Le 31 janvier dernier, le tram Nord entrait dans une nouvelle phase : celle de la « convention citoyenne ». Une méthode qui va désigner 100 Strasbourgeois(es) et habitant(e)s de l’Eurométropole pour réfléchir à l’avenir du projet. Nouveau tracé envisagé, fonctionnement, réactions politiques : on vous résume, en 5 questions, tout ce qu’il faut savoir sur le sujet.
Le 9 décembre dernier, la commission d’enquête publique rendait un avis défavorable pour le tram Nord. Une déflagration politique pour l’exécutif strasbourgeois et eurométropolitain.
Inédite à Strasbourg, cette décision a mis une fin provisoire au projet le plus ambitieux du mandat de l’Eurométropole (EMS), et a été vécue comme une victoire politique d’ampleur pour les différentes oppositions, qui l’utiliseront sans doute comme carburant pour les prochaines municipales.
En attendant, chaque force politique affûte ses armes, tandis que, comme annoncé lors de l’avis défavorable, l’Eurométropole va retravailler le projet. Et pour cela, elle a décidé de mettre en place une « convention citoyenne ». Un dispositif pas forcément très connu des Strasbourgeois(es), mais qui va avoir une certaine influence : réfléchir au futur du projet d’un tram Nord 2.0, sous toutes ses formes.

C’est quoi une « convention citoyenne » ?
Une « nouvelle méthode de travail » d’après Jeanne Barseghian, une « démarche démocratique inédite » selon la Ville de Strasbourg : le principe d’une « convention citoyenne » peut sembler nébuleux à première vue. Mais, s’il fallait résumer, on pourrait dire que le but est de réunir un certain nombre de personnes, afin de discuter d’un sujet, de le faire évoluer et de proposer des pistes d’amélioration.
Plus concrètement, si l’on peut penser à celles lancées par Emmanuel Macron sur le climat et la fin de vie [dont les propositions n’ont que trop peu été suivies, ndlr], côté strasbourgeois, le dispositif s’apparente à une version plus développée du jury citoyen mis en place en 2022 pour faire évoluer le marché de Noël. Et dans le cas du tram Nord, la future « convention citoyenne » rassemblera 100 Strasbourgeois(es) et habitant(e)s de l’Eurométropole, tiré(e)s au sort pour réfléchir et approfondir le projet.

À quoi va-t-elle servir ?
Cette « convention citoyenne » va poser une question très simple à ses 100 futur(e)s membres : comment le tram Nord va faire pour desservir de manière efficace le nord de l’agglomération ? Ils et elles devront alors revenir sur les grandes lignes du projet, comme par exemple les aménagements tout autour [piétonnisation de la route de Bischwiller, parc place de Haguenau, ndlr], mais également le tracé.
Alors que le choix du tracé initial avait porté son lot de controverses, récemment, une ouverture a été réalisée par Danielle Dambach. En exclusivité dans nos colonnes, la maire de Schiltigheim a évoqué pour la toute première fois la possibilité de faire passer le futur tram par, ou aux alentours de la Brasserie de l’Espérance, qui sera quittée par Heineken début 2026. Une proposition qui sera forcément scrutée et étudiée par la « convention citoyenne ».
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À la fin des travaux, les préconisations constitueront le nouveau socle du projet de tram Nord, sur lequel le conseil de l’EMS aura à se prononcer pour engager les phases ultérieures. Ceci, dans le prochain mandat.

Comment savoir si je suis tiré(e) au sort ?
En tout, 100 personnes vont être tirées au sort pour cette « convention citoyenne », entre février et mars. La sélection va se faire en deux phases :
- Un premier tirage au sort sera effectué au sein de la population métropolitaine sous forme d’une invitation à candidater auprès de 50 000 habitant(e)s du territoire. Ils et elles pourront alors se porter volontaire, seulement en cas d’absence de conflits d’intérêts. Un point qui cristallise les tensions, puisque seront exclus du tirage au sort les responsables associatifs impliqué(e)s en faveur ou contre le projet. Une décision qui ne passe pas, notamment parmi les associations contre le tram Nord dénonçant une « mascarade ».
- Un deuxième tirage au sort parmi les candidatures récoltées permettra de garantir une bonne représentation de la population, selon des critères d’âge, de genre, de lieu de résidence, de catégorie socio-professionnelle… On pondérera en équilibrant entre les personnes estimant être très impactées par le projet dans leur vie quotidienne, et celles plus éloignées, mais tout de même intéressées. On arrivera alors à 100.
Pour aider les 100 tiré(e)s au sort, un groupe de 3 à 5 expert(e)s indépendant(e)s chapeautera le dispositif, spécialisé(e)s dans la participation citoyenne, l’aménagement urbain et les mobilités ou encore la déontologie. Il y aura également la formation d’un comité d’élu(e)s transpartisan, piloté par Pia Imbs, pour assurer une concertation politique.

