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Clusters, gestes barrières et manque de communication : une rentrée covidée pour les étudiants strasbourgeois

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Cette année, les étudiants strasbourgeois ont dû faire leur rentrée dans des conditions tout à fait exceptionnelles. Très vite, le nombre de clusters et de cas positifs se sont multipliés au sein des établissements de l’université de Strasbourg. Mais les étudiants doivent malgré tout maintenir le cap, s’ils ne veulent pas risquer de rater leur année. Une réalité pas si simple à gérer, et une vie étudiante qui, lorsqu’elle est soumise aux règles sanitaires, est loin d’être la même. Entre gestes barrières, confusion et adaptation, à quoi a ressemblé la rentrée des étudiants à Strasbourg ?


Le 14 septembre dernier, la préfecture du Bas-Rhin ordonne la fermeture d’établissements situés sur le campus d’Illkirch-Graffenstaden suite à l’identification d’une cinquantaine de cas positifs au coronavirus. Près de 800 étudiants de l’école d’ingénieur Télécom Physique et de l’école supérieure de biotechnologie doivent alors suivre leurs cours à distance. Quinze jours plus tard, c’est l’école de Management de Strasbourg, qui partage le bâtiment du Pege avec la faculté d’économie, qui explique dans un communiqué qu’il a été décidé de « basculer à titre préventif l’ensemble des cours en distanciel pour environ 1 000 étudiants de 1re et de 2e année du Programme Grande École (PGE) à compter du mercredi 30 septembre pour une durée de deux semaines. » Une décision prise après le signalement d’une quarantaine de cas positifs. Et la liste continue de s’allonger, puisqu’un nouveau cluster avec 87 cas contacts ont été identifiés dans la promotion des L3 en STAPS début octobre, ainsi qu’un nouveau foyer de contamination au sein de l’école d’ingénieurs ECAM à Schiltigheim. Pas de doute, le milieu universitaire est un terrain favorable à la propagation du virus.

Une accélération touche d’ailleurs les 20-29 ans depuis plusieurs semaines. D’après les données publiées le 8 octobre dernier, ¼ des cas positifs ont entre 20 et 29 ans, et le taux d’incidence se situe à 74.6 cas sur 100 000 habitants pour cette même tranche d’âge. Voilà pourquoi l’ARS a décidé de réagir et de lancer une campagne à destination du public étudiant, afin de réduire la propagation du Covid-19 au sein des écoles et des facs.

Port du masque globalement respecté mais distanciation à géométrie variable selon les facs

D’après de nombreux témoignages d’étudiants et d’enseignants de l’université de Strasbourg, la plupart s’accordent à dire que le port du masque est majoritairement respecté sur les campus et dans les établissements. C’est la principale mesure sanitaire pour lutter contre la propagation du virus et, bien qu’elle soit difficile à vivre pour certains qui enchaînent plusieurs heures de cours avec un masque sur la figure, elle semble bien appliquée sur les campus. Cependant, c’est pour les autres mesures que ça se complique. Les sens de circulation précisés au sein des bâtiments grâce à une signalétique particulière semblent n’avoir finalement que très peu d’intérêt. Les étudiants et le personnel qui connaissent les lieux ont déjà leurs habitudes et d’autres ne prennent simplement pas le temps de considérer ces recommandations parfois inscrites sur le sol ou sur certains murs ou panneaux. Quant à la distanciation sociale, c’est chacun sa tambouille. Selon les facs et les filières, la rigueur est plus ou moins de mise et les étudiants sont donc loin d’être tous logés à la même enseigne. Le respect de la distanciation entre les personnes est en fait bien souvent conditionné par l’effectif de la promo. Ainsi, si le nombre d’étudiants est suffisamment faible par rapport au nombre de places disponibles dans les amphis ou dans les salles, aucune organisation particulière n’est mise en place et chacun s’assoit un siège sur deux. Pour d’autres, la promo a été divisée en deux groupes qui alternent leur présence. Dans ces cas-là, les salles sont seulement occupées par 50% des étudiants qui suivent le cours.  

