Vendredi 20 octobre, la police a procédé à l’évacuation d’un des trois immeubles de la rue Sarlat, occupé depuis avril par des personnes sans hébergement. L’absence d’information concernant la procédure et le déroulé des opérations laissent les habitant(e)s restant(e)s dans l’incertitude.
Début avril, une soixantaine de familles sans hébergement se sont installées au sein de trois bâtiments voués à la démolition, rue Sarlat, au Neuhof. Fin juillet, le tribunal judiciaire de Strasbourg avait prononcé “l’expulsion sans délai” de ces bâtiments, sur demande du bailleur social Habitation moderne, propriétaire des lieux.
Mi-octobre, le squat comptait environ 150 habitant(e)s, dont de jeunes enfants, selon les associations intervenant sur place. Le vendredi 20 octobre, la police a procédé à l’évacuation d’un des immeubles encore occupés.
Une vingtaine de personnes ont été emmenées dans un gymnase du quartier des XV en vue d’une évaluation de leur situation administrative. Avertis la veille de l’expulsion, une large partie des habitants avait déjà quitté les lieux avant l’arrivée des forces de l’ordre.
Les acteurs de terrain regrettent néanmoins le manque de communication de la Préfecture autour de la procédure d’expulsion : “Les habitants ont envoyé des mails pour savoir quand l’évacuation aurait lieu. Malgré cela, ils n’ont pas su avant le matin même quel immeuble allait être expulsé, détaille Hillary Contreras, coordinatrice de la mission mobile de Médecins du monde, intervenant régulièrement au squat. Encore aujourd’hui, les gens ne sont toujours pas informés de la prochaine date d’expulsion. Cela produit beaucoup de détresse psychologique, d’incertitude et de peur”.
Sanctuariser l’évaluation médico-sociale
La coordinatrice dénonce également un manque de transparence sur l’opération d’évacuation vers les gymnases : “Les opérations médico-sociales visant à évaluer les situations pour proposer une mise à l’abri se sont faites en présence de la police. Ce mélange trouble l’objectif de l’évaluation et provoque de la confusion.”
“Il y a des personnes qui ne comprennent pas ce qui se passe quand elles voient autant d’agents de police sur une opération de mise à l’abri ; et qui refusent d’aller au gymnase, poursuit Hillary Contreras. Elles partent vers d’autres campements et squats et nous perdons totalement contact avec elle. Pour éviter cela, il est important de sanctuariser ces opérations dans les gymnases.”
“Une partie des habitant(e)s sont revenus dans les bâtiments n’ayant pas encore été expulsés, détaille de son côté Lali, l’une des figures du squat Sarlat. Mais beaucoup sont partis par crainte d’une nouvelle expulsion.”
Redoutant une nouvelle opération de police, cette mère de famille explique ne plus dormir sur place et n’y revenir qu’en journée. Elle dit ne pas être la seule.
“Certains dorment dans une tente ou dans leur voiture. Nous avons peur. Nous ne dormons pas. Ceux qui restent au squat envoient un message dans notre groupe de discussion dès qu’ils voient une voiture de police passer. L’expulsion a été particulièrement stressante pour nous, pour les enfants et pour les personnes avec des problèmes de santé.”
“Il y a un monsieur malade à qui la police a demandé de retourner en Géorgie. Moi, cela fait sept ans que je suis en France. Mes enfants sont scolarisés ici et je ne peux pas retourner là-bas. J’ai connu les passages au gymnase ou au centre d’aide vers le retour de Bouxwiller. Je suis très fatiguée, je ne peux pas revivre ça.”