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Les Indispensables : Benoît, Léonie et Florian, ces Strasbourgeois qui nous permettent de remplir nos frigos

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Depuis le début de la crise du Covid-19, la France tourne au ralenti. Les personnes exerçant un métier “indispensable” doivent continuer de travailler. Hormis le personnel soignant, qui est plébiscité chaque soir au travers des applaudissements des Français et à raison, on a voulu donner la parole à différents corps de métier, qui ne peuvent pas arrêter de travailler sans que les conséquences soient lourdes. Ils travaillent dans les services techniques des hôpitaux, prennent soin des personnes en difficultés ou nous permettent de remplir nos frigos, on a décidé de jeter un œil par le judas, pour observer le quotidien de ces Strasbourgeoises et Strasbourgeois, qui poursuivent leur activité professionnelle pendant le confinement. Et sans qui, notre petit monde, tournerait bien moins rond. En bref, les indispensables.
Le troisième article de cette série est consacré à Benoît, Léonie et Florian, employés dans des supermarchés strasbourgeois. Pour lire les précédents, c’est par ici ou bien .

Inquiétés par les rumeurs de confinement total, dès le lundi 16 mars, les Français se pressent dans les supermarchés pour remplir leurs caddies. Florian se souvient de la fréquentation exceptionnelle dans le magasin Biocoop où il travaille. Jusqu’à trois fois plus qu’un lundi classique. Mais le jeune homme encaisse, sans forcément réaliser ce qu’il est en train de se passer. Ce n’est que le lendemain, durant son jour de repos, qu’il va se brancher sur France 2 et France Inter. Ça y est, l’angoisse monte. Les médias diffusent en boucle les gestes à adopter et pointent le manque de protections pour les personnes exposées. Pour Benoît aussi, employé dans un petit commerce de proximité et Léonie, hôtesse de caisse au Monoprix, c’est la même question qui se pose : comment et dans quelles conditions va-t-il falloir travailler ? 

ATTENTION CREDIT mentionner mon nom Florian Maurer et mon site internet florianmaurer.fr
© Florian Maurer / florianmaurer.fr


Mesures de sécurité et système D

Très vite, hypermarchés, supermarchés, et magasin de proximité doivent s’organiser pour continuer à accueillir les clients, tout en respectant les mesures de sécurité et de distanciation sociale, pour limiter la transmission du Covid-19. Scotch sur le sol, régulation des clients, désinfection des postes de travail, des portes, des poignées, suppression des espaces “self”, la plupart des employés sont sur le pont, pour rendre le magasin “pandémie compatible”. Mais évidemment, il n’existe pas de kit d’urgence tout prêt, pour faire face à cette situation exceptionnelle. Il faut donc se débrouiller et faire avec ce que l’on a. Dans les boutiques, chacun y va donc de son système D. Dans le magasin Biocoop de Florian, les employés n’ont pas hésité à mettre la main à la pâte : Au début, on a fabriqué notre propre gel hydroalcoolique. De l’alcool à 70°, de l’huile de jojoba pour limiter les irritations et des huiles essentielles et de l’aloe vera. On l’utilisait à chacune de nos deux caisses et aussi pour les clients.” 

Les mesures évoluent au fil des jours et des recommandations des sièges ou des directions. Et quant à la protection des employés eux-mêmes, beaucoup de supermarchés ne disposent pas du matériel nécessaire. Selon Florian, les masques illustrent bien la progression du niveau de protection et l’adaptation dont il a fallu faire preuve tout au long du confinement. C’est d’abord une collègue, puis un client qui apporte à la boutique six masques chirurgicaux, qui, sur un total de sept employés, seront très vite utilisés. Puis, une amie du jeune homme se met à coudre des masques et propose d’en confectionner pour les employés : À plusieurs, ils nous ont apporté des masques en tissu, fait main, comme ça gratuitement ! Je remercie vraiment ces deux personnes pour le geste. Entre temps, il avait aussi reçu par la poste deux masques FFP2, que sa mère avait conservé depuis la grippe H1N1. Le réseau Biocoop a ensuite décidé d’envoyer des masques quasi-fini, prédécoupés avec des élastiques, avant de livrer finalement il y a une quinzaine de jours 30 FFP2 et 150 masques chirurgicaux. À chaque étape, une nouvelle branche à laquelle se raccrocher, et une confusion généralisée. Aujourd’hui encore, l’hôte de caisse s’interroge sur le moyen le plus efficace de se protéger : “Maintenant, on est bien protégés, mais entre les masques en tissu, les FFP2 et les chirurgicaux, qu’est ce qui est le mieux ? Les masques FFP2, c’est bien, mais normalement, il faudrait les jeter toutes les trois/quatre heures. À titre personnel, j’ai choisi de recycler les masques FFP2. J’en ai quatre, et une fois que les ai utilisé, je les mets au four à un peu moins de 100°. Mais je suis presque un des seuls. Les autres portent plutôt les chirurgicaux.