© Bastien Pietronave / Pokaa

Mais pour les promos qui ne se trouvent ni dans l’un, ni dans l’autre de ces cas de figure, les étudiants sont contraints de composer avec une grande proximité. Étudiante en master à la faculté de droit, Emma explique que les classes sont composées d’une trentaine d’étudiants et que ceux-ci se retrouvent dans des salles où il n’y a que 28 chaises. Impossible dans ces conditions de respecter les distances de sécurité. Quant à Éva, elle raconte qu’en faculté de chimie, personne ne demande aux étudiants de respecter une place entre chacun dans les amphis et dans les salles, il n’y a de toute manière pas assez de place : « On s’assoit où on veut. Par exemple, si tu viens en cours avec un groupe d’amis tu peux t’asseoir avec eux sans soucis. [La distanciation] ça n’a jamais été respecté car pour les profs, si on porte un masque, pas besoin de respecter 1 mètre de distance. » En STAPS, Hugo, qui fait partie des étudiants qui ont dû se mettre en quatorzaine suite à l’identification d’un cluster, indique qu’ils sont une centaine dans sa mention, et qu’ils dépassent donc les capacités recommandées dans les amphis : « Dès qu’on avait un cours en amphi, il fallait y aller. On a même eu un cours une fois dans une salle pas loin de République et on était 70/80 dans une salle où il y avait aucune place de libre. Il y avait des gens qui devaient prendre des chaises à côté pour en rajouter et qui se retrouvaient sans table. »

Pour STAPS comme pour d’autres filières telles que Chimie ou Science de la Vie, des difficultés spécifiques s’ajoutent car le cursus prévoit tout une partie pratique où les étudiants doivent se partager le matériel. Et pour Hugo, c’est justement lors de ces cours que le plus de risques sont pris : « On était en gym, on avait le masque le temps qu’on explique les règles et une fois qu’on a commencé à pratiquer, on a pu l’enlever. Et en gym, on passe l’un après l’autre sur les agrès, il y a du contact avec les mains. Une fois, on était une cinquantaine dans un tout petit gymnase. On était beaucoup trop, les profs eux-mêmes le disaient, il y a un problème au niveau de l’organisation. » Enfin, pour les filières scientifiques, l’arrivée des premiers « TP » en octobre suscite beaucoup d’interrogations alors que certains étudiants sont invités à désinfecter leurs espaces de travail lors de la 1ère séance puis plus, et que l’on assure à d’autres que le personnel s’en charge.

© Samuel Compion / Pokaa

Un manque de communication et d’organisation

Cette rentrée exceptionnelle a été synonyme de flou pour beaucoup de filières. Manque de communication, confusion, solutions trouvées au pied levé, en faculté de sciences sociales notamment, les étudiants semblent avoir été éprouvés par la situation. Mélodie raconte : « Au début cette rentrée, on pensait que ça allait bien se passer, il y a eu une grande réunion qui nous expliquait toutes les modalités. Puis finalement, la semaine suivante, c’était chaotique. Totalement chaotique et anarchique. Il y a eu un gros manque de communication entre l’administration, les enseignants, et les élèves. L’administration prenait des décisions tardivement, communiquait ces infos un dimanche soir, comment voulez-vous que les enseignants assurent derrière pour le lendemain ? » Paul*, étudiant en L2, confirme également que ni les étudiants, ni les enseignants ne savaient quelles dispositions prendre. Et les réponses proposées par l’administration ne conviennent pas toujours : « Certains groupes d’anglais n’avaient pas de créneau et pas de salle, ou même de profs, alors à la place, l’administration a proposé des cours d’initiation à des langues que personne ne maîtrise, comme le polonais. Il y a eu un ras-le-bol de toute la promo. »

Malgré leurs efforts, les enseignants aussi ont pâti de ce flou organisationnel. Agathe est chargée d’enseignement à la faculté d’économie et décrit un climat d’incertitude à la veille de la rentrée. Lors du conseil de fac qui précède la rentrée, les professeurs ne savaient pas comment tout allait fonctionner et ce qu’ils allaient pouvoir mettre en place ou non. Par ailleurs, l’appropriation des outils numériques a été source de stress pour de nombreux enseignants qui n’étaient pas familiarisés avec ces moyens. Résultat : Mélodie confie s’être sentie particulièrement abandonnée lors de cette rentrée. « Pas par les profs, mais par l’administration qui a rendu une organisation médiocre. On passait plus de temps à chercher des infos qu’à se concentrer sur ce qu’on aurait dû réellement faire : étudier. C’était vraiment fatiguant psychologiquement parlant. La rentrée, on ne l’a pas vécue normalement, on l’a subie. » Aujourd’hui, malgré ce départ brouillon, la situation semble cependant s’être apaisée.

