Après plus d’un mois et demi de pause politique, nos élus revenaient, cartables sur le dos, dans l’hémicycle strasbourgeois pour un conseil municipal centré sur le budget de l’année 2022. Seront-ils d’humeur printanière, les bourgeons strasbourgeois vont-ils inspirer les débats, pour qu’ils portent, une fois n’est pas coutume, sur le fond et non pas la forme ? Petit résumé d’un conseil municipal long de 12 heures, que vous pouvez revoir juste ici.
Ce conseil municipal du 21 mars comporte plusieurs surprises. Premier conseil municipal sans masque depuis un bout de temps, il a également débuté ce matin à 9h, preuve que l’exécutif s’attend à de longs débats, notamment sur le budget. 57 points à l’ordre du jour, 7 interpellations et une question d’actualité. Un programme dense.
Ce qui va changer pour les Strasbourgeoises et les Strasbourgeois
Le Troisième souffle va gérer le cinéma municipal
C’est un changement important pour la culture strasbourgeoise. Après 30 ans sous le même gérant, les Strasbourgeoises et les Strasbourgeois pourront bientôt découvrir un nouveau cinéma municipal. La Ville a en effet choisi l’association strasbourgeoise Le Troisième Souffle, qui anime et programme des soirées de cinéma en plein air depuis 2018. Comme on vous l’expliquait ici, le processus de sélection a été purement technique, Jeanne Barseghian ayant désiré « dépolitiser » la décision, en la confiant à ses services. La maire de Strasbourg a même déclaré que « la forme nous permet maintenant de parler sereinement du fond, du projet de ce cinéma ».
Catherine Trautmann déplore néanmoins ce choix, énonçant une décision qui ressemble davantage à « des cases à remplir qu’un vrai projet ». L’ancienne maire de Strasbourg voit ainsi « une occasion manquée de co-construction ». À la place, elle aurait ainsi voulu intégrer « l‘expérience spectateurs » et que l’on fasse du cinéma municipal « un lieu repère de la cinémathèque ». Tout le débat a d’ailleurs concerné les groupes LR et PS, le groupe LREM désertant les discussions. La droite s’abstient, comme le PS, définitivement entré dans l’opposition, on le verra encore plus tard.
La délégation est votée avec 44 voix pour et 14 voix contre. Des travaux démarrent ainsi le 9 avril, pour une délégation de service public de 5 ans.
Plusieurs projets d’urbanisme poursuivis à la Robertsau
Le quartier de la Robertsau concentre souvent une partie des débats, principalement pour des questions d’urbanisme. Cette fois-ci, deux délibérations concernant respectivement l’acquisition de parcelles auprès du Conseil de Fabrique de la paroisse Saint Louis Robertsau, la mise à disposition d’un jardin et la cession d’une emprise foncière surbâtie sise 88 rue Mélanie à Strasbourg. Pour la première, elle marque le terminus de 10 ans de combat, et 7 recours juridiques, de la part des habitantes et habitants du quartier. La municipalité a ainsi acquis une parcelle de 11 ares, à la base destinée à devenir un immeuble, pour en faire un espace vert public. De plus, la paroisse récupère également le lieu-dit du « jardin du curé », pour en faire un espace vert. Enfin, pour la seconde délibération, le promoteur initialement choisi sous l’ancien mandat réalisera à la place un projet immobilier au 88 rue Mélanie.
Toujours présent pour défendre son quartier, et peut-être sa future circonscription, Jean-Philippe Vetter insiste sur un point : « Ce projet est une réussite, mais ce ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt ». Il met en avant le fait que les projets immobiliers pullulent à la Robertsau, évoquant notamment le bois de Bussière, qui avait fait polémique lors du conseil municipal de septembre dernier. Il rappelle également le fait que Jeanne Barseghian et Syamak Agha Babaei ont voté le Plan local d’urbanisme, photocopie du vote à l’appui. Marc Hoffsess, élu référent de la Robertsau dénonce de son côté une « argumentation incohérente », avant de rajouter : « Par sectarisme vous jouez contre le quartier et ses habitants ».
Finalement la première délibération est adoptée à 59 voix pour. La seconde est quant à elle votée à 49 voix pour, dont les socialistes, et 11 voix contre.