Supermarché des Halles, au début du confinement.
© Caroline Alonso Alvarez
Des bâches en attendant l’arrivée des plexiglas.
© Caroline Alonso Alvarez


Des stocks dévalisés et des clients au comportement difficile

Pour beaucoup de clients, l’annonce du confinement semble avoir été le top départ d’une course aux denrées. Malgré la garantie d’ouverture des commerces dits “indispensables”, c’est à qui fera le stock le plus faramineux, en somme, un concours du plus gros caddie. Et sur les tapis, Léonie en a vu défiler des vertes et des pas mûres : “Je suis allée bosser, et c’était un peu l’anarchie dans le magasin. Je crois que je n’avais jamais vu ça. Les clients se pressaient, balançaient tout ce qu’ils avaient, ils prenaient des pack de viande x12 des yaourt x8. La première période, les gens prenaient tout ce qu’il avait, des pâtes, du riz, du frais. On a dû mettre une limite d’un paquet par personne pour le papier toilette, parce qu’on n’en a pas eu pendant quelque temps.Puis est venu le temps des conserves. Des quantités de boîtes achetées, certainement pour leur propriétés non-périssables. Et enfin, dernière en date, la pénurie des matières premières comme la farine, la levure boulangère ou chimique et le beurre. Des quantités astronomiques, qui ont laissé la jeune hôtesse de caisse bouche bée : Ce qui m’a choqué aussi, ce sont les gens achetaient des gros beurres, jusqu’à six plaquettes de beurre ! Et alors je ne sais pas ce que les gens ont eu avec les kiwis, mais ils ont en acheté en masse. Certains venaient acheter quinze ou parfois vingt kiwis ! Heureusement, il semblerait que depuis quelques semaines, la situation tende à revenir à la normale. 

ATTENTION CREDIT mentionner mon nom Florian Maurer et mon site internet florianmaurer.fr
© Florian Maurer / florianmaurer.fr

Dans son magasin Monoprix, Léonie observe également un étrange spectacle qui se joue de différentes manières selon l’horaire d’affluence. Alors que les matinées sont plutôt paisibles :Les petites mamies viennent le matin faire leurs courses sans protections, tranquillement.”, les après-midi se déroulent dans une ambiance particulièrement anxiogène avec une classe d’âge de clients plutôt jeunes. Un contraste saisissant, entre les différentes générations.

Finalement cette crise, elle permet de voir le vrai visage des gens. J’ai jamais entendu autant de “moi je, moi je, moi je, etc” dans le magasin. Il y en a c’était “vas-y j’en ai rien à foutre, si tu tombes malade, c’est pas mon problème.” Et d’un autre côté, des clients qui avaient tellement peur qu’ils ne fallait pas les approcher.” explique Benoît, qui s’est vite rendu compte que si beaucoup ont fait preuve d’empathie, certains clients n’ont pas brillé par leur gentillesse et leur sens du respect. Il ajoute : “Nous le mot d’ordre, c’était de prévenir la direction, quitte à ce qu’ils les mettent dehors. On n’a pas dû en arriver là heureusement. On expliquait le plus calmement possible que c’était des mesures de sécurité à respecter, pour faire en sorte que tout se passe pour le mieux. Mais c’est très surprenant d’observer les différents comportements humains dans ce moment-là.

Léonie à son poste de travail.
© Léonie


Entraide et rôle social en temps de crise

Malgré un climat tendu, les gestes d’entraide ont, bien souvent permis de redonner le sourire aux hôtes de caisse. Une infirmière en EHPAD venue faire des courses pour ses résidents après le travail, un jeune-homme faisant les courses chaque semaine pour ses grands-mères, certains clients qui offrent des paquets de gâteaux, un merci, un bon courage souhaité en bout de caisse, tant d’attentions qui mettent du baume au cœur. Benoît se rappelle notamment de personnels infirmiers, passés en magasin afin de partager leurs conseils avisés aux membres de l’équipe. Quant à l’équipe de la Biocoop des halles dont fait partie Florian, elle a choisi de faire un don d’oranges à l’hôpital de Hautepierre tous les mardis, pour soutenir le personnel soignant. 