© Samuel Compion / Pokaa

S’adapter : un enseignement hybride entre distanciel et présentiel

Avec la division des promotions en deux groupes pour respecter les règles de distanciation sociale, étudiants et enseignants ont dû s’habituer à un nouveau rythme de travail qui laisse plus de place au travail à distance. Selon Agathe, à la fac d’économie, pour la plupart des matières, les étudiants reçoivent un enseignement sous une forme hybride avec du distanciel et du présentiel. La chargée d’enseignement indique : « Moi je vois mes groupes toutes les deux semaines. Ils ont pour la plupart 50% de leur programme en ligne ou à distance et moi je fais 50% du programme en présentiel. Par fiche de TD on détermine en avance une partie en présentiel avec eux et une partie en ligne. » Elle concède : « Pour eux, c’est sûr, leur année universitaire n’a rien à voir avec habituellement. » Et en effet, les étudiants reconnaissent que le travail personnel est plus important alors que le système de la faculté lui-même, astreint déjà à une grande indépendance.

« Moi, je n’ai pas pris de retard, mais il y a des élèves pour qui ça peut être plus embêtant de travailler à distance. Ça dépend des étudiants parce que certains ont besoin d’un encadrement et c’est vrai qu’à la fac on n’est déjà pas très encadré. » développe Isaac, qui cumule 1ère année de droit et Prépa à René Cassin. Quant à Sophie, elle avoue cumuler du retard depuis le début de l’année. Perte de motivation, conditions de travail différentes, la jeune femme qui est habituellement organisée et motivée, se sent pénalisée par une telle organisation : « On finit par travailler au dernier moment car la surcharge d’informations parfois désordonnées ne nous permet pas de nous organiser comme il le faudrait. » Quant au programme, il semble suivre son cours sans trop d’accros dans les différentes filières. Mais Agathe le reconnaît, il faut parfois s’ajuster un peu ou bien se passer de certains exercices qui reprennent les mêmes notions : « On va moins dans le détail en cours ». L’enseignante incite donc ses étudiants à relire et effectuer leurs travaux régulièrement, dès que ceux-ci sont disponibles : « C’est sûr que si le corrigé tombe en ligne sans qu’on leur explique en présentiel et qu’ils n’y font pas attention, ils vont être largués. »

© Samuel Compion / Pokaa

La question des examens

Ce contexte exceptionnel va confronter les étudiants à des examens sans avoir eu l’occasion de beaucoup côtoyer leurs professeurs. « Je vais assez peu les voir. Bientôt, ils auront des examens de mi-semestre et je ne les aurais vus que deux ou trois fois avant » indique Agathe à propos de ses élèves. Cette distance qui s’immisce entre profs et étudiants, c’est aussi ce qui inquiète Paul*, inscrit à la fac de sciences sociales : « Si tu n’as pas compris quelque chose, t’auras pas pu poser ta question. Je pense aux cours obligatoires où tu n’as qu’un seul exam à la fin de l’année. Le fait que tu suives le cours en visio, je pense qu’on ne s’y prépare pas de la même manière. » Et pour certains cours, les modalités d’examen sont carrément modifiées : « Les TD d’observation par exemple, c’est un travail qui ne se fait qu’en présentiel et normalement en 18h. Là, on va finalement le faire en 6h et on va rendre un truc individuel au lieu de collectif. On est pénalisés là-dessus. » Quant aux partiels habituellement réalisés en présentiel, les conditions d’examens ne semblent aujourd’hui claires pour personne.

