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Et si on se confinait une semaine sur deux ? La proposition d’une chercheuse strasbourgeoise

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En octobre dernier, nous étions, pour la seconde fois, dans une situation de confinement. Une situation que semblent de moins en moins respecter les Français qui sont, selon un sondage IFOP, 60 % à transgresser les règles établies. Une nouvelle davantage compréhensible que répréhensible, liée à un sentiment de fatigue après huit mois compliqués, à l’absurdité d’un modèle français fait d’attestations pour sortir courir, des jouets entourés de bandes plastiques tirées des plus belles scènes de crime américaines et une gestion de la crise qui nous a valu le surnom « d’Absurdistan Autoritaire » selon l’hebdomadaire politique allemand plutôt à gauche Die Zeit. Il est donc peut-être venu temps d’arrêter les décisions simplistes et de commencer à réfléchir à des solutions un peu plus complexes qui seraient tout aussi, voire plus efficaces. Elles demanderaient juste un peu plus de pédagogie. Et ça tombe bien, on est allé parler à une chercheuse strasbourgeoise qui fait partie d’une équipe proposant une solution alternative : si on optait pour un confinement une semaine sur deux, qui serait tout aussi efficace qu’un confinement global ? On vous en dit plus.


D’où vient cette idée ?

L’idée d’un confinement alterné provient d’une équipe de chercheurs de l’université de Bar-Ilan en Israël, pilotée par le mathématicien et physicien Baruch Barzel. Au sein de cette équipe travaille la chercheuse strasbourgeoise Nava Schulmann, qui a fait son doctorat à Strasbourg et qui travaille désormais à INRIA Strasbourg, en partenariat avec l’université de Milan. Jointe par téléphone, elle nous raconte les premiers pas de cette étude : « J’ai rejoint le projet pour faire des simulations numériques. Après, l’équipe a travaillé de façon très condensée en avril pendant deux/trois semaines et on a sorti la première version de l’article. »

À ce moment-là, ils ont suivi le protocole de toute équipe scientifique qui se respecte : soumettre leur travail à des revues. Un processus qui, comme la recherche en elle-même, prend du temps : « Si on peut vite se convaincre que l’idée est bonne, il faut toutes les vérifications derrière pour savoir si c’est applicable, si les simulations sont bonnes… On nous a même demandé de complexifier nos modèles, pour savoir si nos résultats seraient les mêmes avec des modèles prenant en compte des paramètres plus contraignants. » Il faut croire que les résultats sont bons puisqu’ils ont eu récemment une réponse positive de la prestigieuse revue scientifique Nature Communications. Si l’étude n’est pas encore publiée au moment où cet article est écrit, vous pouvez néanmoins retrouver la pré-publication ici.

© Samuel Compion


Concrètement, cela consiste en quoi ?

Maintenant que la base scientifique et le sérieux de l’étude sont posés, parlons un peu plus de l’idée d’un confinement alterné. D’entrée de jeu, elle pourrait apporter une solution à la crise protéiforme que nous traversons. « On est en face d’une crise double ou triple : sanitaire, économique et sociale. Les effets psychologiques en sont très forts » me précise Nava Schulmann, faisant référence aux conséquences psychiatriques du confinement et même aux idées suicidaires qui en découlent, toutes les deux relayées par France Info. Le dernier rapport de Santé Publique France sur la question fait par ailleurs état d’une augmentation significative des troubles dépressifs en comparaison de l’enquête fin septembre (+10 points). Dès lors, si vous avez besoin de parler, Strasbourg a réactivé la ligne de soutien psychologique pour le confinement.

Dès lors, l’idée développée par l’équipe de chercheurs est de faire différemment que ce qui est pratiqué en France, mais également dans d’autres pays d’Europe. « On propose une alternative aux stratégies déjà appliquées : un confinement alterné. Très simplement, cela consiste à diviser la population en deux groupes. Selon l’ordre alphabétique, l’adresse peu importe, tant que chaque foyer se trouve dans le même groupe. Ensuite, chaque groupe est confiné une semaine sur deux, en alternance. »

© Mathilde Piaud


Au fait, ce serait légal ?

