Les 20 et 27 juin prochains, les Strasbourgeoises et Strasbourgeois retourneront aux urnes, un an après les municipales et à un an seulement de la présidentielle. Petite particularité : il faudra voter pour deux élections en même temps, les régionales et les départementales. Comme ces élections sont souvent peu comprises et assez obscures, on a essayé de comprendre ce qu’elles signifient pour le futur de Strasbourg, de l’Alsace et du Grand Est. En gros : à quoi servent vraiment ces élections ? Première étape : les élections régionales, pour savoir qui dirigera le Grand Est pour les six prochaines années.
Les élections régionales, comment ça marche ?
Les élections régionales fonctionnent selon le même type de scrutin que pour les élections municipales, avec une légère différence dans la répartition. Très concrètement, cela signifie que lors du premier tour, si une liste obtient la majorité absolue des suffrages exprimés, elle reçoit 25 % des sièges à pourvoir – contre la moitié pour les municipales, ndlr – et les 75 % restants sont répartis entre toutes les listes ayant atteint 5 % des suffrages exprimés à la représentation proportionnelle.
Pour les élections régionales, un tel scénario est pratiquement inenvisageable, et donc lors du second tour, toutes les listes ayant atteint 10 % des suffrages exprimés peuvent se maintenir si elles le veulent. Petite surprise en plus : toutes les listes ayant atteint au moins 5 % des suffrages exprimés peuvent fusionner entre elles. La répartition des sièges se fait ensuite selon les mêmes règles qu’au premier tour : la liste arrivant en tête reçoit 25 % des sièges, et le reste est panaché entre toutes les listes du second tour ayant obtenu des voix, dont la liste gagnante. Concrètement : à partir de 33 % des voix obtenus au second tour, la liste gagnante aura la majorité absolue au conseil régional.
En 2015, qui a gagné dans le Grand Est ?
Il y a six ans, les 6 et 13 décembres 2015, pour les premières régionales depuis la fameuse loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe), c’était la droite qui l’avait emporté dans ce qui était devenu le Grand Est. Une élection très agitée puisque le FN, avec Florian Philippot comme candidat, était sorti largement en tête au premier tour et la liste, d’abord estampillée PS, avait décidé de se maintenir au second tour. Le PS a finalement décidé de retirer son soutien à sa propre liste, pour appeler à voter pour celle de la droite, « pour faire barrage » au FN. Un barrage finalement solide car Les Républicains, alliés au MoDem et à l’UDI, l’avaient emporté avec 48,40 % devant ce qui s’appelait encore Front National (36,08 %) et la liste de gauche (15,51 %).
Philippe Richert était alors devenu le premier président de la région Grand Est en janvier 2016. Sauf que, un an plus tard, il décide de se retirer de la vie politique et c’est Jean Rottner, maire de Mulhouse, qui reprit le siège vacant. Le médecin-urgentiste de profession s’est beaucoup fait remarquer pendant la crise du Covid, en n’hésitant pas à critiquer la gestion de la pandémie par le gouvernement français. Quoiqu’il en soit, cette victoire de la droite aux régionales a continué à cimenter l’ancrage de ce côté de l’échiquier politique de l’Alsace , seule région française à n’avoir jamais connu un ou une présidente de région de gauche.
Cette année, quels sont les candidats têtes de liste ?
Six ans plus tard, nous revoilà à devoir aller aux urnes pour voter pour les élections régionales, et élire nos 169 représentants au conseil du Grand Est. Alors qu’elles auraient dû se tenir en mars 2021, la crise du Covid a fait qu’elles ont été décalées les 20 et 27 juin prochains. Ce seront en tout 9 listes qui nous seront proposées :
- Pour la droite classique, Jean Rottner sera tête de sa liste, nommée « Plus forts ensemble avec Jean Rottner », qui rassemble notamment Les Républicains (LR) et l’UDI. La liste complète est ici, la profession de foi là.
- Pour le parti de la majorité présidentielle, droite et centre, ce sera Brigitte Klinkert, également Alsacienne et actuellement ministre déléguée à l’Insertion. Ancienne membre de LR, comme son rival Jean Rottner, elle dirigera la liste « La force de nos territoires », qui regroupe notamment LREM, le MoDem et Agir. La liste complète est ici, la profession de foi là.
- Pour le RN, ce sera Laurent Jacobelli qui briguera la présidence de la région Grand Est. L’ancien candidat aux régionales en 2015 sous l’égide de Debout la France et ancien directeur de TV 5 Monde dirigera la liste « Rassemblement pour l’Alsace, la Champagne-Ardennes et la Lorraine ». La liste est à retrouver ici. La profession de foi est là.
- La liste menée par Eliane Romani, orthophoniste en Moselle, rassemble EELV, la couleur de la municipalité strasbourgeoise, le PS et le PCF porte le nom de « Il est temps ! Pour l’écologie et la justice sociale ». La liste complète est ici, la profession de foi là.