Pour cette étape charnière, beaucoup redoutent particulièrement la logistique qui sera mise en place. Alors que des mesures ont été instaurées afin de limiter la propagation du virus dans les salles de cours, la réunion de promos complètes dans le cadre d’un partiel serait plutôt mal reçue. Selon Mélodie, certains enseignants envisagent de regrouper toute la promotion pour leur session d’examen. Une décision que la jeune étudiante à bien du mal à comprendre : « On se demande à quoi ont servi ces semaines de distanciel/présentiel si c’est pour que quelques semaines après on se retrouve tous dans l’amphi ? Du coup pour les examens, c’est angoissant, et un peu frustrant. Car on essaie de s’adapter à un rythme d’une semaine sur deux et finalement on se retrouve tous ensemble… On prend peut-être le risque de créer un nouveau cluster ? » La jeune étudiante n’a pas encore reçu l’ensemble des modalités d’examen, mais une chose est sûre, elle a d’ores et déjà deux partiels de prévus mi-octobre et fin du mois, auxquels l’ensemble de la promo devra se rendre.

© Samuel Compion / Pokaa

Une politique de tolérance pour cette rentrée difficile… ou pas !

Dans les facultés strasbourgeoises, la tendance est à la souplesse. Au vu des conditions particulières qui compliquent déjà le quotidien des étudiants contraints de mener leurs études en pleine crise sanitaire, l’administration de l’université de Strasbourg et les enseignants qui y sont rattachés mènent plutôt une politique de tolérance. « On avait une note de participation normalement et les L1 devaient venir en TD toutes les semaines. On l’a enlevée car on ne les voit pas assez souvent et cette note ne figure plus dans les modalités d’évaluation » explique Agathe. Au niveau des absences également, les règles s’assouplissent, et pour cause, mieux vaut laisser les étudiants rester chez eux en cas de maladie, plutôt que d’encourager la création d’un nouveau cluster. La chargée de TD affirme : « Nous, on a pris des dispositions spécifiques, on est plus indulgents au niveau des absences. Et dès qu’il y a une suspicion il est possible de prévenir l’administration et ne pas venir. » Pour Paul*, ses enseignants ont conscience que cette année est particulière. Sa professeure de statistiques par exemple ne note pas les absences aussi strictement que l’an dernier et dans d’autres matières, il s’attend également à une revalorisation des notes.

© Samuel Compion / Pokaa

Cependant, il semblerait que l’indulgence ne soit pas de mise dans tous les établissements. À Sciences Po Strasbourg, une réforme a tout particulièrement animé la rentrée des étudiants de l’IEP. Alors que les élèves avaient jusqu’à cette année, le droit à cinq absences injustifiées au cours de l’année, leur nombre a finalement été réduit à trois. Et petite originalité, dès la deuxième, l’étudiant perdra un point sur la moyenne du TD correspondant. Chaque étudiant peut donc recourir à une absence injustifiée, qu’il faudra tout de même déclarer à l’administration. Quant aux justifications considérées comme « valables » par l’IEP, elles ont aussi été réduites. « [L’année dernière] j’ai personnellement principalement utilisé [les absences injustifiées] pour pallier à mes problèmes de santé mentale ou pour mes engagements associatifs. Par ailleurs, les événements associatifs ne constitueront plus une excuse valable. » explique Flora*, étudiante à Sciences Po. Elle ajoute : « Cette réforme est profondément injuste puisqu’elle tue l’activité associative, pénalise les étudiant.e.s à la santé mentale fragile (comment venir en TD au beau milieu d’une crise d’angoisse, et comment le justifier ?), pénalise également les étudiant.e.s ayant des problèmes médicaux qui ne nécessitent pas un rendez-vous chez le médecin (comme des règles douloureuses, ou une petite fièvre) et bien d’autres choses. » Pour Camille*, qui étudie également à l’IEP, cette réforme est « infantilisante ». Toutes les deux dénoncent une direction déconnectée des réalités de la vie étudiante et qui ne se soucie pas des conséquences d’une telle rigueur sur les étudiants déjà impactés par les conditions liées à la crise sanitaire. Camille conclut : « Au final, les mesures prises ne semblent pas aller dans le sens du bien-être, mais augmentent un climat assez anxiogène et incertain. »

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