Voilà pour l’idée. Elle change des solutions simplistes qu’on a l’habitude d’entendre et de voir mises en place. Elle invite à un débat et à des réflexions, ce qui est bon pour faire avancer la société. Et justement, une des questions qui vient en tête quant à la faisabilité du projet porte sur la légalité d’une telle mesure. Peut-on séparer comme ça la population en catégories ? À titre de comparaison, récemment, des avis s’étaient élevés sur le caractère légal de confiner uniquement les personnes à risques.

Posée sur France Culture le 27 octobre dernier, Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste et professeur de droit public à l’université de Lille, y avait répondu : « Il y a un principe constitutionnel qui est bien ancré dans notre droit, qui est le principe d’égalité. Ce principe dit clairement qu’il ne s’oppose pas à un traitement différent de personnes placées dans des situations différentes. Mais on pourrait envisager effectivement que les personnes âgées ne sont pas dans la même situation que les personnes moins âgées face au virus puisqu’on a pu constater que ce sont les personnes âgées qui risquent le plus de pâtir de ce virus. Seulement, lorsque l’on prend une telle mesure discriminatoire, il faut que son objectif, sa raison d’être, soit en lien avec l’objectif que l’on poursuit. Or l’objectif du confinement n’est pas tant d’éviter que les personnes âgées ou moins jeunes pâtissent du virus ne tombent malades, mais d’éviter la circulation du virus. »

Dans le cas d’un confinement alterné, il n’y aurait pas de telle discrimination, puisque ce serait une séparation fondée selon des critères définis, sans discriminer n’importe quelle catégorie d’âge. De plus, il serait facile d’argumenter que c’est pour éviter la circulation du virus. Questionnée à ce sujet, Nava Schulmann rassure : «Il n’y aura ni traçage ni base de données. »

© Samuel Compion


Comment ce confinement alterné se mettrait-il en place ?

Après la théorie, désormais rassurés quant à la légalité de l’idée, intéressons-nous plus en détail sur la pratique. Comment se déroulerait une telle proposition de confinement alterné ? « La chose la plus importante c’est que les gens du même foyer appartiennent au même groupe et que les groupes fassent peu ou prou la même taille » me répond Nava Schulmann. La chercheuse ne nie d’ailleurs pas qu’il y aurait des petits problèmes au départ. Mais elle propose aussi des solutions. « Ce qu’on propose, c’est d’avoir une plateforme numérique où les gens ont la marge de demander des dérogations pour changer de groupe si nécessaire. Et à partir de là, on commence le cycle de deux semaines. »

On l’a dit en introduction, les Français transgressent davantage le confinement. Alors tout naturellement, comment pourra-t-on vérifier le respect de ce confinement alterné ? « Au niveau du travail c’est assez simple, tout comme dans les écoles aussi. Ce sera facilement vérifiable de savoir qui se trouve dans le groupe A et le groupe B. Pour les restaurants, centres commerciaux, à l’entrée il faudrait par exemple avoir une attestation pour prouver qu’on appartient à la bonne semaine. Sinon il y aurait un risque de fermeture. Après pour les activités comme faire du sport, promener son chien, ce n’est pas très important puisque ce n’est pas vraiment dans ces cadres-là qu’on transmet le virus. » Dès lors, on se retrouve avec une situation qui, dans l’ensemble, crée un cadre où les raisons de désobéir n’existent pas vraiment.

Un peu d’amour. © Samuel Compion


Quels avantages pourrait-on en tirer ?

Il faut dire que la solution envisagée par Nava Schulmann et l’équipe de chercheurs israéliens comporte plusieurs avantages. En premier lieu, en ce qui concerne la langue que maîtrisent le mieux nos élus : l’économie. « C’est quelque chose qui permet de garder une activité économique continue et régulière, répartie sur tous les secteurs d’activités. » Un avantage non négligeable à l’heure où aujourd’hui, certains secteurs profitent de cette situation alors que d’autres sont complètement cassés – coucou Amazon.

