé, il y a de quoi devenir fou.

Pour combler cette frustration, je dévore tout ce qui me passe sous la main. J’en appelle donc solennellement au Président de la République : s’il devait y avoir une rupture de stocks de M&M’S et de Nutella, attendez-vous à une hécatombe sans précédent.

L’absence de sucre et de gras sera la plus grande crise  sanitaire de l’histoire de l’humanité.

Actuellement, les seuls mouvements dans mon appartement de 51 mètres carrés se résument donc à aller du lit au réfrigérateur, du réfrigérateur au canapé puis du canapé au réfrigérateur et enfin du réfrigérateur au lit. Il m’arrive de faire une petite pause pour aller aux toilettes et de me doucher. Mais déjà une barbe de trois jours opportuniste s’installe sur mon visage et des cernes se creusent, alors j’imagine que d’ici deux semaines, je ressemblerai à un croisement entre Alien et le Père Fourras. Passe-partout fera moins le malin lorsqu’il sera coursé par Sigourney Weaver.

« Le tout c’est de s’occuper » d’après ma sœur.

J’ai ressorti ma vieille Xbox de son carton avec l’unique jeu que j’avais conservé en cas d’extrême urgence : SoulCalibur V. Idée encore plus mauvaise que le Monopoly. Au bout d’une heure de jeu à bloquer à l’étage 30 de la tour des âmes perdues, malgré mes tentatives de triche via des tutos sur internet, j’avais deux options : éteindre la console pour aller faire un footing ou fracasser la manette sur cette connasse de Taki, qui à part être vêtue d’une combinaison en latex rouge sexy n’a vraiment aucune dextérité dans le maniement du sabre.

J’en suis arrivé comme le commun des mortels à allumer la télévision pour me gaver d’informations anxiogènes sur les chaînes d’actualité puis à chercher une nouvelle série sur Netflix pendant plus d’une heure. Entre un reportage sur Maradona, un autre sur le véganisme et un dernier sur les tueurs en série, je ne sais plus trop où j’en suis.

Faire un gratin de brocolis en jonglant dans ma cuisine, de la coke plein le nez, tout en aiguisant mes couteaux pour trancher la jugulaire de la voisine du dessus qui joue du piano depuis 45 minutes afin de l’enterrer au milieu de la forêt du Neuhof quand il fera nuit.

Je me suis donc décidé à commencer à lire l’un des classiques que je n’avais jamais lu, histoire de me donner bonne conscience et d’être un peu moins con à la fin de cette épidémie.

À la recherche du temps perdu de Marcel Proust.

Un titre parfaitement adapté à la situation. Sept tomes, des centaines de pages. De quoi m’occuper pendant deux semaines, une pipe à la bouche, en peignoir, avec pour seul objectif de faire passer mon QI de 55 à 67. Après une demi-heure de lecture de la première page du tome 1, Du côté de chez Swan, je reste bloqué sur un passage complexe, davantage obnubilé  par la taille des ongles de mes doigts de pieds qui me donne plus l’air d’un aigle royal que d’un être humain.

« Peut-être l’immobilité des choses autour de nous leur est-elle imposée par notre certitude que ce sont elles et non pas d’autres, par l’immobilité de notre pensée en face d’elles. »

Sacré Marcel, quand c’est Cyril Hanouna qui parle c’est beaucoup plus simple.

L’idée m’est venue de faire un gâteau au chocolat pour lier l’ennui à l’utile mais pour cela il me faut du chocolat donc aller faire des courses, donc remplir un laissez-passer puis faire la queue pendant une heure, du coup j’ai ouvert un paquet de Pépito et je me suis précipité sur mon balcon, des miettes de biscuit aux coins des lèvres, une Guiness à la main.

L’apéro c’est à partir de 19 heures d’après la Convention européenne des droits de l’homme. Ou pas. En période de confinement tout est permis.

Cendrillon, Napoléon, un verre de Picon,

Aujourd’hui, je fais ce qui me plaît, me plaît,

Devinez, devinez, devinez qui je suis,

Derrière mon loup, je fais ce qui me plaît, me plaît,

Aujourd’hui,  tout est permis.

Un moineau sacrément costaud se pose sur la rambarde rouillée puis me fixe avec compassion. C’est peut-être bête mais cette présence silencieuse me rassure et m’apaise progressivement. Il reste là avec moi, à m’écouter parler tout seul pendant plusieurs minutes puis s’envole comme après une discussion entre deux bons copains, sans me juger ou me couper la parole, nous promettant de nous revoir demain à la même heure, au même endroit, avec un bol de bretzels cette fois.

La voisine d’à coté par contre n’est pas du même avis. Elle souffle un « n’importe quoi » et baisse les volets comme si j’étais un pestiféré.

Finalement, rien n’a changé.

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Commentaires (9)

    • Olà, quel agressivité ! Quel synisme! Visiblement votre temps à vous n’est pas occupé à écrire des choses agréables. Comme le disait ma maman qui était bienveillante : quand tu n’aimes pas ne dis pas “c’est pas bon”, mais ” Ça ne me convient pas”. J’ose le dire, vais-je oser? Cette chronique au contraire de vous m’a fait du bien, elle m’a fait sourire. Vous vous rendez compte? Sourire! Que demander de mieux? Merci 😄

  1. J’ai eu les mêmes inquiétudes concernant les M&M’s… Ça va être chaud !
    Ça rassure de voir qu’on a tous les mêmes activités… Je suppose que l’écriture est pour toi salvatrice mais elle est aussi une belle distraction ! Merci
    Courage !

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