Durant la période de confinement, les personnels de la grande distribution sont, pour la plupart des Strasbourgeoises et Strasbourgeois les seules personnes extérieures à leur foyer qu’ils côtoient. Dans ce contexte d’isolement, les personnes travaillant dans les très grandes surfaces comme dans les petits commerces de proximité, endossent un rôle social essentiel. Benoît raconte que parmi les clients qu’il voit défiler, beaucoup de personnes âgées se déplacent pour seulement quelques articles : Je me suis rendu compte qu’on était là pour leur apporter un soutien moral. Beaucoup ne peuvent pas voir leur famille à cause des mesures. Ils ont besoin de communication, alors ils viennent chercher leurs courses quotidiennes et discuter un peu. Il faut faire preuve de beaucoup d’empathie, car vraiment, c’est triste à écouter. D’un côté, on se sent impuissant, mais aussi présent pour eux.” Et ce besoin de lien social, ne concerne pas exclusivement les personnes âgées. De nombreux étudiants se retrouvent aussi seuls pendant le confinement. “Quand je vois la personne repartir avec le sourire, je me dis que j’ai réussi à faire ce que j’avais à faire. C’est peut-être mon côté optimiste. On est presque psychologue en fait en caisse.” reconnaît Benoît en riant. 

© Benoît


Le soutien nécessaire du patron et des collègues

Tous reconnaissent que leur patron a tenté de réagir au plus vite et se sont sentis soutenus. Suite à ses angoisses des premiers jours partagées par certains de ses collègues, Florian est allé réclamer à son patron certains aménagements. Mais il s’est bien vite rendu compte, de l’impuissance de ce dernier face à l’ampleur de certaines pénuries : “Après mon stress, je me disais “il faut qu’on ait des plaques !”. Et il m’a dit qu’ils étaient en rupture partout. Le problème c’est pas notre patron, il n’y pouvait rien. Et aujourd’hui, on a une espèce de film plastique semi-rigide devant la caisse, ça s’appelle un rhodoïde. Il a mis en place comme il pouvait, au fur, et à mesure.Dans le commerce où travaille Benoît, les employés n’ont “pas manqué de quoi que ce soit !” et ce, grâce à un soutien sans failles de leur patron : “Il a été hyper réactif pour tout mettre en place. Il a tout de suite installé les plaques en plexiglas. Puis, vu qu’elles étaient trop petites, il a tout rechangé dès le lendemain. Son mot d’ordre ça a été : votre sécurité avant tout ! Peu importe si ça prend du temps pour remettre des choses en rayon, peu importe si on perd du chiffre, votre santé passe avant tout. Je l’ai trouvé au top ! Benoît ajoute que son employeur leur a promis une prime avant même que le gouvernement aborde le sujet dans les médias.    

Quand on part travailler chaque jour dans un climat aussi anxiogène, les collègues sont, plus que jamais des béquilles sur lesquelles s’appuyer. Pour Benoît, qui a accepté de changer ses horaires pour soulager une de ses collègues (surnommée affectueusement Wonderwoman ♥ ), s’entraider, c’est primordial : “Elle avait besoin de se reposer. Sinon, on ne l’arrête plus, donc il fallait la ménager. Je ne regrette pas de l’avoir fait. Même si par moment, physiquement et moralement, je le ressens, c’est difficile.Depuis le début, le personnel du magasin a dû faire beaucoup d’heures supplémentaires : On a dû se donner un très gros coup de main. On a pris sur nos pauses, on les a écourtées pour aider les collègues et pour gérer les livraisons. C’était assez sport. On a vraiment mis la main à la pâte pour lester un peu la charge de travail.” Mais le plus important, c’est surtout de garder le moral tous ensemble. Un moral qui tient souvent à de petites attentions :chacun son tour, on se ramenait des petits gâteaux ou des petits plats pour le confort moral”, et parfois, à de bonnes tranches de rigolades comme le raconte Léonie :On est vraiment plutôt dans la rigolade. Des fois, on était ébahis du comportement de certains clients qu’on ne comprenait pas, et on en riait ensemble. On est sereins et on ne se prend pas la tête. Hier encore, on écoutait Édouard Philippe et on a rit. On prend ça au sérieux certes, mais c’est pas la fin du monde non plus et surtout, on a un magasin à faire tourner, alors on reste soudés.


