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Strasbourg : les araignées célestes

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Un Noël sans neige c’est comme la Toussaint sans chrysanthèmes.

Fade.

Pas de nez qui coulent. Pas de doigts violacés, ni de lèvres gercées. Un no man’s land à dix degrés celsius entre l’automne et le printemps où les cols roulés irritent les cous suants et où les bonnets en acrylique se sentent de trop sur des cranes encore chauds. Les aisselles sont paumées. Les peaux étouffent. Les regards cherchent une issue de secours à travers les vitres embuées du tram C. Ça gratte. Ça démange les corps et l’esprit.

Le diable danse torse nu cet hiver, trompant les touristes vêtus de laines polaires.

Strasbourg la tropicale est orpheline de ses flocons, ceux qui glissent sous les écharpes en laine humides et qui percutent les nuques fragiles comme des grains de sable dans les yeux.

WINTER MUST COMING

Une brume vicieuse caresse les verres remplis de bière. L’Alsace a des airs de Manchester. On peut apercevoir la silhouette de Ian Curtis traversant la Place Kléber, là où toutes les rues se rejoignent, les mains dans les poches de son caban noir, une roulée fumante à la bouche. Il s’arrête et fixe les bougies rendant hommage à ceux qui ont pris la route des étoiles malgré eux. Les monstres ressemblent de plus en plus aux humains et les assassins se confondent avec les innocents dans le silence sans mouvement des soirées de décembre.

When routine bites hard / Quand la routine ronge,

And ambitions are low / Et que les ambitions sont au plus bas,

And resentment rides high / Et que le ressentiment atteint des sommets,

But emotions won’t grow / Mais que les émotions ne viennent pas,

And we’re changing our ways / Alors nous changeons nos habitudes,

Taking different roads/ En prenant des chemins différents.

LOVE WILL TEAR US APPART – JOY DIVISION – 1980

C’est le temps des Lords traversant une forteresse de chair et d’os à la recherche d’un verre de vin chaud au rhum. Un crachat amer gifle effrontément les visages rosés. La nuit s’installe sans prévenir et les ombres communiquent par souffles interposés.

Nous perdons contrôle, mais que c’est bon de s’égarer l’espace d’un instant dans cette ville que nous connaissons trop bien, en se mélangeant à une foule étrangère et pourtant si familière. Franchir une zone dangereuse et se prendre pour un autre. Ne plus reconnaître la pierre des murs noircis. Se confondre avec les ombres. Se perdre dans un troquet lugubre et se trahir en se regardant dans le miroir des toilettes, les yeux dans les yeux, sans tricher, sans rougir mais en souriant. L’apaisement en se savonnant et en s’essuyant les mains  avec un morceau de Kleenex.

On ne change pas de nature en claquant des doigts.

J’ai commandé une bière et je me suis posé sur un tabouret usé pour dévorer les passants d’un œil humble et vulnérable. C’est un film en noir et blanc où les acteurs sont des anonymes se frottant sur un plateau de grès. La nostalgie arrive sans prévenir et entre sans frapper en sautant à pieds joints sur le canapé.

Prudemment, je me suis laissé aller à me souvenir en me perdant dans la beauté du moment.

Il y avait du rouge, du blanc et des enfants dansant en cercle devant une église presque vide. Il y avait du feu et des flammes le long des quais. Un yéti patinait sur une flaque de verglas infinie, enchaînant des saltos en fredonnant Sinatra, dessinant des courbes harmonieuses sur la glace. J’ai vu un chat me compter des secrets que seuls les dieux peuvent comprendre. Une histoire d’amoureux maudits qui s’enlacent dans l’herbe grasse, de blues estival, de lune noire et du temps qui passe.

J’avais besoin de m’isoler parmi les autres. De les sentir de loin. J’avais besoin d’épines avant de sentir le parfum des roses. J’avais besoin de me reposer sans rien offrir, d’être là sans réfléchir. J’ai grimpé des collines sans bouger en observant la vie à travers une vitre grasse et fissurée. Je me suis menti à moi-même l’espace d’une bière ambrée.

 J’avais besoin de rêver, de m’enfuir  parmi les anges voûtés pour supporter la folie des mortels.

Quelqu’un s’est mis à jouer du piano derrière moi avec des fausses notes qui ont fait que c’était encore plus beau. Étranglé entre le bien et le mal, déchiré par le doute, les mains cabossées d’un mercenaire cherchent à isoler les voyageurs par la douceur d’une Lettre à Elise désaccordée. Elle apprécierait Elise, si elle était là et se mettrait à danser toute seule au milieu des tables amochées, s’enlaçant avec ses propres bras comme si un fantôme dirigeait ses pas avec amour et dévotion.

Il y eut une étincelle entre les branches d’un épicéa. Un coup de tonnerre sur les visages surpris. Une poudre blanche se mit à tomber et la poussière divine s’engouffra dans les narines.

Le Sahara blanc s’invita entre les pavés et couvrit l’ardoise des toits avec des millions de toiles de soie tissées par des araignées célestes.  Les luges se transformèrent en tapis volants et les perles nacrées jouèrent au flipper entre les troncs abîmés. Sa majesté la poudreuse s’est faite désirer au point de nous faire perdre pied et de nous pincer pour être bien certains que nous étions encore dans la réalité. Je suis sorti et j’ai levé les bras au ciel tendant ma langue pâteuse pour la goûter. Pur. Des taches de rousseur ivoire sur les joues. L’écume du ciel dans les cheveux. De la cocaïne sous les pieds. La fragilité du verre sur les cils.

L’hiver monochrome doit arriver. Il est temps.


Mr Zag

Mr Zag a une voisine, un chat, des collègues, un job, il aime Lynch, Radiohead et Winshluss. Mr Zag a un Pinocchio tatoué sur le bras, quelques gribouilles en islandais, il ouvre les yeux et décrit le monde avec une vision bien à lui.

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