Ce qui va changer pour Strasbourg
Le vote du budget 2022
Le gros morceau du conseil reste évidemment le budget. 417,3 millions de fonctionnement, 137 millions d’investissement et des nouveautés que l’on vous expliquait ici. Comme depuis le début du mandat, la municipalité ne regarde pas les dépenses et choisit d’investir pour préparer le futur. Après les remous de janvier et l’éviction de Céline Geissmann de son poste d’adjointe, la vrai question résidait finalement de quel côté se rangeraient les socialistes. C’est finalement du côté de l’opposition qu’ils semblent se faire une place. Pour Caroline Barrière, ce budget est en effet une « dégradation sans précédent de la situation », ainsi qu’une « débauche de dépenses improductives ». Catherine Trautmann évoque, pour sa part, « un budget imprudent et injuste ».
Le reste de l’opposition pointe différentes faiblesses de ce budget, dans les domaines de la sécurité, du social et de l’urbanisme. Jean-Philippe Maurer déclare que : « La poursuite de vos seuls objectifs politiques a laissé de côté des domaines immédiatement proches des attentes et besoins de nos concitoyens », évoquant notamment les problèmes de recrutement de la police municipale. Alain Fontanel met en avant « les contradictions » des choix de la municipalité. Selon l’ancien premier adjoint : « Vos décisions pèsent sur le pouvoir d’achat des Strasbourgeois au pire moment », faisant référence à l’inflation. Il critique également la densification urbaine, oubliant sans doute que sous les mandats de Roland Ries, Strasbourg n’a jamais autant construit.
Après le premier tour de parole, les débats ont davantage ressemblé à un concours de petites phrases, avares de nuance mais riches en mauvaise foi. Un élu de l’opposition se montre d’ailleurs particulièrement inspiré, évoquant « le vide à moitié vert » et « un budget pas résilient mais résigné ». Il met en outre en garde : « Strasbourg ne doit pas faire la sieste de l’attractivité ». Du côté de Céline Geissmann, on annonce purement et simplement « la fin de la vie de nos entreprises que vous êtes en train d’organiser ».
Finalement, le budget est voté à 47 voix pour et 17 contre. Les socialistes rejoignent donc officiellement le camp de l’opposition. Et la municipalité écologiste se retrouve ainsi seule à bord pour le restant du mandat.
Le projet Archipel 2
L’urbanisme a décidément la cote. Nos élues et élus ont débattu du projet Archipel 2, le deuxième ensemble de bâtiments du quartier situé au Wacken. Il représente le premier vrai projet d’urbanisme d’envergure pour la municipalité écologiste. Alors que les bureaux du projet Archipel 1 sont déjà sortis de terre, l’abandon de bureaux par la Caisse d’Épargne et le Crédit Mutuel a permis à la municipalité de retravailler l’ensemble. Ainsi, au programme : moins de bureaux, mais des logements (270), une halle gourmande, des parkings silo mutualisés et une restructuration du projet de SIG Arena, avec un projet qui intègre la dimension sociale, sportive et environnementale. Le tout, avec plus de verdure un peu partout, en compatibilité avec la ceinture verte. Suzanne Brolly, adjointe à la Ville résiliente, met en avant un « projet réorienté pour avoir un quartier qui vit », ainsi qu’une « vitrine écologique et sociale à l’échelle européenne ».
Pour Jean-Philippe Vetter, néanmoins, cette volonté politique cache quelque chose d’autre. « Vous déguisez la contrainte en volonté politique, parce que le privé a reculé », accuse l’élu. La raison selon lui ? « Le manque de confiance du privé en cette municipalité ». Néanmoins, Suzanne Brolly et Jeanne Barseghian rappellent que les sièges de la Caisse d’Epargne et du Crédit Mutuel restent à Strasbourg et n’ont pas non plus été recréés ailleurs. La maire qualifie d’ailleurs les remarques du conseiller d’opposition « d’opinion », devant le peu de faits étayés.
Finalement, le vote de la vente des trois lots cédés est adopté à l’unanimité. Et de nouveaux développement du projet devraient bientôt arriver.