Avec cette solution, il est possible d’assurer la continuité économique sur tous les secteurs. Ce qui sera particulièrement avantageux pour les métiers en contact avec le public, aujourd’hui fermés administrativement : « Pour les métiers, avec un contact avec le public, ils auront une semaine où ils pourront fonctionner normalement, et sur l’autre ils pourraient gérer les factures…. et donc être « actif » bien plus que 50 % de leur temps. Et si certaines entreprises n’arriveraient sans doute pas à fonctionner en continu, l’État continuerait bien évidemment à les aider. »

La chercheuse expose également les avantages d’un confinement alterné sur le plan social : « Il y a tout d’abord l’aspect égalitaire : plus de travailleurs essentiels et non-essentiels. Deuxièmement il y a l’aspect logistique : si les écoles ferment si la situation s’empire, avec ce rythme d’une semaine sur deux, les parents peuvent s’occuper de leurs enfants. Enfin, il y a l’aspect psychologique : lorsqu’on est dans un confinement de manière indéterminée, même s’il est moins strict et brouillé comme aujourd’hui, cette impression de ne pas savoir quand ça se termine c’est frustrant et ça peut poser de gros problèmes psychologiques pour les gens. Si une personne sait que la semaine d’après elle peut sortir, ça change tout, surtout au niveau du respect d’un confinement. »

© Samuel Compion/Pokaa


Une alternative un peu plus complexe mais tout aussi efficace

Cette alternative possède ainsi plusieurs avantages. Tout en étant aussi efficace par rapport à un confinement complet selon Nava Schulmann. « Selon nos modèles, on voit que ce confinement alterné serait comparable à un confinement de 75 à 80 % de la population. En faisant cette alternance, on arrive à diviser par quatre le type de contaminations.” La raison est simple : chaque individu ne rencontrerait que la moitié des personnes qu’il voit d’habitude.

Ensuite, le confinement alterné permet en grande majorité d’isoler les personnes qui sont les plus contagieuses. Pour l’expliquer, Nava Schulmann développe un exemple : « Si Mr. Dupont va au travail pendant sa semaine d’activité et se fait contaminer lundi, mardi ou mercredi, il n’est pas de suite contagieux, puisqu’il y a une période d’incubation. Il peut à la limite travailler jusqu’à la fin de la semaine et il développera des symptômes quand il sera à la maison. Du coup, sans effort, de nombreuses personnes, asymptomatiques ou non, s’isoleraient « naturellement ». L’explication est visible dans le schéma ci-dessous.

Le problème finalement de cette solution, c’est qu’elle est complexe. Et en ce moment, on n’aime pas le complexe ; on recherche – et on écoute – les réponses les plus simples aux questions les plus compliquées. Pourtant, il faut faire un effort. « Quelque part, quand on parle des stratégies possibles, il y a le confinement strict qui est simple et l’ouverture qui est simple aussi. On connaît désormais les conséquences de ces stratégies. Il faut commencer à trouver des solutions plus subtiles et parfois on a l’impression que les décisions sont arbitraires, voire absurdes. »

Ce confinement alterné est une solution qui sort de l’ordinaire. Elle est clairement réalisable, elle n’est pas parfaite et elle demandera des réflexions et des débats. Néanmoins, qu’il est agréable de voir que des alternatives un peu plus nuancées fleurissent çà et là, en réponse à une stratégie tellement absurde dans son arbitraire qu’elle ferait passer l’œuvre d’Eugène Ionesco pour du Guillaume Musso. Discutons, débattons, parlons-nous et trouvons des solutions. C’est comme ça qu’on s’en est sorti la première fois et c’est comme ça qu’on continuera à s’en sortir les prochaines fois. En attendant, portons bien le masque sur notre nez, soyons solidaires et prenons soin de nous et des personnes qui nous entourent.

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