Après le tirage au sort, quelles sont les prochaines étapes ?
Une fois les différentes équipes composées, la « convention citoyenne » rentrera dans l’opérationnel, jusqu’en octobre. Concrètement :
- En avril, l’Eurométropole décidera du cadrage et de la méthodologie des travaux de la « convention citoyenne ».
- En mai, la « convention citoyenne » prendra connaissance des enjeux du dossier, effectuera des visites de terrains pour s’approprier le sujet et proposera ses premières réflexions.
- En juin, il y aura une restitution des visites, l’audition des différentes parties prenantes du projet et la « convention citoyenne » continuera ses réflexions et propositions.
- En octobre, le rapport réalisé par la « convention citoyenne » sera présenté.
- Par ailleurs, tout au long du déroulé de la « convention citoyenne », des temps de communication avec les Strasbourgeois(es) et habitant(e)s de l’Eurométropole seront réalisés.

Dans le calendrier prévisionnel, on arrive ensuite en 2026, où une concertation publique sera lancée sur la base des travaux et préconisations de la « convention citoyenne ». En 2027, on revient à l’étape décisive de l’enquête publique, pour pouvoir lancer les travaux du tram Nord 2.0.
Ce dernier devrait alors, si cette fois-ci tout se passe bien, être livré à l’horizon 2030, soit trois ans après l’ambition originelle. Mais on l’a vu avec le premier projet, beaucoup de choses peuvent encore évoluer ; il faut donc prendre ces échéances avec des pincettes.

Quelles sont les réactions politiques de l’opposition ?
Une seule chose est sûre : désormais retardé de plusieurs années, le tram Nord devient le sujet principal de la campagne des municipales de 2026. L’opposition ne s’y est d’ailleurs pas trompée lors du récent conseil municipal : alors que Pierre Jakubowicz et Catherine Trautmann avaient étrillé le dispositif lors d’une conférence de presse au matin du conseil, les deux élu(e)s fustigent respectivement « un gâchis de temps et d’argent public » et « un paravent politique destiné à vous dédouaner d’avoir proposé un mauvais projet ».
Ce n’est pas la démocratie locale qui vous guide, mais bien l’échéance électorale qui approche.
Jean-Philippe Vetter (LR) pointe lui le coût de la mesure : « Redorer votre image a un coût : 500 000 € d’argent public. » Un budget également critiqué par Pierre Jakubowicz : « 500 000 € pour effacer l’expression de plus de 7 000 citoyens dans le cadre d’une procédure légale. »
« Faux-pas politique » pour Catherine Trautmann, ou « tour de passe-passe » selon Nicolas Matt, l’opposition se montre plus unie que jamais… pour l’instant. À voir lorsque les municipales se rapprocheront et que des alliances devront se faire, ou se défaire.

Et côté majorité ?
Pour la majorité, on persiste et signe : il faut un tram Nord, et la « convention citoyenne » est le bon choix pour aller de l’avant. Floriane Varieras expose la méthode comme « le choix de l’apaisement, du dialogue, le pari de l’intelligence collective ». Jeanne Barseghian assume le fait que la municipalité souhaite « démarrer une nouvelle étape », avant de dénoncer « les pompiers pyromanes qui ont tout fait pour saborder le tram, et qui veulent maintenant aller vite ».
Nous ne savons pas quelles seront les conclusions de la convention citoyenne ; ni vous, ni nous.
Enfin, Syamak Agha Babaei explique qu’amener un tram au nord de Strasbourg n’a jamais fait consensus, quel que soit le projet qui avait pu être proposé. Il fustige également les soupçons sur la probité de la méthode choisie : « Quelle virulence contre une convention citoyenne ! De quoi avez-vous peur ? J’essaye de comprendre. Les citoyens ne sont qu’un alibi lorsque cela va dans votre sens. »
Bref, que ce soit en 2025 ou dans la campagne des municipales, on n’a pas fini d’entendre parler du tram Nord.