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Construction et nouveaux quartiers : vers un Strasbourg toujours plus chaud ?

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Article mis en ligne le 24 juillet 2019


Lors du précédent pic de chaleur, BFM était en alerte maximale parce qu’il a fait chaud, très chaud. Trop chaud même. La chaîne doit à nouveau être sur le qui-vive puisque c’est reparti pour un tour depuis cette semaine. Le climat, particulièrement au centre de Strasbourg, oscille entre le suffoquant et l’étouffant. Si, bien évidemment, le réchauffement climatique joue sa partition dans la progressive souffrance générale, d’autres facteurs sont à prendre en compte. L’un d’entre eux – et non le moindre : la densification urbaine. A l’aide des notes de l’Agence de développement et d’urbanisme de l’agglomération strasbourgeoise (ADEUS), on va essayer de vous montrer vers quoi la densification urbaine mène en périodes caniculaires qui, comme vous le savez, sont amenées à se multiplier dans les années à venir.

Préambule

Tout d’abord, avant de rentrer plus en détail dans l’analyse, il me faut préciser quelques points. Le premier, c’est que je base cet article sur les notes et les cartes de l’ADEUS. La genèse provient en effet de la note 140 de l’ADEUS, publiée en novembre 2014, portant sur les îlots de fraîcheur dans le Bas-Rhin. Une note de la même teneur n’étant pas publiée depuis, je me suis appuyé sur plusieurs autres pour étayer mon propos.

Deuxièmement, l’ADEUS, qu’est-ce que c’est ? C’est une agence qui pour objet « la réalisation de tous travaux permettant l’élaboration de tous projets de territoire, d’aménagement ou d’urbanisme, notamment d’observation, de réflexion, de suivi des évolutions territoriales et de prospective, la réalisation de tous travaux permettant l’accompagnement de politiques publiques et d’expérimentations, dans un souci d’harmonisation des politiques d’aménagement et de développement urbain et régional, ‎et de cohérence des projets de ses membres. »

Quelques arbres au milieu de ce béton. Crédit photo : Chloé Moulin

En gros, c’est une agence qui est là pour accompagner les projets de constructions des politiques publiques, tout en essayant d’harmoniser au mieux les projets par rapport aux demandes, besoins et caractéristiques du territoire. Son président est Robert Hermann, son deuxième vice-président est Alain Jund : vous avez là le président et le vice-président de l’Eurométropole. Enfin, l’agence produit des notes, des indicateurs et des expertises, où elle préconise certaines marches à suivre.

On va donc parler de cette note 140, ce qu’elle nous dit et pourquoi elle est importante cinq ans plus tard. Puis on essayera de regarder les évolutions dans le temps, avec un phénomène de densification urbaine de plus en plus présent à Strasbourg, pour finir sur pourquoi cela nous concerne et les conséquences à en tirer.

L’îlot de la transpiration

Dans cette note de novembre 2014, l’ADEUS s’intéresse à l’impact de la végétalisation dans les villes ; dans ces dernières en effet, la température au sol est généralement bien plus forte qu’en périphérie. Strasbourg est bien plus sensible aux aléas climatiques que dans sa périphérie et les îlots de chaleur urbains se font plus présents.

Capture d’écran de la note 140 de l’ADEUS

Qu’est-ce qu’un îlot de chaleur urbain ? C’est un phénomène qui « apparaît par le remplacement des sols végétalisés et perméables par des bâtiments et des revêtements imperméables qui stockent la chaleur dans les matériaux à forte inertie thermique et est renforcé par les activités humaines génératrices de chaleur. » Toujours selon cette même note, « les zones qui présentent des surfaces bitumées et des toitures très importantes montrent, de manière récurrente, de très forts écarts de plus de 10°C avec les espaces naturels alentour. »

Ce phénomène se ressent particulièrement la nuit, ces surfaces mettant beaucoup de temps à refroidir. La chaleur que vous pouvez ressentir quai des Bateliers en journée comme de nuit, malgré l’eau, vient de ce côté minéral et très peu vert. Si la chaleur au sol ne fait pas cuire des œufs, elle est en revanche très importante.

Bien évidemment, ces îlots de chaleur ne sont pas sans conséquence sur la santé des populations les plus fragiles. Les journées ensoleillées d’été alsaciennes sont typiques des fortes concentrations en ozone. L’Alsace est particulièrement sensible aux deux facteurs que sont les canicules et l’ozone, et la géographie n’est pas de notre côté : en effet, dans ces périodes, le vent est très peu présent à Strasbourg ou aux alentours, renforçant le sentiment de concentration de chaleur et d’étouffement.

