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Strasbourg : L’astronaute du bitume

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Lorsque les gamins, du fond de leurs lits, armés d’épées magiques, chassent encore des dragons pour sauver une princesse enfermée dans un donjon maléfique et que leurs parents galèrent à ouvrir les yeux, s’étant couchés à deux heures du mat après avoir enchaînés six épisodes de Black Mirror, j’enfile ma combinaison orange fluo, David Bowie en tête :

Ground Control to Major Tom, Take your protein pills and put your helmet on. Ten, nine, eight, seven, six, five, four, three, two, one, liftoff.

La porte claque derrière moi. La musique s’arrête, net. Le silence de la réalité s’impose en douceur comme un père qui n’a qu’à lancer un regard désapprobateur à son fiston pour qu’il arrête de se curer le nez avec son auriculaire. Pas de volées de phalanges au visage. Pas de joues rouges. Pas de cris. Françoise Dolto en avait juste sa claque de décoller des crottes de nez sous la table du salon.

A cette heure-ci, entre la fin de la nuit et le début du jour, l’aurore pour les poètes, l’after pour les fêtards, la descente pour les gobeurs et l’accalmie pour les ombres qui dorment dans des cages d’escaliers, la ville baille. Une légère brume de gaz d’échappement dans les yeux, le sifflement des mésanges ou les gémissements d’un vagabond faisant office de radio-réveil.

La bêtise humaine n’est pas encore visible, pas encore audible. Les emmerdes commencent quand l’Humanoïde avale son shoot de caféine, aspire sa dose de nicotine et commence à vociférer des saloperies sur son boulot de merde qu’il veut quitter depuis vingt-deux ans mais qu’il ne quittera jamais parce que ses couilles ne lui servent qu’à faire des gosses. Tous les matins c’est le même bordel. Un jour sans fin où Bill Murray serait six milliards de connards qui hurlent à la mort parce que le paquet de Chocapic est vide ou parce que la biscotte qu’ils s’entêtent à beurrer comme des bûcherons pète en mille morceaux et s’écrase sur le carrelage blanc de la cuisine.

L’inventeur de la biscotte est un salopard.

Théorie du complot : biscotte impossible à beurrer – crise de nerfs – dépression – divorce – suicide. Novartis est dans le coup. La vente d’antidépresseur à augmenter de 3127 % depuis la création de cette quenelle de farine desséchée. Avant, on achetait sa baguette chez le boulanger, un artisan-hipster à la moustache bien taillée qui sentait bon l’Eau de Cologne et les rognons de veau. Le monde allait mieux : pas de chômage, pas de guerre en Syrie, pas d’auto-tune, pas de concert de Jul.

Lorsque le soleil caressera la totalité de mon visage à travers la vitre du bus 40, je serai arrivé à destination et je saurai que les silhouettes pressées en costume/cravate sortiront du hall vitré de la gare après avoir voyagées debout dans des boites métalliques qui glissent sur des échelles posées au sol.

Devant le Mcdonald’s, je ferme les yeux. L’odeur de friture : Europapark – mon enfance – la main fermement serrée à celle de mon père dans le train fantôme lorsqu’un squelette mesquin tentait de me trancher la carotide pour de faux à l’aide de son sabre en plastique.

Plus loin, je suis hypnotisé par une odeur de café chaud et de viennoiseries et je manque d’être aspiré par le tram.

Le quartier de la gare mue, sans parler de gentrification comme certains autres quartiers de Strasbourg. Le Leclerc, théâtre de courses-poursuites entre videurs et chapardeurs de 8.6 est devenu une salle de sport où les plus courageux lèvent de la fonte après avoir pédalés sur des vélos qui n’avancent pas. Que les écorchés du houblon qui perdent la boule face à ce changement d’urbanisme hautement important pour leurs foies et leurs taux de Gamma GT se rassurent. Ils pourront se consoler au Garde Fou ou au Kitsch’n Bar en sirotant la Rolls de la mousse, jouissant d’un spectacle qui n’a pas de prix : celui d’observer les passants déambuler dans la rue en ayant un petit sourire salace lorsqu’un cycliste se prend la roue dans les rails du tram.

Mon balai chante en récoltant une partie de la vie des gens balancée sur le bitume, par inadvertance, lassitude ou tout simplement irrespect. « Y’a un mec qui est payé pour ça à l’Eurométropole, je m’en bats les couilles de ta poubelle de merde ».

Ce mec c’est moi.

Depuis dix-sept ans, je mets du cœur à faire en sorte que ces trottoirs sur lesquels vous marchez, ces bancs sur lesquels vous vous asseyez, soient propres et ne se résument pas à des bouts de mobiliers impersonnels et odorants, jonchés de crottes de chiens, de canettes de soda ou de mégots. Nous sommes les petites mains invisibles se levant à l’aube pour éviter de vous retarder lorsque vous cavalez sur le goudron en talons pour vous rendre à un rendez-vous urgent. Nous sommes ceux grâce à qui à la terrasse de la Ruche aux deux reines, les parfums de moussakas, d’ambalayas au poulet ou de burgers de saumon ennivrent vos papilles sans être coupés par l’odeur putride d’un kebab en décomposition qui traine par terre.

Nous n’attendons pas d’être remerciés pour ce que nous faisons. Nous le faisons en nous sentant utiles malgré l’odeur et la crasse mais parfois un regard, un échange, un “merci” donne encore plus de sens à tout ça.

Un môme qui aura visiblement une scoliose tellement il est courbé par le poids de son cartable, observe la chorégraphie entre mon balai et ma pelle. Le balai avance vers la pelle qui se cambre. Le balai, troublé, manque de trébucher et la pelle glisse pour la prendre dans ses bras. La Pelle et la Bête.

Le petit sourie. Je lui fais un clin d’œil en retour.

Ça me réchauffe le cœur jusqu’à ce que sa mère lui dise « Tu vois, si tu ne travailles pas à l’école tu feras comme le monsieur toute ta vie ».

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Mr Zag a une voisine, un chat, des collègues, un job, il aime Lynch, Radiohead et Winshluss. Mr Zag a un Pinocchio tatoué sur le bras, quelques gribouilles en islandais, il ouvre les yeux et décrit le monde avec une vision bien à lui.

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