À Guevenatten, petit village du sud de l’Alsace, est célébré chaque année le Schieweschlawe, signifiant « lancer de disque ». D’origine germanique, cette fête païenne existe toujours en Suisse, en Allemagne et dans certains villages du Kochersberg. Dans le Sundgau, cette célébration du solstice de printemps avait totalement disparu, jusqu’à ce qu’un village d’irréductibles passionné(e)s fasse revivre cette tradition.
Le Schieweschlawe, Schiewaschlàga ou « Schiwa » pour les intimes, est une tradition vieille de plusieurs siècles. Les premières mentions de cette célébration datent du XIe siècle, mais cette fête païenne semble bien antérieure, et daterait de l’époque gauloise alsacienne. Un temps où le culte solaire était très implanté dans la région. Le soleil était une divinité à part entière, porteur de chaleur, de lumière, et donc de vie, en opposition au froid et à l’obscurité de l’hiver.

Une tradition remise au goût du jour
La célébration du Schiewaschlàga, qui a toujours lieu le premier week-end après Mardi gras, a pour volonté de chasser l’hiver et les mauvais esprits, de fêter le retour des beaux jours, et de donner de la force au soleil afin qu’il puisse réchauffer les terres, avec l’espoir d’une année prospère et abondante pour les récoltes.


Chaque année à Guevenatten, charmante bourgade de moins de 200 âmes du canton de Dannemarie dans le Sundgau, les villageois(es) et les habitant(e)s des communes des alentours se retrouvent pour fêter les Schiwa et pour perpétuer la tradition.
Remise au goût du jour en 2016 par quelques passionné(e)s de l’Association d’animation du vallon du Traubach, cette tradition qui avait disparu depuis plusieurs années fait désormais le bonheur de toutes et tous. Ils et elles y voient une belle opportunité de se retrouver dans un moment de convivialité sans prétention, après les longs mois d’hiver, et de lancer la saison des festivités et autres fêtes de villages qui rythmeront la saison jusqu’à la fin de l’été.
Un moment hors du temps, sans électricité. Ici, tout est éclairé avec des torches, et pour se sustenter, une bonne soupe bien chaude et des viennoises, préparées plus tôt dans la journée.

Certain(e)s participant(e)s n’hésitent pas à traverser la région pour participer au Schiwa de Guevenatten. C’est le cas de Maurice, 31 ans, originaire de Schirrhein à côté de Strasbourg : « Je fais 180 kilomètres chaque année, rien que pour venir à cette fête ! […] C’est une célébration qui me touche profondément pour tout ce qu’elle représente, mais aussi pour le fait de voir des gens réunis autour d’un évènement finalement très simple et très convivial. Et parce qu’on peut jouer avec le feu [rire]. »
En effet, l’ambiance est bon enfant. On prend des nouvelles, on rit fort autour de la buvette, l’excitation et la joie sont palpables. Les plus téméraires, petit(e)s et grand(e)s, s’essaient à l’exercice du lancer de disque sous le regard émerveillé des enfants, qui, les joues rougies par le froid, regardent ces comètes enflammées traverser le ciel et s’écraser dans le sol froid des champs.


Comme faire pour avoir une « pluie d’étoiles filantes » ?
Le rituel des Schiwa commence au coucher du soleil. Les lanceurs et lanceuses de feu se retrouvent autour d’un grand brasier en plein champ, allumé plus tôt dans l’après-midi en prévision des festivités. Le feu, alimenté avec des branchages et des bouts de bois morts pendant la saison hivernale, guide les marcheurs/ses dans la nuit. Source de chaleur et de lumière, il est le point de ralliement de celles et ceux qui viennent fêter le retour des beaux jours.
Les participant(e)s se munissent d’une branche souple de noisetier ou de châtaignier, au bout de laquelle ils et elles fixent solidement un disque en bois de hêtre percé d’un trou central.



Le disque est alors posé dans le feu, jusqu’à ce qu’il soit rougeoyant. Le lanceur ou la lanceuse s’en saisit alors à l’aide de son bâton souple, réalise plusieurs moulinets pour donner de l’impulsion au disque, avant de le lancer sur une rampe de pierre.
Le disque de bois enflammé s’écrase sur la pierre sous une pluie d’étincelles, avant de s’envoler en direction de la vallée. Le ciel s’illumine « d’étoiles filantes » projetées par les villageois(es). Un spectacle magique.



