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Farida Abaroge

Rencontre avec Farida Abaroge, 30 ans, l’athlète strasbourgeoise réfugiée qui vise les JO

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D’une prison en Éthiopie jusqu’aux Jeux olympiques de Paris, il semble y avoir une distance impossible à parcourir. Pourtant, le 2 mai prochain, Farida Abaroge pourrait bien participer aux JO. Récit de vie d’une Strasbourgeoise d’adoption, si proche de réaliser son rêve d’enfant.

« Strasbourg c’est un peu calme, c’est comme je suis finalement. » Depuis 6 ans, Farida Abaroge habite dans une ville dans laquelle elle dit avoir l’impression d’avoir toujours vécu. Une ville où elle se sent bien, malgré les difficultés : « Par rapport aux gens et à la culture, les Alsaciens sont un peu durs, tout le monde le sait. » Pourtant, cette vie, Farida ne l’échangerait contre rien au monde.

Le 2 mai prochain, l’athlète de 30 ans saura si elle est retenue pour les Jeux olympiques de Paris, au sein de l’Athlete Refugee Team – accueillant des réfugié(e)s de toutes les nationalités. La concrétisation d’un rêve pour cette Éthiopienne d’origine, qui a grandi bercée par les exploits d’Abebe Bikila (le vainqueur pieds nus du marathon des JO de Rome en 1960), Kenenisa Bekele, ou Derartu Tulu. Pratiquant le basket, le karaté et le foot dans sa ville natale, elle s’amusait parfois à courir, pour imiter ses idoles. Sans but précis.

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Farida Abaroge
© Document remis

Une vie de réfugiée politique

Sa vie bascule en 2014, quand elle doit fuir son pays, en proie à de larges mouvements de contestation. Elle se retrouve même en prison, de laquelle elle doit s’échapper. Lors de l’interview, elle n’en parle pas, souhaitant laisser le passé derrière elle. Au bout d’un périple douloureux, passant par le Soudan, l’Égypte et la Libye, elle arrive finalement en Alsace, un soir d’hiver 2017 [la France a été le premier pays à lui accorder un visa, ndlr].

Elle s’installe au couvent de Thal-Marmoutier, où l’association France Horizon dirige une structure qui permet à des réfugié(e)s de s’installer durablement. Là, le maire lui demande ce qu’elle veut faire, elle répond simplement : « Courir. » Une réponse qui va changer sa vie : on lui achète tout l’équipement nécessaire et elle commence à s’entraîner. Mais premier tracas : elle se blesse à la cheville, son corps n’ayant pas récupéré du voyage.

Farida Abaroge
© Nicolas Kaspar / Pokaa

Une acclimatation difficile, entre Saverne et Strasbourg

Quittant le couvent quelques temps plus tard, elle s’installe dans un appartement à Saverne, et commence à s’entraîner au Rohan Athlétisme Saverne avec son entraîneur Jean-Claude Delabia. L’acclimatation est complexe : « Je me sens toute seule à mon arrivée. Avant, on s’occupait de tout pour moi, mais une fois que j’ai eu mes papiers, j’ai dû me débrouiller seule. Le travail, l’entraînement, la langue… c’était compliqué. »

Les choses ne se déroulent pas comme prévu dans le club, où ses premiers succès au niveau départemental et régional suscitent des jalousies. Là encore, Farida ne souhaite pas revenir sur ces événements, qui l’ont néanmoins marquée. À tel point qu’elle arrête complètement la course à pied.

J’ai déménagé à Strasbourg avec rien du tout, j’ai tout quitté là-bas, juste pour la course à pied, pour progresser.
Farida Abaroge, athlète strasbourgeoise réfugiée

En 2018, un ami lui parle de Strasbourg. Elle visite la ville, ça lui plaît et cet ami lui présente un coach. Elle se décide rapidement : « J’ai déménagé à Strasbourg avec rien du tout, j’ai tout quitté là-bas, juste pour la course à pied, pour progresser. » Elle commence à apprendre le français, seule, et cours, également seule. Elle progresse, trouve un petit boulot, rencontre des gens, se sent mieux et reprend l’entraînement dans un nouveau club.

Malheureusement, une nouvelle fois, cela se passe mal. Pourtant, elle performe : pour son premier championnat de France à Vittel (cross court) en 2019, elle termine 112e, presque sans entraînement. Elle raconte : « C’était très très dur (rires). Pendant une heure je ne savais plus où j’étais. » Malgré tout, elle arrête une nouvelle fois, dégoûtée de l’ambiance et du sport de compétition : « J’étais en train de traverser beaucoup de choses et je n’arrivais pas à tout gérer. »

Farida Abaroge
© Document remis

Une stabilité, à l’AS Strasbourg Athlétisme

Un beau jour, son ami l’emmène à l’AS Strasbourg Athlétisme. Touchée mentalement, Farida n’a pas envie de reprendre la course tout de suite : « C’était trop compliqué, je voulais aller loin, mais je ne m’en sentais pas capable. » On lui présente quand même Gérard Muller, l’entraîneur du club. Elle effectue une séance, sans lui donner ses objectifs personnels. Finalement, elle lui raconte quelques temps plus tard toute son histoire et son envie : faire les JO.