Le moment à retenir : les débats sur la campagne contre le racisme et l’antisémitisme
Un an après la débâcle des discussions sur la lutte contre l’antisémitisme, deux questions d’actualité, posées par un élu de l’opposition et Jean-Philippe Vetter, remettent la religion au centre des discussions. Le sujet ? La campagne d’affichages de la ville de Strasbourg pour la journée de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, qui était célébrée ce 21 mars. Une campagne que certains d’entre vous ont pu apercevoir sur des arrêts de bus ou des panneaux publicitaires et qui a fait polémique dès sa mise en place. Dès le 16 mars, Mathieu Cahn prenait la parole sur Facebook en alertant : « Non l’avenir de Strasbourg et de la République ne doit pas avoir comme visage l’affirmation des particularismes et des signes religieux ». L’ancien candidat aux municipales fait référence à une affiche représentant une jeune enfant voilée et un petit garçon portant une kippa. La campagne comprend en réalité cinq images :
Par la suite, d’autres élues et élus se sont également exprimé sur les réseaux, pour défendre la campagne ou la critiquer. Qu’est-ce qui gêne ses détracteurs ? Un élu de l’opposition critique une « addition de clichés qui ont provoqué malaise et scepticisme chez nombre de nos concitoyens », dans une campagne « segmentant les enfants selon leur origine et leur religion », d’après lui « contraire à l’universalisme républicain ». Il critique également la « prédominance des signes religieux » sur les affiches . En réalité, seules deux images sur cinq représentent des signes religieux distinctifs. De leur côté, Pernelle Richardot et Jean-Philippe Vetter regrettent qu’il n’y ait pas eu de concertations sur « l’esprit de la campagne ». En outre, l’élue socialiste regrette : « Strasbourg a un visage, mais il a apparemment le visage d’une banque d’images anglo-saxonnes ».
Floriane Varieras, adjointe chargée notamment des solidarités, réagit à ses critiques en affirmant que « les signes religieux ne sont pas prépondérants, ils sont représentés. Oui, ces personnes existent et la Ville ne les invisibilise pas. Cette campagne est nécessaire ». Elle précise d’ailleurs que l’idée de mettre les quatre mêmes photos par affiche était « pour faire comme un photomaton ». Quant à Abdelkarim Ramdane, élu en charge de l’état citoyen, il reprend l’argumentaire de son post Facebook : « Drapé dans un républicanisme et un universalisme pseudo humaniste, ils/elles dénoncent la visibilisation des personnes victimes de discriminations surtout qu’en elle est musulmane et voilée ». Enfin, Jeanne Barseghian reste « sans voix devant les amalgames entendus », et ne comprend pas la « volonté d’instrumentaliser une campagne d’affichage où des enfants sourient et sont ensemble ». Clôturant ainsi 12h de débats.
Il est près de 21h lorsque le conseil municipal de mars se termine. Très orienté autour du budget, il a tardé à décoller et les débats sont restés particulièrement neutres. Contrairement à l’année dernière, pas de polémique concernant une éventuelle subvention à une mosquée pour enflammer l’hémicycle. On retrouvera nos élues et élus strasbourgeois le 16 mai prochain. En attendant, un autre temps fort politique arrive, avec des élections présidentielles qui modifieront peut-être le visage politique de notre pays.
Mouais, je pense que Pokaa devrait rester à sa place et continuer à parler des petits restos, des bons plans sorties, faire des mèmes et des blagues rigolotes, parce que niveau journalisme politique c’est pas folichon folichon. Très peu de prise de distance, peu d’explications sur le fond des dossiers, une légère inclinaison pro-écolo…
Pourquoi ne pas avoir parlé par exemple des interpellations sur le mal-être des agents de l’administration, basé sur un courrier de la CFDT au contenu très juste et très évocateur par exemple ?
Si c’est juste pour faire des comptes-rendus qui disent toujours peu ou prou la même chose “l’opposition est de mauvaise foie” (oui souvent mais pas toujours), “les débats sont stériles” (ben c’est le principe de la démocratie), autant vous abstenir.
A décharge, vous êtes les seuls à vous risquer à cet exercice très compliqué (parce que forcément critiquable), alors que d’autres médias locaux pourraient faire le taff aussi.
Pas de méprise, je vous aime Pokaa, et vous avez amené beaucoup de choses pour notre ville, mais sur la politique, vous êtes en terrain glissant, et vraisemblablement vous n’avez pas les bons skis.
Un fan un peu déçu.