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« Cette addiction peut tout détruire » : à Strasbourg, rencontre avec les Alcooliques anonymes

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À Strasbourg, chaque jeudi et à quelques pas de la cathédrale, les membres des Alcooliques anonymes (AA) se réunissent pour discuter, sans crainte d’être jugés. Autour de la table, la réunion rassemble des individus de tous horizons, mais toutes et tous partagent une relation compliquée avec l’alcool. 

Strasbourg, jeudi 18 janvier. Au 6 rue du Temple-Neuf, il est bientôt 20h et la réunion des Alcooliques anonymes (AA) doit bientôt commencer, dans la salle Alfred-Wohlfahrt. Créée en 1935 par deux américains, cette « association de personnes qui partagent entre elles leur expérience » a deux objectifs : aider celles et ceux qui souhaitent arrêter de boire et éviter les rechutes.

Elle repose sur un programme en 12 étapes, qui promet de guider les personnes dépendantes vers l’abstinence.

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Les participant(e)s arrivent au compte-gouttes : des femmes, des hommes, aux âges et aux métiers variés. La dépendance à l’alcool ne fait aucune distinction sociale. Certain(e)s habitent Strasbourg, d’autres dans les alentours.

Dans la salle aux murs orange et beiges, les tables forment un rectangle pouvant accueillir une dizaine de personnes. L’atmosphère est chaleureuse, certain(e)s rigolent, d’autres parlent de leur semaine. Paul*, l’un des membres, prépare le café, et l’odeur embaume rapidement la pièce : « N’importe qui peut venir nous voir, c’est pour tout le monde et c’est gratuit. » Pas besoin de prendre rendez-vous, ni de s’inscrire.

Alcooliques anonymes
© Anthony Jilli / Pokaa

Alice* : « Il faut le dire clairement, j'étais devenue une championne olympique de l'alcoolisme »

Ce soir-là, neuf personnes sont présentes, dont un modérateur (aux AA il n’y a aucun figure d’autorité, pas de thérapeute ou de personnel encadrant). C’est lui qui donne la parole à quiconque souhaite la prendre. Les réunions s’organisent autour des témoignages, il n’y a pas de débat et l’anonymat est de mise.

Avant de s’installer, Alice*, septuagénaire, précise : « Les AA ne sont associés à aucune secte ou confession religieuse et c’est important de le dire, même si certains vont parler d’un Dieu. Chacun autour de la table décide en quoi il croit, ça peut être une forme supérieure, une puissance spirituelle etc… » [L’association est reconnue par l’État et est de type loi 1901, ndlr].

Alcooliques anonymes
© Anthony Jilli / Pokaa

Une fois assise, c’est elle qui commence le tour de table, après une brève présentation : « Pendant longtemps je buvais beaucoup, le matin, le midi, le soir et même la nuit. » Une consommation aux multiples conséquences, notamment sur son travail. « Je devais faire des arrêts maladie à cause de ça, j’avais aussi des problèmes d’argent et au final c’était un cercle vicieux, je n’étais pas bien à cause de l’alcool alors je buvais encore plus, pour oublier. » 

La situation dure 10 ans, puis 15, et Alice* voit un psychologue : « Je voulais comprendre quels étaient mes problèmes, j’ai juste dit “écoutez je bois comme un trou”. »

Le psy dit qu’il ne peut rien faire mais lui parle des Alcooliques anonymes. Une réponse qui ne l’aide pas à cette période : « J’ai pensé au suicide, on était un 31 décembre, et puis je me suis rappelée de la deuxième partie de sa réponse, sur les AA. »

Alcooliques anonymes
© Anthony Jilli / Pokaa

Alice* trouve une réunion le soir-même. « C’est là que j’ai compris que j’avais une maladie que je n’ai pas choisi et qu’il fallait que je me soigne. » Pendant plusieurs années elle lutte et se rend aux réunions plusieurs soirs dans la semaine : « Ce n’était pas simple, et puis il faut le dire clairement, j’étais devenue une championne olympique de l’alcoolisme. »

Le 15 février, elle fêtera sa 37e année de sobriété. « Aujourd’hui, je sais à quel point c’est difficile, mais je peux aider les nouveaux arrivants. »

Alcooliques anonymes
L'anonymat est la base des réunions. © Anthony Jilli / Pokaa

Lucas* : « Les réunions sont nos bouées de sauvetage »

« Aujourd’hui, ça fait 1 an que j’ai assisté à ma première réunion et que j’ai arrêté de boire, depuis on peut dire que je renais. » C’est en cherchant ses mots que Raphaël* commence sa prise de parole, en ce jour anniversaire d’abstinence.

Si il avoue que « toutes les séances n’aident pas, parce que parfois on souffre d’être là », il est fier car il ne cède plus. « Mon coloc’ a laissé une bouteille de vin blanc à côté de la bouteille de lait dans le frigo et je la vois chaque matin et ça va, j’arrive à surpasser l’envie. »

Lucas*, la trentaine, prend le relais : « C’est vrai que venir ici ce n’est pas toujours facile. »

Mais alors, pourquoi être là même quand on a pas envie ? « Les réunions sont nos bouées de sauvetage, parce que cette addiction peut tout détruire. On sait qu’il n’y a pas de remède miracle, mais ici il n’y a aucun jugement, même quand on ne respecte pas son abstinence. » 

Isaac* : « Moi ce qui m'a aidé, c'est le sport »

Si la réunion a commencé il y a presque 50 minutes, une main profite d’une blague et de quelques rires pour piocher un bonbon dans l’une des boites en métal posées sur les tables. C’est aussi ça la force du groupe : trouver des moments de vie aussi légers que profonds face à la réalité des luttes quotidiennes.

