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Violences sexuelles dans le supérieur à Strasbourg : que peuvent concrètement faire les directions ?

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Suite à la vague de témoignages de ces dernières semaines au sujet des violences sexuelles au sein des IEP, de nombreux étudiants.tes se sont mobilisés pour soutenir les victimes, mais également pour demander à la direction de Sciences Po Strasbourg de prendre ses responsabilités face à ces actes jugés trop répandus au sein de l’école. Mais de quel pouvoir les directions d’établissements disposent-elles réellement lorsqu’elles sont informées de faits des violences sexuelles ? Quels sont leurs moyens d’action ? On a posé ces questions au collectif Nous Toutes 67. 



Ces dernières semaines, la parole de nombreuses victimes strasbourgeoises a enfin trouvé écho suite à la publication de nombreux témoignages sur les réseaux sociaux. Des faits d’agressions sexuelles, des viols y sont décrits, et la responsabilité de la direction est parfois mise en cause. D’ailleurs pour retrouver notre enquête à ce sujet, c’est par ici ! 

En tant que victime ou même en tant que témoin, il est parfois difficile de savoir comment agir correctement et ce qu’on est en droit de demander aux administrations des établissements supérieurs. Membre du collectif féministe Nous Toutes 67, Émilie a accepté de nous aider à y voir un peu plus clair en répondant à nos questions. 


Si les faits se sont déroulés dans une soirée, ou à un événement de l’école et non pendant les cours, l’établissement peut-il faire quelque chose ?

Oui. Il doit faire quelque chose. Toutes les activités qui sont sous la responsabilité de l’établissement, relèvent à ce titre des obligations qui s’appliquent à l’établissement de manière générale en ce qui concerne les étudiants, le personnel et aussi les événements. À partir du moment où il y a, soit utilisation des moyens de communication de l’université ou de l’école, ou bien le logo de l’école ou encore si l’association est financée par l’école, cela relève de l’établissement. Si c’est une soirée organisée à l’initiative des étudiants de manière complètement privée, le cadre est différent. Mais dès qu’il y a un investissement de l’école d’une manière ou d’une autre, les obligations sont les mêmes et s’appliquent à tous les établissements de l’enseignement supérieur. 


Et si les faits se sont déroulés entre étudiants de l’école, mais dans une sphère privée ? 

Si les faits se déroulent dans un cadre complètement privé entre deux étudiants, ça ne relève pas de la responsabilité de l’établissement de l’enseignement supérieur.


Quelles sont les obligations de la direction d’établissement lorsqu’elle est informée de faits de violences sexuelles ?

C’est d’abord de prévenir les violences, de manière générale les violences sexistes et sexuelles ; de créer une cellule de veille dédiée ; de faire cesser les violences lorsqu’elles sont portées à la connaissance de l’établissement ; de protéger la victime ou les victimes ; et de conduire une enquête interne qui aboutit, si les faits sont avérés, à une sanction des auteurs. Ça, ça s’applique à l’intérieur de l’établissement donc pour les cours, mais aussi pour toutes les soirées, les événements et les conférences qui engagent l’école.

Aussi, s’il y a un signalement, il doit y avoir une enquête. Il doit y avoir des entretiens qui sont conduits, des comptes-rendus d’entretiens, une commission qui se tient pour examiner les entretiens et puis il doit y avoir, si les faits sont avérés, une sanction et en tout cas un signalement au procureur de la République. 

© Collectif Zenaa

L’école a donc l’obligation de déclencher une enquête quand on signale des violences ?

Oui complètement ! Ça, c’est une circulaire qui date de 2015 qui porte spécifiquement sur les violences sexistes et sexuelles dans les établissements de l’enseignement supérieur. Donc normalement il existe, depuis cette circulaire, une cellule de veille qui peut être saisie, pour signaler de manière anonyme ou non, des faits de violences sexistes ou sexuelles. Et si l’établissement, par le biais de cette cellule de veille ou de n’importe qui d’autre a connaissance de ces violences, il doit conduire une enquête. Et avant la conduction de l’enquête, il doit faire cesser les violences et protéger les victimes. Donc ça peut conduire à prononcer à titre conservatoire, l’exclusion de l’étudiant ou de l’enseignant qui est mis en cause et ce n’est pas une sanction. C’est simplement faire cesser potentiellement les violences.


Même si la victime n’a pas porté plainte, l’établissement peut quand même agir ? 

Oui. C’est complètement indépendant en fait. La plainte, c’est la société qui réagit, via le procureur de la République. C’est la société qui se positionne en établissant la légalité ou non et donc la sanction légale du code pénal. Là, on parle des obligations qui s’appliquent à l’établissement. Celui-ci a un certain nombre d’obligations, qui sont complètement indépendantes de la réponse que la société aura à cette éventuelle plainte. C’est complètement décorrélé en fait.


Comment on agit en tant que témoin, si la victime ne veut pas en parler ? 

Il faut toujours respecter la parole et le souhait de la victime. Donc si elle ne souhaite pas porter plainte, on ne porte pas plainte à sa place, sauf quand on est enseignant, fonctionnaire, personnel administratif ou autre, auquel cas on a l’obligation de le faire. Au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, quand on a connaissance d’un crime ou d’un délit, on a l’obligation, dans le cadre de sa fonction, de porter les faits à la connaissance du procureur de la République.