La fraîcheur de (sur)vivre

Le réchauffement global annoncé en 2014 dans la note 140 a eu lieu, aujourd’hui, le 25 juillet 2019 : les jours à plus de 30 degrés se sont multipliés et c’est pas demain la veille qu’ils feront marche arrière. Les périodes caniculaires comme celle traversée cette semaine vont devenir de plus en plus fréquentes. On peut donc s’intéresser aux préconisations de cette fameuse note. Pour faire simple : mettre davantage d’îlots de fraîcheur dans les villes. En effet, le végétal peut opérer comme un outil d’adaptation au microclimat urbain.

Capture d’écran de la note 140 de l’ADEUS

En ville, celui-ci améliore la qualité de vie. Naturellement, plus il y a de la végétalisation des sols et plus il y a d’arbres, plus la température au sol est basse. Les espaces verts (et/ou aquatiques) inhibent la formation du dôme de pollution et assurent un assainissement de l’air urbain lorsqu’ils sont répartis de manière homogène dans la ville.

Peu de nature, mais beaucoup d’immeubles dans le quartier Rivétoile-Etoile Bourse. Crédit photo : Chloé Moulin

Ces zones végétalisées permettent en outre de réduire la dépense énergétique dans les périodes de grande chaleur, puisque la baisse de la température dans les zones surchauffées amène une moindre utilisation de la climatisation, très énergivore. Enfin, ils permettent également aux populations les plus sensibles de moins souffrir de la chaleur. Si vous voulez aller plus loin, regardez la note 190 de l’ADEUS, portant plus en détail sur ces îlots de fraîcheur.

Eurométropole : Densité et bâtiments

La préconisation : multiplier les espaces verts sur l’ensemble de Strasbourg, pour baisser des températures qui n’iront probablement qu’en augmentant. Le problème, c’est que ces observations sont sorties en 2014, alors que Strasbourg ne connaissait pas encore sa frénésie de construction.

Capture d’écran de la note 259 de l’ADEUS

Aujourd’hui, difficile de lever la tête et de ne pas apercevoir des bâtiments en construction. La frénésie du BTP prend de plus en plus l’Eurométropole, ce qui doit quelque peu fatiguer l’ADEUS. Dans leur note de décembre 2017 sur le Récit de l’évolution des territoires, l’agence s’intéresse à la localisation de la construction neuve. Sans surprise, elle se fait beaucoup plus au sein-même de l’Eurométropole de Strasbourg, en lieu et place de sa périphérie.

Cela n’est pas sans conséquence. Selon l’ADEUS, « la concentration de la construction de logements sur l’Eurométropole a eu un double impact sur les densités produites, d’une part parce que les densités dans l’Eurométropole, et plus encore dans son cœur sont nettement plus élevées qu’ailleurs, et d’autre part parce que la construction s’est faite au profit du collectif, lui-même nettement plus dense que l’individuel. »

Capture d’écran de la note 259 de l’ADEUS

On a donc tous les indices d’une densification urbaine poussée. L’ADEUS explique que ces logements permettent une certaine sobriété énergétique, justement grâce à la densité du réseau de bâtiments, permettant de mutualiser le réseau de chaleur. Cependant, ces constructions – le plus souvent en béton ou matériau imperméable – retiennent également la chaleur. La consommation d’énergie diminue, mais la chaleur extérieure augmente. Pas sûr que l’on y gagne au change…

Urbaniser ou ne pas urbaniser ? Il n’y a pas de question

Néanmoins, comme dans tout, il existe des réglementations. Comme de plus en plus de zones se retrouvent urbanisées, les constructions se déplacent vers des zones qui ne le sont pas ; autrement dit, où les îlots de fraîcheur sont plus présents. Dans sa note 277, datant de juin 2019, l’ADEUS nous parle des enjeux réglementaires, c’est-à-dire des restrictions sur des paramètres à respecter lorsque l’on souhaite construire dans des zones non urbaines. Il faut préserver des milieux naturels, les protections architecturales, paysagères ou patrimoniales tout en prenant en compte des risques naturels et technologiques.

Capture d’écran de la note 277 de l’ADEUS

Il y a donc des limites à la frénésie des constructions, qui s’étendent en même temps que l’Eurométropole. Les chiffres de la carte ci-dessus montrent que le potentiel foncier pour les futures zones d’activités est très contraint hors de celles déjà artificialisées.