- Une deuxième liste de gauche, « L’Appel Inédit », a comme tête de liste Aurélie Filippetti, ancienne ministre de la Culture et de la Communication sous François Hollande. Elle rassemble la LFI, Génération.s et Place publique. La liste complète est ici, la profession de foi là. À Strasbourg, on voit que la liste a le soutien de Catherine Trautmann, conseillère municipale strasbourgeoise et ancienne maire de Strasbourg.
- Florian Philippot, ancienne tête de liste déchue pour le RN en 2015, mènera sa liste « Liberté ! », estampillée Patriotes. La liste complète est ici, la profession de foi là.
- Louise Fève, cheminote et ancienne candidate aux municipales à Strasbourg que l’on vous présentait ici, pilotera une liste LO, nommée « Lutte ouvrière – Faire entendre le camp des travailleurs ». La liste complète est ici, la profession de foi là. Petit bonus : cette liste est d’ailleurs la seule à proposer une profession de foi facile à lire et à comprendre, disponible ici.
- Pour Unser Land, ce sera Martin Meyer, ingénieur, qui mènera une liste nommée « Stop Grand Est, en avant l’Alsace ! » qui a la particularité de ne présenter que des candidats alsaciens. La liste complète est ici, la profession de foi là.
- Enfin, Adil Tyane conduira lui une liste pour l’Union des démocrates musulmans français, nommée « Agir pour ne plus subir ». Vous pouvez retrouver sa liste ici, mais pas sa profession de foi, qui n’est pas disponible en ligne.
Instant voyance : que disent les sondages ?
Neuf candidats, une seule couronne à la fin, c’est la course aux pronostics jusqu’au 20 juin. Qui sortira en tête ? Qui passera au second tour ? Y aura-t-il des fusions ? Pour le moment, si l’on se fie au sondage Ipsos-Sopra Steria réalisé pour France 3 début juin, c’est Jean Rottner qui sortirait en tête au premier tour à 27 %. Suivront ensuite juste derrière Laurent Jacobelli du RN à 25 %, puis, distancées, Brigitte Klinkert et Eliane Romani à 14 %. Pour les listes qui pourraient fusionner avec d’autres dans l’entre-deux tours, Florian Philippot obtiendrait encore 8 %, tandis qu’Aurélie Filipetti pointerait à 5 %.
On pourrait donc se retrouver au second tour avec une quadrangulaire au résultat final plus qu’incertain. En effet, toujours selon le sondage, réalisé dans le cadre où les quatre candidats se maintiendraient, Laurent Jacobelli obtiendrait alors 32% des voix, devant Jean Rottner, mesuré à 29%. La liste de gauche menée par Eliane Romani serait à 20%, tandis que la majorité présidentielle obtiendrait 19%. Avec de tels résultats, ce sondage a forcément fait frétiller les politiques du Grand Est, et notamment Jean Rottner et Brigitte Klinkert. Alors que LREM passe des alliances à tout va avec LR dans plusieurs régions de France, dans des élections qui semblent être une première étape vers la présidentielle de 2022, la question se pose également de savoir si alliance il y aura au second tour entre les deux partis de droite.
En attendant le 20 juin néanmoins, rappelons tout de même que se fier aux sondages pour se faire une idée du résultat, c’est un peu comme se fier au Racing pour améliorer ses problèmes cardiaques. À savoir : extrêmement hasardeux.
Quelles sont les compétences d’une région ?
Enfin, pour terminer, il semblait cohérent de revenir un peu sur les compétences d’une région, alors qu’une grande partie des préoccupations qui dominent la campagne sont d’un ressort national. Sécurité, immigration, emploi, chômage mais aussi système de santé ou épidémie de Covid-19, les préoccupations sont nombreuses et pourtant les régions n’ont finalement que peu d’influence sur un bon nombre d’entre elles. Le meilleur exemple reste la sécurité, de plus en plus présente dans le débat public ces dernières semaines, et qui n’a absolument rien à voir avec les compétences régionales. Malgré bon nombre de listes tentant de surfer sur la tendance. Pour simplifier : le TER, c’est la région, la sécurité, c’est non.
Techniquement, une région a pour mission de contribuer à son développement économique, social et culturel. L’article Article L4221-1, modifié par la loi NOTRe précise : “[Le conseil régional] a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région, le soutien à l’accès au logement et à l’amélioration de l’habitat, le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine et le soutien aux politiques d’éducation et l’aménagement et l’égalité de ses territoires, ainsi que pour assurer la préservation de son identité et la promotion des langues régionales, dans le respect de l’intégrité, de l’autonomie et des attributions des départements et des communes ».
Ces élections régionales, si proches de la présidentielle de 2022, semblent quelque peu condamnées à jouer le rôle d’une répétition générale des forces en présence : une droite siphonnée par LREM, bien que toujours très forte en Alsace, une gauche désunie et un RN qui s’ancre dans les motivations électorales des votants. Et surtout : des thèmes de campagne n’ayant rien à voir avec les compétences d’une région. Pourtant, les élections régionales ont des particularités locales qui possèdent des effets concrets sur nos vies, et qui ne méritent pas d’être happées par les préoccupations nationales.