Quand on les voit pour la première fois, difficile de ne pas se poser de questions. Masque de chien sur la tête, les puppies font, en effet, partie d’une communauté méconnue. Alors, on a eu envie d’en savoir plus, et on a discuté pendant une bonne heure avec deux d’entre eux à Strasbourg, pour faire tomber des préjugés. Rencontre.
La météo indique 27°C, Bad Romance de Lady Gaga fait danser la Marche des visibilités et devant nous, l’un des participants porte un masque de chien, certainement en lycra. Notre première pensée est simple : « Comment fait-il pour porter ça malgré la chaleur ? » Puis, notre curiosité prend le dessus et on se dit : « Et si on en faisait un article ? »
Sauf que l’été passe, les vacances, puis la rentrée aussi. Après, c’est l’automne, le sapin, le marché de Noël, l’hiver, et 2025 est déjà là. Mais dans un coin de notre tête, le sujet n’a pas disparu. Alors, on fait des recherches, et après 11 onglets ouverts, on tombe sur le compte du collectif Alsa-Chiens sur Instagram. Un premier message, des questions avec emojis, et un rendez-vous est donné. Hadès, le fondateur, ne compte pas venir seul : « Titou sera là aussi ! »

Avant toute chose, c'est quoi le « puppy play » ?
En se baladant sur Google, la première définition qui apparaît est celle du site Puppy Play, dédié à cette pratique. Selon lui, « le puppy play ou le pup play est un fétichisme, où l’un(e) des participant(e)s adopte des manières et des comportements canins ». Une sorte de jeu de rôle en définitive, de la famille du BDSM, surtout originaire des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne.
Pour « devenir » un chiot, les participant(e)s [qui ne sont pas que des hommes, mais on en parlera plus tard, ndlr] mettent plusieurs accessoires : le masque, des genouillères, des mitaines, une tenue en latex, cuir ou lycra, une fausse queue, et même un collier personnalisé, où l’on peut notamment lire leur surnom. Dans certains cas, ils et elles peuvent aussi avoir des gamelles et une laisse, tenue par un(e) handler, qui joue le rôle d’un(e) propriétaire de puppy.

Certain(e)s puppies sont célibataires (vagabonds), en couple ou ont ce fameux collier. Ils et elles peuvent également appartenir à des groupes/meutes avec une hiérarchie et des rôles définis : alpha, beta, omega, d’un rôle de chef à celui qui sera plus soumis.
Attention néanmoins aux préjugés : cette pratique n’est pas forcément sexuelle, et ne doit pas être confondue avec le dog training. Elle est aussi, pour de nombreuses personnes, une manière de s’amuser et de sociabiliser. Pour en savoir plus sur cet aspect, vous pouvez notamment lire l’étude d’Oliver Ferlatte et de ses collègues, en cliquant ici.
Et maintenant, rencontre avec Hadès et Titou !


« Être puppy, c'est surtout un état d'esprit, c'est la liberté »
D’après l’horloge, il est 14h57 quand l’interphone sonne. La porte s’ouvre, Hadès est là, avec un collier arborant ce surnom autour du cou, tout comme Titou, qui porte une casquette aux rivets pointus. Le premier a 28 ans, travaille dans la logistique et habite « pas loin de Bâle ». Le second a un an de plus, vit à Sélestat, et est employé dans la grande distribution. Leurs points communs ? Le puppy play, mais aussi leur âge « chien », 2 ans !
« Moi ce que j’aime dans le puppy play, c’est le côté théâtral, on incarne un rôle, c’est fun, on ne fait rien de mal et puis ça change des bonnets cigognes qu’on peut voir sur la tête des touristes », explique Hadès, en souriant. Cette pratique, il ne l’a pas découverte par hasard : « Un ami pratiquait et je trouvais ça bizarre, puis j’ai essayé. En réalité, ça permet un lâcher-prise. »


Pour Titou, « être puppy, c’est surtout un état d’esprit, c’est la liberté. Et puis, comme le prouve ma casquette, j’aime les choses exubérantes ». Il poursuit : « Pour certains, ça aide à prendre confiance en soi, à se faire de nouveaux amis, même sans le masque, dans la vie « normale » et c’est super. Au final, c’est un peu une double vie. »
Une double vie, qui n’est pas forcément secrète. Dans le cas du bientôt trentenaire, tout le monde est au courant, de sa mère aux collègues. « Je ne me cache pas. » Pour Hadès, la situation est légèrement différente : « Mes amis, certains collègues et ma mère le savent. Pour mon père, c’est plus compliqué et le sujet a été abordé de façon plus évasive. Dans notre société, c’est difficile, car dès qu’on utilise le mot fétichisme ou BDSM, ça fait peur… »

Une envie : mettre fin aux stéréotypes
Si le fait de se glisser dans la peau d’un puppy permet aux adeptes d’échapper aux contraintes de la vie quotidienne, la communauté doit quand même faire face à de nombreux stéréotypes. « Il y a un manque d’ouverture d’esprit, comme pour les drag queens, exprime Hadès. On a déjà entendu des choses horribles, comme par exemple qu’on était zoophiles… »
Ces préjugés ne s’arrêtent pas là, et concernent aussi les préférences sexuelles : « Il n’y a pas que des hommes gays qui aiment le puppy play, dans notre groupe Alsa-Chiens, on a aussi une femme hétéro ! »

Pour mettre fin aux idées reçues, les adeptes du puppy play ont surtout décidé d’arrêter de se cacher. Que ce soit sur Instagram, dans un article pour Pokaa ou dans les Marches des visibilités à travers le monde, ils et elles jouent avec leurs singularités.
Lors d’un séjour au ski, Hadès n’a pas hésité : « Je voulais juste faire quelques photos, et les gens autour de moi, qui m’ont vu avec la hood [le masque, ndlr], ont trouvé ça drôle. C’est super de réagir comme ça, sans insultes. »
Il se rappelle également l’année où, pendant la Marche des visibilités, lui et d’autres puppies se sont incrusté(e)s sur les photos d’un mariage, place Broglie, « sur demande du couple » : « Nous étions des inconnus pour eux, mais ils voulaient un souvenir avec nous, c’était génial. »


Et la loi dans tout ça ? « Elle dit clairement qu’on a pas le droit de se cacher le visage en public, donc on le fait juste pour des photos ou pour un court instant, et on fait toujours attention », rétorque Titou. « Niveau sécurité, on fait aussi attention à nous. Quand on est en puppy, on sort toujours à 2 ou 3 minimum, sinon, c’est trop dangereux. » Des précautions nécessaires, surtout quand on sait que les infractions anti-LGBTQIA+ ont augmenté de 13% en 2023 !
Pour s'entraider, des événements avec Alsa-Chiens
Une pool party en juillet, une soirée Halloween en octobre et régulièrement un « apéro fetish » au Canapé Queer avec l’association Est Fetish : les rencontres ne manquent pas. « C’est vraiment sympa car on arrive à se voir plusieurs fois dans l’année, et on ne reste pas caché », précise Hadès.


Il poursuit : « Alsa-Chiens permet d’encadrer nos idées, et aussi d’être visible sur les réseaux sociaux. Derrière, l’objectif est aussi d’accompagner celles et ceux qui pratiquent le puppy play à la maison mais qui ont peur de l’assumer. Au final, on partage la même passion, alors il faut s’entraider. »
En avril, le collectif fêtera d’ailleurs ses 2 ans, entouré de la quinzaine de membres originaires d’Alsace et de ses alentours ! Envie de rejoindre l’aventure ? Il suffit de cliquer ici 😉