Chaleur sur la ville

Pourquoi tout ceci est important ? Parce que les taux d’intérêt pour acheter sont très bas, et vous rentrez peut-être dans une phase de votre vie où vous souhaitez acheter un chez-vous. Néanmoins, les prix des logements n’ont jamais été aussi élevés. Ainsi, beaucoup de monde peut se « réfugier » dans un logement moins cher, souvent situé dans un îlot de chaleur. Sans parler également d’un phénomène de gentrification qui touche Strasbourg, du fait de ces nouvelles constructions, souvent placées dans des quartiers plus éloignés du centre-ville. Comme bien souvent, ce sont les populations les plus fragiles qui en sont les victimes.

Crédit photo : Martin Lelièvre

Après, je ne nie pas que Strasbourg est une ville relativement verte. Les mobilités douces sont avantagées – même si on les encourage d’abord pour les soldes et seulement après en réaction pour la pollution – tandis que les espaces verts, comme les parcs, et aquatiques sont là pour rafraîchir une atmosphère qui peut parfois être étouffante.

Néanmoins, par cette frénésie de construction, sans même évoquer parfois le mauvais goût architectural, comme le quartier du port du Rhin, on urbanise des zones vertes et on continue de créer des îlots de chaleur. Le bitume et l’imperméable prennent encore et toujours le pas sur la nature, alors que la ville de Strasbourg, dans son timing toujours impeccable, propose un spectacle d’été avec en toile de fond ni plus ni moins que… la nature. Le sens du timing.

Crédit photo : Bastien Pietronave

Cette année, l’ADEUS reprend ces investigations « afin de travailler sur l’évolution des territoires face au climat et d’y apporter plus de précisions », comme on me l’a précisé par mail. « Nous travaillons actuellement sur une nouvelle méthodologie, permettant de se rapprocher au plus près des températures de l’air sur l’ensemble du territoire bas-rhinois et transfrontalier. Une note sera publiée d’ici le mois de novembre 2019, faisant le lien entre les îlots de chaleur et l’adaptation au changement climatique. Les premiers résultats utilisant cette nouvelle méthodologie confirment des différences notables de températures sur un territoire, atteignant par exemple 2°C supplémentaires au centre-ville de Strasbourg comparé à l’aéroport d’Entzheim. » Rien à dire, ça commence bien.

Finalement, que retenir ? Que Strasbourg et l’Alsace en général sont touchées par l’ozone et la canicule, que les îlots de fraîcheur sont indispensables pour les populations dans les années à venir, qui seront marquées par des périodes de canicule de plus en plus fréquentes, mais que les constructions dans l’Eurométropole s’accélèrent, souvent au détriment des zones non urbanisées. Et dans tout cela, ce sont les populations les plus fragiles qui souffrent le plus.

On semble se diriger vers la continuation de ce paradigme d’îlots de chaleur, privilégiant les constructions à la nature. Un choix de politiques publiques qui répond à des logiques propres à l’Eurométropole. Peut-être est-ce plus simple quand son président est également celui de l’organisme censé accompagner les constructions ?Quoiqu’il en soit, les problématiques de chaleur n’ont pas fini d’alimenter les discussions dans les années à venir au sein de notre capitale alsacienne. Et il sera très intéressant de voir les premiers résultats de ces politiques publiques avec en premier lieu, la note de novembre 2019 de l’ADEUS…

Crédit photo de couverture : Bastien Pietronave

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Commentaires (15)

  1. On va vers un désastre architectural à Strasbourg, entre le Black Swann et ces ravissants immeubles de la dernière photo… Dire qu’on va garder ça pendant des siècles…

    • C’est étrange moi je trouve justement que ce sont des exemples de réussites architecturales, comparé aux immeubles sans gout qui poussent un peu partout dans la banlieue, les deux exemples que vous cité sont vraiment aboutie. Heureusement que tout le monde n’est pas du même avis que vous 🙂

    • Entre l’esthétisme et réussir à s’adapter à un réchauffement climatique il faut choisir. Les Black Swann une réussite? Je rappelle juste que la couleur noire absorbe les infrarouges du soleil et stocke ainsi la chaleur….Idem le choix des matériaux seraient aussi à revoir rien qu’en terme d’inertie à la transmission d’un flux de chaleur.