C’est au tour d’Isaac* de prendre la parole. Il est père de famille : « Ce qui est compliqué, c’est par rapport à mon métier. Je suis indépendant et je ne peux pas poser d’arrêts maladie pour faire une cure ou prendre des congés, sinon il n’y a pas d’argent qui rentre et je risque de tout perdre. »

Si les séances chez des spécialistes ne l’ont pas vraiment aidé, c’est dans un autre domaine qu’il a trouvé de la force : « Moi ce qui m’a aidé, c’est le sport. Ça me fait vraiment du bien. »

Alcooliques anonymes
© Anthony Jilli / Pokaa

Henri*, septuagénaire, est aussi père de famille et a eu deux enfants. Lui aussi a dû et doit encore faire face à des problèmes d’alcool. « J’ai tout perdu à cause de ça, mes épouses, mes filles… parce qu’elles se sont éloignées de moi et ne veulent plus me voir… » Son témoignage est poignant, révélateur d’un mal-être enraciné depuis longtemps.

Il tremble, joue avec le capuchon de son stylo. Depuis le début de la séance il prend des notes et prépare son témoignage. Son stress se ressent : « Ça fait deux ans que je viens et c’est difficile parce que j’aime l’alcool depuis mes 13 ans. D’abord je buvais en soirée avec mes amis, puis de plus en plus en solitaire. »

Quand il explique pourquoi il vient aux séances, Henri* évoque les autres : « Je ne suis pas fier mais je dois bien avouer que j’ai fait une bêtise, j’ai rechuté la semaine dernière… mais au AA je vois des gens qui y arrivent donc je peux le faire. »

Alcooliques anonymes
© Anthony Jilli / Pokaa

Une prière, un chapeau et toujours du partage

L’horloge affiche 21h38. La météo extérieure -3°C. La réunion est presque terminée. Un chapeau passe de main en main, chacun(e) y met quelques pièces, de quoi remplir le stock de bonbons et acheter du café pour la prochaine séance. Le mouvement ne reçoit aucune subvention mais s’autofinance.

Ensuite, les membres se lèvent et forment une ronde pour la lecture de la prière de la Sérénité. Une étape qui fait forcément pensée à la religion, mais nuancée par les références spirituelles entendues tout au long de la soirée : les « puissances supérieures » ou la « spiritualité laïque » ; « ici on croit à la force du groupe » rappelle Lucas* .

Alcooliques anonymes
© Anthony Jilli / Pokaa

Les tables et chaises sont rangées, les prospectus remis dans une boîte, mais les témoignages continuent. Agathe* par exemple, la quarantaine, est membre du groupe Al-Anon, dédié au proches des alcooliques, elle cherche de l’aide et vient ici pour la première fois. 

« Mon mari peut boire jusqu’à deux bouteilles de Ricard certains jours. Il croit qu’il gère, mais ce n’est pas le cas… il s’endort pendant le télétravail, il se blesse quand il chute après avoir bu… Je ne sais plus quoi faire. » Les oreilles sont attentives, les conseils sont donnés.

La porte se ferme, les discussions se terminent dans la cour intérieure du bâtiment. On regrette vite le chauffage et le café tant le froid de janvier se fait sentir.

Les « à la semaine prochaine » de certain(e)s rencontrent les « bonne soirée » des autres.

Alcooliques anonymes
© Anthony Jilli / Pokaa

Si, en janvier, de nombreuses personnes tentent le Dry January, le combat contre l’alcoolisme n’est pas juste une bonne résolution, c’est un défi permanent. En 2021, plus d’un adulte français sur cinq, soit 22%, dépasse en métropole les plafonds de consommation d’alcool recommandés – un chiffre en baisse selon Santé publique France.

Alors si vous avez besoin d’aide, plusieurs structures existent :

  • Les réunions des Alcooliques anonymes : le désir d’arrêter de boire est la seule condition qu’il faut cocher pour devenir membre des AA. Aucune cotisation n’est demandée. Vous pouvez être croyant(e)s, athé(e)s, agnostiques etc… toutes et tous ont leur place. Pour trouver une réunion prêt de chez vous, rendez-vous ICI pour en savoir plus (à Strasbourg c’est chaque jeudi soir, à 20h : [email protected]). Les réunions ouvertes accueillent tout le monde, que vous soyez alcoolique ou non. À contrario, les réunions fermées accueillent uniquement ceux qui ont besoin d’aide.
  • Les réunions des Al-Anon : elles sont destinées aux proches de personnes alcooliques. Pour plus d’infos c’est ICI (à Strasbourg c’est chaque mercredi soir, à 20h).
  • Pour obtenir un soutien ou des informations sur l’alcool, vous pouvez appeler Alcool Info Service au 0 980 980 930, de 8h à 2h, 7/7 (appel non surtaxé, au prix d’une communication locale depuis un poste fixe). Pour en savoir plus, c’est ICI. 
  • Pour une aide médicale, vous pouvez en discuter avec un médecin traitant, qui vous aidera et vous guidera vers un(e) addictologue, psychiatre et/ou psychologue. 
alcool
© Santé publique France / Capture d'écran

*Les prénoms ont été modifiés.

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