Des habitudes de consommation plus saines chez les Strasbourgeois

Il ne faut pas oublier que les hôtes et hôtesses de caisse strasbourgeois sont aux premières loges de nos assiettes. Et ils sont plusieurs à avoir remarqué un changement dans les habitudes de consommation des clients. Sur les tapis, les semaines de confinement semblent avoir fait la part belle au frais, au sain et surtout au local. Benoît confirme qu’il a observé les clients acheter de plus en plus de produits locaux : “Ils font plus attention à ce qu’ils achètent. Avant, c’était beaucoup de plats tout fait, ou de grandes marques alimentaires. Maintenant, il y a plus de choses locales et je trouve que c’est un bon point. C’est pour ça qu’on se retrouve aussi facilement en rupture des matières premières, les gens privilégient le fait maison.” 

ATTENTION CREDIT mentionner mon nom Florian Maurer et mon site internet florianmaurer.fr
© Florian Maurer / florianmaurer.fr

Si elle a de son côté aussi, remarqué ces nouvelles habitudes alimentaires, Léonie constate également une augmentation de certains prix : “Beaucoup de personnes mangent super équilibré, achètent plein de fruit et légumes et font leur tartes eux-mêmes. Mais il n’y a aucun doute, certains prix ont augmenté. Je le vois bien, on est à six euros la grappe de tomates et dix euros le kilo d’asperges !

Le succès des produits bio.
© Caroline Alonso Alvarez


Une adaptation réussie… mais après ?

Après les premiers jours au climat très anxiogène, Florian se dit aujourd’hui plutôt soulagé d’aller travailler. D’une part pour des raisons financières :On est une des rares professions qui n’a pas de souci à se faire de ce côté-là.Et d’autre part pour conserver un lien social : “Ça occupe nos journées et une fois passé l’angoisse et les doutes, on est content d’aller travailler.Léonie se demande même comment elle aurait survécu au confinement sans pouvoir sortir pour travailler : Je suis confinée seule, donc ça me permet de sortir. Du coup, je le vis totalement normalement. Je suis contente d’aller travailler pour les gens, parce qu’il y en a besoin, pour faire fonctionner le magasin et sinon parce que je m’ennuie.

Chacun des trois employés a dû s’adapter au contexte de pandémie et de nouvelles habitudes ont été prises sur les lieux de travail. Pour Florian, qui prêtait pourtant déjà bien attention aux règles d’hygiène, c’est un certain temps fractionné tout au long de la journée au cours duquel il s’attèle à nettoyer : Quand je dis que je me lave les mains cinquante fois par jour, c’est peut-être pas exagéré ! Ce qui a changé, c’est notamment qu’on désinfecte les paniers après chaque usage. Au lieu de ramener leur panier à l’entrée, les clients les laissent à la caisse et on les lave, un par un.Tandis que pour Benoît, novice dans le milieu de la grande distribution, les mesures de confinement lui auront valu une formation accélérée : “Il y a des tâches que je ne faisais pas avant, notamment en lien avec la sécurité financière ou l’accès au coffre. Je ne m’attendais pas à les gérer tout de suite avec seulement quatre mois de travail. J’ai gagné quelques responsabilités plus vite que je ne le pensais, mais quelque part, je le prends comme un gage de confiance.

ATTENTION CREDIT mentionner mon nom Florian Maurer et mon site internet florianmaurer.fr
© Florian Maurer / florianmaurer.fr

Avec la levée du confinement prévue le 11 mai prochain, chacun y va de son hypothèse pour tenter d’imaginer l’après. Les gens vont pouvoir se voir ailleurs que dans un magasin donc je ne pense pas à une nouvelle affluence.” prédit Florian. Alors que Benoît lui, espère que “tout ceux [les clients] qui sont super sympa, le resteront.” Une chose est sûre, les mesures appliquées en supermarchés ne sont pas prêtes d’être levée. Et les employés de la grande distribution, en première ligne depuis le début de la crise, s’attendent à travailler dans ces conditions encore un bon moment. Florian précise : “Je pense qu’on est pas sortis d’affaire. Et je pense les masques, on va encore devoir travailler avec, je m’y attends. Il faudra être attentif et ne pas se relâcher. En tout cas nous on est prêts psychologiquement à travailler dans ces conditions.


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