  2. Chaque maire laisse un souvenir dominant. Pflimlin restera celui qui a détruit la Maison Rouge et Ries sera pour toujours le grand bétonneur de Strasbourg. Bien entendu il n’est jamais question du sujet que vous traitez lors de pics de chaleur. La bagnole soi-disant polluante est l’alibi des élus pour faire oublier leurs responsabilités en matière d’urbanisme calamiteux.

  3. A moins de limiter l’accroissement de la population (et comment le faire sinon par des moyens autoritaires ?) on a le choix entre la densification urbaine, dont les conséquences sont bien décrites ci-dessus, et l’étalement urbain, qui finira un jour par faire disparaître la campagne. J’ai une fois parcouru au moins 75 km par la route entre 2 villes au Japon, et la zone commerciale type Vendenheim ou La Vigie ne s’interrompt pas ! L’autre conséquence dramatique de l’étalement urbain est l’accroissement des besoins en transports …

  4. Tous les matins en arrivant sur stras bourg (par obligation pour aller travailler ) je tombe sur l’horrible barre immeubles qui illustre votre article…… entre le château fort et les cages à lapins, quand je les vois j’ai immédiatement envie de faire demi tour…… c’est fait exprès ? Un architecte à imaginé ça ???? Pauvre Strasbourg……..

    • Rappelons que les logements sont très souvent construits par des promoteurs qui construisent de manière à faire le plus de profit possible. La qualité architecturale les intéresse peu et les architectes ont peu (pas) de moyens de défendre leur architecture et la qualité des espaces. Un moyen d’ameliorer cela serait que la ville soit plus exigente et vigilante.. Les architectes ne sont qu’un maillon de la construction, malheureusement très loin d’avoir le contrôle sur leur œuvre dans ces conditions.
      Un début d’explication à certaines constructions..

  5. Je trouve hallucinant qu’on remette en cause le droit aux logements. Si l’eurométropole ne construisait pas on se plaindrait des problèmes de logement et le pire se serait de construire des maisons dans les villages…. en plus les constructions respectent désormais un coefficient de biotope donc c’est plutot cool. Moi ce qui m’effraie le plus c’est qu’avec la réinstallation de nombreux arbres, qui va s’en occuper ?

  6. Promenez vous dans le quartier du tribunal sur le parvis de cette institution … refaite à neuf il y a deux ans … emmenez vos œufs, vous ferez des omelettes. Je ne comprends pas que cette place hyper minérale n’ait pas été aménagée avec quelques espaces verts comme c’était le cas il y a un siècle. On souffre de la chaleur tout autour et il est à peine possible de la traverser sans lunettes de soleil … bonjour la cohérence. Que font les ABF ?

  7. Nous avons comme projet de nous installer à Strasbourg pour ses qualités de centre culturel. Mais où trouver justement les quartiers avec ces fameux îlots de fraicheur ? Y a-t-il une cartographie de la température de Strasbourg par nuit et par jour ? et de son humidité ?

  8. Malheureusement la préservation de zones de fraîcheur n’est pas la préoccupation ni des betonneurs ni de l’administration. Autre exemple : avenue de Colmar, lycée Couffignal. 75m de façade végétale arborée et en herbe vont disparaître au profit de la construction d’un “basket center”, soit plus de 2000m2 de verdure… Le seul intérêt du choix de l’implantation réside dans le voisinage de l’autre côté de l’avenue du stade de la Meinau. Tant qu’à prendre des surfaces il y a pourtant une ancienne esplanade inutilisée et bétonnée presente côté sud en accès direct avec le tram. Mais c’est médiatiquement moins impactant car moins visible depuis l’avenue. Il y a eu peu de publicité autours du projet, 1 article DNA et quelques parutions sur des réseaux à destination des intéressé tel que LinkedIn. Il n’y a pas eu d’affichage d’enquête d’intérêt public et l’affichage légal ne se limite qu’au strict minimum légal d’un panneau de déclaration de travaux perdu dans un coin de la grille d’enceinte. Un endroit où peu de monde s’arrête. Le personnel du lycée lui même n’a pas été tenu au courant du projet. La région, propriétaire du site, à peut-être souvenir de la levée de boucliers de la part des enseignants il y a quelques années contre le projet de l’abattage des rangées de peupliers de la grande cour. Pourtant, à la faveur du confinement, la nature avait repris quelques droits notamment avec l’installation sous la toiture du bâtiment voisin d’un couple faucons crécerelle qui chasse sur les terrains du lycée.

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