Nous arrivons au terme d’une année scolaire : le soleil brûle le pavé strasbourgeois, et les rafraîchissements coulent à flots sur les terrasses. Il y a dans les rues un parfum de pause estivale bien méritée. Pour bien démarrer l’été, nous sommes allés prendre une pause sur la planète de Charlotte Bresler, pour siroter des jus de betteraves-bananes dans des coquillages, et faire des concours de blagues avec un chien en costume de cirque. Nous avons joué les touristes, pour vous ramener quelques souvenirs d’un voyage extraordinaire au pays des rêves, dans un monde psychédélique où chaque élément de la vie quotidienne a sa personnalité propre.
Les travaux de Charlotte Bresler sont une promenade magique, une douce déambulation. Son trait coloré et enfantin donne souvent l’impression d’une scène saisie sur le vif, à tel point qu’on se demande dans quels endroits farfelus elle peut bien passer son temps libre. Un cosmos bouillonnant, qui va bien à ce petit bout de femme rieur, arborant une jolie pince bleue en forme de dauphin dans les cheveux. Rencontre avec une artiste strasbourgeoise qui nous fait voyager dans un monde bien particulier.
“Je n’avais jamais fait de bande dessinée de ma vie”
Après une formation en BTS design graphique à Illkirch, Charlotte Bresler, originaire de Strasbourg, est encouragée par ses parents à continuer dans le monde de l’illustration. Complètement par hasard, et sans en connaître les codes, elle entre dans le monde de la BD en intégrant l’école d’Angoulême : “Je n’avais jamais fait de bande dessinée de ma vie […] ce n’est que tardivement que j’ai commencé, à 20 ans. Je ne fais pas partie de ces gens trop classes qui peuvent dire qu’ils faisaient déjà de la bande dessinée à 8 ans ! Mais je pense que c’est une force d’avoir été néophyte assez tard, car je n’ai pas été influencée par trop de choses”.
Très rapidement, Charlotte découvre qu’elle est très à l’aise avec cette technique narrative qu’elle n’avait jamais explorée jusque-là : “La BD est super pour conjuguer le texte et l’image […] je peux emmener mon lecteur ou ma lectrice n’importe où, juste avec mon crayon et ma feuille de papier. C’est comme réaliser un film, mais sans acteurs, sans producteur, sans thune… Je peux faire un peu tout et n’importe quoi !”
Après quelques années de formation à Angoulême et Paris, en 2019, Charlotte Bresler revient au bercail pour intégrer la HEAR à Strasbourg, un établissement qui l’attirait pour sa solide formation à l’illustration.
“Le dessin permet de transformer le quotidien”
L’artiste semble avoir un besoin compulsif de croquer tout ce qui lui passe par la tête : “Mes carnets sont très bruyants. J’essaie de donner vie à plein de trucs”. On y croise des créatures qui vous collent un sourire béat jusqu’à la fin de l’année : des escargots, des chiens couverts d’étoiles, des chevaux en robe à pois, des personnages à tête toute ronde… Charlotte crée sa propre mythologie, faite de formes simples, un monde où le vivre-ensemble dépasse les apparences physiques et la morosité : “Le dessin permet de transformer le quotidien. C’est marrant d’inventer des créatures à six pattes, des chevaux avec des capes, des petits chats avec des grandes oreilles de diablotin”.
Même si les œuvres de Charlotte sont souvent teintées de joie et de poésie, on y retrouve souvent une douce mélancolie, un rapport de force entre la solitude et la sociabilité, et les petits coups de blues qui peuvent nous piquer sans raison. “J’aime bien prendre ces codes enfantins, et les tourner vers l’étrange et la bizarrerie, créer des personnages un peu paumés… Si je fais du mignon sur mignon avec mes dessins naïfs, ça va vite devenir lourd […] je mets souvent des émotions sérieuses dans mes dessins, du drama en famille ou en amitié, mais ce ne sera jamais violent visuellement […] »
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La page Instagram de Charlotte Bresler
Le tumblr de Charlotte Bresler