Julius Pepperwood regarde la pluie tomber depuis ses fenêtres. Si le temps strasbourgeois n’est pas à la fête, il sourit tout de même, son verre de whisky tournant entre ses mains. Car à Strasbourg, en ce moment, l’amour est dans l’air. Alors qu’il observe les couples se balader près des quais, main dans la main, il en voit certains s’engager dans une rue qui respire la tendresse. L’air de rien, il vient de trouver une nouvelle enquête.
Alors qu’aujourd’hui, Strasbourg célèbre la Saint-Valentin sous toutes ses formes, quoi de mieux que de revenir sur l’histoire d’une des rues qui représente l’amour : la rue des Couples. Reliant le quai des Bateliers à la place des Orphelins, elle est un repère à bonnes adresses, que ce soit pour boire un coup, ou manger un bout. Seul(e) ou bien accompagné(e).


On y trouve par exemple les pizzas de Casa Via ou de La Laguna, mais aussi les plats chinois généreux du Cosy qui mettront KO les estomacs les plus solides. Pour se désaltérer et faire la fête, on peut se rendre au Canapé Queer ou au Tempête. Enfin, si l’idée est de se faire un gros kif’, rendez-vous à l’hôtel Cour du Corbeau, pour un moment à deux (et plus si affinités).
Bref, la rue des Couples célèbre le plaisir et chaque Strasbourgeois(e) y est déjà passé(e) au moins une fois. Mais d’où vient le nom de cette rue, qui a quelque peu évolué depuis six siècles ?



Une impasse, devenue rue
Aujourd’hui, quand on lève les yeux devant la plaque, on peut y lire « Rue des Couples / Kuppelhofgasse ». Mais elle ne s’est pas toujours nommée comme ça : d’ailleurs, elle n’est devenue une rue qu’en 1881, selon Archi-Wiki. Avant, c’était une impasse, une des nombreuses du quartier.
Celle qui nous intéresse aujourd’hui s’est d’abord nommée Wintgesselin en 1536, soit la « ruelle du vent ». Elle a pris quelques variations sur le même thème les siècles suivants, devenant ensuite Kuppelgasse, rue des Jumeaux, Kuppelhofgasse ou même impasse des Couples. Mais une impasse des Couples, ce n’est pas très romantique ; donc en 1881, petite impasse devient rue. Elle se prolonge alors jusqu’à la place des Orphelins, comme c’est encore le cas aujourd’hui.

La Cour des Couples, un bâtiment historique à l’origine du nom de la rue ?
Comme chaque amour possède sa part de mystère, le nom de la rue des Couples est soumis à plusieurs théories. La plus probable reste celle de son nom en alsacien : Kuppelhofgasse. Cela fait référence à la Cour des Couples, ancien hôtel Hammerer, hôtel historique faisant l’objet d’un classement au titre des Monuments historiques depuis 1927.
Situé au n°9 de la rue, il était d’abord hôte du haras, municipal puis privé, qui a existé jusqu’à la moitié du 16e siècle. Deux siècles plus tard, le bâtiment sera acquis par Jean Hammerer, magistrat municipal de l’époque, qui fera construire un hôtel en fer à cheval autour d’une cour.

Sous la houlette de l’architecte Jean-Laurent Goetz, le bâtiment est d’inspiration rococo (ou style rocaille), soit un style qui recherche le luxe, aux tendances décoratives. Le décor comprend notamment de nombreux mascarons, ces têtes sculptées représentant des allégories. Il accueille depuis la fin des années 90 l’école élémentaire du collège épiscopal Saint-Etienne.
Mais alors, pourquoi rue des Couples ? Tout simplement parce que l’édifice présente deux façades se répondant, autour de la cour. C’est en tous les cas, une théorie.

Les dernières théories
Si le nom de la rue des Couples provient probablement de son bâtiment historique au n°9, certain(e)s ont eu d’autres suppositions. Selon l’historien Roland Recht, dans Connaître Strasbourg : cathédrale, musées, églises, monuments, palais et maisons, places et rues, ce serait plutôt en référence à l’accouplement des chevaux destinés à la cavalerie urbaine. Un accouplement qui avait lieu dans les anciens haras.

L’origine du nom de la rue a également été discutée par Rodolphe Reuss, l’historien français qui a donné son nom au terminus de la ligne C et à une allée au Neuhof. Dans son ouvrage Vieux noms et rues nouvelles de Strasbourg : causeries biographiques d’un flâneur publié en 1883, il met en scène plusieurs personnages discutant des noms donnés aux voies de Strasbourg.
Concernant la rue des Couples, pour l’historien, ce n’est pas une cour d’amour, ni une référence aux couples, tel qu’on les entend aujourd’hui. Et dans son ouvrage, le mystère est si épais, que le personnage du notaire déclare que l’origine du nom devrait faire l’objet d’un concours, pour définir son origine.
Finalement, en amour comme dans la dénomination des rues, il est toujours bon de cultiver sa part de mystère.
