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Strasbourg : Cher Père Noël

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Je ne t’écris pas cette lettre dans l’espoir égoïste de gratter une montre connectée ou une PS5 que mes radins de proches ne m’offriront jamais. Tu as déjà assez de boulot comme ça, puisque toi tu es « essentiel », tu n’es pas intermittent du spectacle, cuisinier, serveur, ou projectionniste, et pour le reste, il  y a Amazon, Netflix ou Wish.

Je sais bien que c’est la crise, qu’il faut se montrer raisonnable et à ton âge, je ne voudrais pas que tu attrapes la Covid avant d’aller rouler une pelle baveuse à Mère Noël. Ton surpoids est un facteur de risque dont il faut aussi tenir compte, ton diabète aussi, résultat d’un gavage intensif aux biscuits au beurre, au lait de poule et à quelques verres de liqueur de framboise d’une petite distillerie de Dambach-la-Ville.

De toute façon, le cadeau de mes rêves n’est qu’une illusion que je ne toucherai jamais du doigt, sauf si tu as la possibilité de faire revenir David Bowie sur terre l’espace d’une soirée, de l’installer à ma table le 25 décembre avec une guitare et quelques bouteilles de Romanée-Conti Grand Cru. Là, on pourrait commencer à se marrer un peu. Là, Noël aurait un minimum de gueule.

Dans le pire des cas, il me faudra réunir les 7 boules de cristal de Dragon Ball pour avoir la possibilité d’exercer un vœu, mais je t’avoue que d’envisager une baston avec Freezer, Boo ou Végéta ne m’enchante guère après m’être enfilé de la bûche au chocolat et il y a bien longtemps d’ailleurs que je ne pratique plus le lancement de boules de feu, les balayettes et les transformations en super-guerrier.

Je regrette cependant que la majorité de mes concitoyen-ne-s ne possèdent pas mon sens moral. Quand je t’ai croisé il y a quelques années (qui forment à présent plusieurs décennies bien tapées), tu étais fièrement assis sur le trône pailleté du Auchan du Baggersee. Au milieu des caddies encombrés, tu avais fière allure. J’étais très impressionné par ton charisme bedonnant mais je t’évitais soigneusement car, Père Noël, j’étais un peu déçu de voir quelle tournure commerciale prenait ton personnage entre les annonces de promotion sur le blinis et le saumon fumé d’un animateur payé au SMIC. Il est vrai aussi que mon respect est tel pour toi, que je ne voulais pas faire comme les autres enfants en te sautant dessus comme sur un canapé Ikea, en tirant ta barbe sans compassion et en t’indiquant sans la moindre gène que ton haleine de vin chaud était plus que douteuse.

Il est temps de régler nos comptes entre adultes, que tu rendes de la magie à cette fête qui se perd dorénavant au milieu des guirlandes, des chalets vides, dans ce décor fantomatique digne du Truman show où les produits made in China tutoient des gaufres au Nutella. La pipe qui bordait tes lèvres a disparu des illustrations te représentant depuis que tu as laissé Coca-Cola prendre ton âme et, désormais pour te joindre, il est nécessaire de composer un numéro surtaxé pour entendre la voix d’un ordinateur qui me raccroche au nez après un rire cynique qui en dit long sur la facture qui m’attend.

Où est la neige qui tombait sur Strasbourg pendant des jours, laissant les rues blanches et pures à la place du bitume ? Maintenant il fait dix degrés en plein mois de décembre, un temps à donner un coup de soleil à tes lutins. Que sont devenus les repas de fête qui duraient cent ans et pendant lesquels parrain Stéphane tentait de me faire goûter des huîtres ? Pourquoi la mousse aux marrons de ma bûche est congelée et a le goût du carton ?

Dorénavant, la dépression me guette quand j’entends Tino Rossi chanter Petit Papa Noël, et les rediffusions de Mister Bean sur France 3 que je regarde tous les hivers depuis vingt-quatre ans me donnent un peu la nausée. Après le gavage des oies, voici venu celui des gourmands, des macarons et du crémant.

Il est temps de te secouer Père Noël parce qu’après tout, tu fais partie de la famille. Tu pénètres dans nos intimités comme un voleur, en silence et nous mentons à nos mioches sur la réalité de ton existence pour qu’ils ferment leurs yeux sur l’exploitation capitaliste et despotique nécessaire à la fabrication de leurs jouets en plastique.

Père Noël, si je suis aussi exigeant c’est pour ton bien, pour que tu reprennes tes huit rennes bien en main, pour entendre à nouveau Papi Louis me raconter comment il a tué 62 nazis pendant la guerre avec un couteau-suisse, pour voir danser Tata Simone sur la table et pour dire à ma belle-sœur que son feuilleté aux champignons est un miracle sans nom. L’adulte ne croit pas en toi mais vote disait Desproges, il tue ton mythe et oublie le miracle du vrai partage qui est dans le cœur des enfants

Alors, avant de descendre du ciel, n’oublie pas d’embrasser les courageux qui n’ont pas renoncé à toi, ceux qui luttent dans la solitude en ces temps difficiles, ceux qui continuent de travailler en ce jour si spécial et ceux dans le besoin affectif ou matériel. Tu peux laisser les autres s’étouffer avec leur dinde aux marrons, ceux-là s’en sortiront toujours entre le café et le dessert.

Je compte sur toi Père Noël. Ne me déçois pas.

Je t’embrasse fort,

Post-scriptum : Je ne sais pas si tu te souviens de cette moto en plastique que tu m’as offerte en 1992 ; je peux te le dire maintenant, ce n’était pas ce que j’avais commandé. Moi je voulais le robot Power Rangers, celui avec une épée et un bouclier immense. Je dis ça, je dis rien.

Post post-scriptum : N’oublie pas ton masque et ton attestation de déplacement, sinon l’amende est de 135 euros ! Je déposerai un flacon de gel désinfectant au pied du sapin ainsi qu’un peu de coke et une paille. À utiliser en cas d’urgence si tu tournes de l’œil entre 4h et 5h du matin.

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