Moi je suis capable de faire tout ce que tu me demandes de faire. Tout pour les JO, il n’y a rien d’autre dans ma tête.
Farida Abaroge, athlète strasbourgeoise réfugiée

À partir de là, elle n’a qu’une idée en tête : progresser. Elle développe : « je lui ai fait confiance, j’ai commencé sans m’arrêter, j’ai fait les choses correctement. Je ne pense alors qu’aux JO. »

Alors que l’histoire semblait enfin lancée, le Covid vient mettre un nouveau stop à l’ascension de la Strasbourgeoise d’adoption. Qu’importe, son objectif en tête, elle enchaîne les programmes d’entraînement chez elle, le long du canal de la Bruche.

Farida Abaroge Gérard Muller
© Nicolas Kaspar / Pokaa

Un déclic après une première grosse performance

Après deux ans sans compétition, Farida se présente en 2022 aux 10 km des championnats de France (première fois qu’elle tente cette distance). Elle finit 15e, en 35,29 minutes, avec une petite particularité : pendant la moitié de la course, elle se retrouve à la 1re place. Elle en rit encore : « Je ne savais pas trop comment ça marchait alors je suis partie vite. Je ne savais même pas si je pouvais finir un 10 km (rires). »

Ça m’a donné confiance en qui je suis et en ce que je fais.
Farida Abaroge, athlète strasbourgeoise réfugiée

À ce moment-là, quelque chose change : « Gérard a vu cette performance et a commencé sérieusement à rester avec moi. Il m’a poussé, poussé, même quand je voulais arrêter, il m’a poussé à continuer. » Quand elle trouvait que les séances n’étaient pas assez dures, son entraîneur poussait le curseur encore plus haut. Actuellement, son record est de 34,49 minutes sur un 10 km.

Farida Abaroge
© Document remis

L’entrée dans le programme olympique pour les réfugié(e)s

En 2023, Gérard et Farida décident de passer sur un 1.500 mètres, une véritable course de vitesse. Dès les Interclubs, elle fait 4,31 minutes. Ensuite, elle réalise un 4,29 minutes, puis 4,27 et 47 secondes au meeting de Décines. Un record personnel, sous la barre des 4,30 minutes, qui a son importance.

Car à Décines, l’un des grands meetings français de demi-fond, Farida découvre l’existence d’une équipe spéciale. Un programme olympique aidant les réfugié(e)s, non seulement à participer aux JO, mais surtout dans la vie de tous les jours.

Farida Abaroge
© Document remis

Matthieu Puech, président de l’AS Strasbourg Athlétisme, lance les démarches. Il s’adresse au Comité international olympique et au Comité national olympique du sport français. Personne ne lui répond dans une sorte de ping-pong administratif. Il trouve finalement la page des réfugié(e)s olympiques et une adresse mail, sur laquelle on lui répond enfin.

Il lance de longues démarches, avec de nombreuses vérifications. Finalement, Farida rentre dans le programme avec 70 autres boursiers/ères olympiques, et surtout avec un grand sourire qui ne quitte plus son visage. Cette entrée lui ouvre des portes, et notamment celle des championnats du monde de cross-country fin mars à Belgrade. Même si elle part, à nouveau, trop vite, elle s’accroche malgré la douleur et termine 62e, 2e réfugiée sur 4.

Farida Abaroge
© Document remis

Enfin un sentiment de reconnaissance

Au-delà de la participation à un événement mondial, une nouvelle bourse lui permet de mieux s’entraîner. Préparatrice de commandes, elle a pu prendre un congé sans solde d’un mois, et ainsi intensifier sa préparation.

Cela lui permet également de ressentir de la reconnaissance, et d’être, peut-être, enfin à sa place : « Même si je cours les championnats de France ou d’Alsace, comme je suis étrangère, je ne peux pas monter sur le podium. Ça enlève de la motivation : je m’entraîne comme tout le monde, je me débrouille avec le froid, la pluie… et je n’ai rien… c’est difficile. Là, je cours sous un drapeau, et même si je n’ai pas de pays, je peux monter sur le podium. »

Maintenant que je suis rentrée dans cette team, je sais pourquoi et pour qui je cours.
Farida Abaroge, athlète strasbourgeoise réfugiée

Désormais, toute sa détermination est tournée vers le 2 mai, date à laquelle elle devrait savoir si elle est qualifiée ou non pour les Jeux de Paris. Si personne dans l’équipe ne veut encore y croire, plusieurs facteurs incitent à l’optimisme : elle est passée sous les 4,30 minutes (la barre à franchir), elle pratique l’athlétisme (discipline peu pratiquée par les athlètes du programme) et elle est une réfugiée en France, quand Paris accueille les Jeux.

En attendant, Farida s’entraîne neuf fois par semaine pour tenter d’abaisser son record du 1.500 m à 4,10 minutes. Un objectif ambitieux, à hauteur des rêves d’une femme qui, après plusieurs années d’instabilité, a enfin un cadre où son talent peut exploser. Le tout jusqu’aux JO, où la petite fille qui rêvait de fouler les pas de ses idoles éthiopiennes n’est plus qu’à quelques mètres de la ligne d’arrivée. Et cette fois, elle n’est pas partie trop vite.

Farida Abaroge
© Document remis

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