En général ce qu’on conseille, c’est d’avoir un dialogue avec la victime. Lui expliquer qu’elle peut être protégée, que l’établissement a l’obligation de diligenter une enquête, qu’elle va être entendue, qu’elle peut être défendue et qu’il y a des associations pour l’accompagner. La rassurer aussi et peut-être essayer de comprendre ce qui font ses réticences.

S’il n’y a pas une menace ou un besoin immédiat de faire cesser les violences pour des questions d’intégrité physique et de sécurité de la victime, il faut avant tout passer par le souhait et la parole de la victime et les respecter. Encore une fois, si on n’est pas assujetti aux obligations des fonctionnaires.

© Loue .D, membre du collectif collages féministes strasbourg
© Loue D.

En tant que témoin, on peut signaler des violences même si on n’est pas victime ? 

Oui. Le témoin peut complètement saisir la cellule de veille ou faire un signalement à la direction. La communauté étudiante peut aussi rappeler que dans cette circulaire de 2015, les personnels sont censés être formés ou au moins sensibilisés à la question des violences sexistes et sexuelles.

Donc il y a effectivement le fait de saisir quand on est témoin, mais il y a aussi la question de la prévention et les étudiantes et étudiants peuvent dire “nous on n’a jamais eu de sensibilisation sur ces questions là, nos enseignants sont manifestement à côté de la plaque” et il y a des outils réglementaires qui obligent les établissements à former, ou en tout cas, à sensibiliser leur personnel à la communauté étudiante.


Faut-il des preuves ? 

Comment fait-on quand ce ne sont que des propos oraux et qu’on n’a pas d’enregistrement vidéo ou de photo ? Et bien c’est justement l’intérêt de l’enquête. Le but, c’est de déterminer un faisceau d’indices. Si on a plusieurs témoignages qui vont dans le même sens, qui disent que Monsieur X tient des propos sexistes et qu’il y a deux jeunes femmes qui disent que ce même Monsieur X les a agressées sexuellement, on a du coup un faisceau d’indice qui peut conduire, in fine, à décider que les faits sont avérés.

À partir du moment où on a une vidéo ou une photo, là, c’est sûr qu’il y a une preuve, mais il n’y a même plus besoin d’enquête du coup. L’enquête est précisément là pour mettre bout à bout tous les témoignages et toutes les sources qui permettent de dire qu’il y a des comportements qui sont problématiques ou carrément illégaux et pour établir la réalité des faits. Ce n’est pas parce qu’on n’a pas de preuves matérielles, qu’il faut hésiter à signaler les faits.


Acte sexiste, harcèlement sexuel et une violence sexuelle, comment les distinguer ?

 

Dans la gradation au titre du code pénal, l’agissement sexiste arrive en premier. Dans la loi, c’est un propos sexiste, qui porte atteinte à la dignité et qui crée un environnement intimidant, hostile ou dégradant. L’agissement sexiste est exclusivement défini dans le monde du travail. Donc si on parle de l’enseignement supérieur, ça s’applique entre deux enseignants ou enseignantes par exemple et c’est des remarques sexistes, des remarques stéréotypées du type “tiens, va donc faire un café, plutôt que d’avoir des prétentions universitaires”. C’est aussi toutes les remarques sexistes sur l’apparence physique, sur le décolleté, sur la maternité, etc. C’est interdit, au titre du code du travail.

Le harcèlement sexuel, ce sont des propos, des comportements qui sont répétées et qui ont une connotation sexuelle. Et qui, là encore, d’après le code pénal, portent atteinte à la dignité ou créent une situation offensante. Ça peut être des propos sur la sexualité, des remarques à caractère sexuel, mais de manière répétée. Ça peut être de proposer un dîner de manière répétée ou bien d’envoyer des fleurs de manière répétée. À partir du moment où ce n’est pas consenti et où c’est répété, c’est caractéristique du harcèlement sexuel.

© Compte Instagram Nous Toutes / Manuel d’action pour en finir avec les violences sexistes et sexuelles, Caroline De Haas.

Et ce qui est intéressant de noter, c’est qu’une circulaire du ministère de la Justice dit que pour considérer qu’il n’y a pas consentement, on n’est pas obligé de dire explicitement “non”. La circulaire et la jurisprudence considèrent qu’un silence répété vaut non consentement. Donc si on ne répond jamais à ce type de sollicitation, ça relève du harcèlement. Il y a une exception au fait que ce soit répété, c’est justement les propositions à caractère sexuel, donc de suggérer d’avoir un rapport sexuel en échange d’une promotion par exemple. Là, il n’y a pas besoin que ce soit répété, une seule fois suffit pour caractériser le harcèlement sexuel. Mais la Justice apprécie aussi en fonction de la différence de pouvoir entre l’auteur et la victime.

Et puis il y a l’agression sexuelle et le viol, qui sont les deux considérés comme plus grave au titre du code pénal. Le viol c’est la pénétration : donc pénétration orale, vaginale ou anale. Et l’agression sexuelle, c’est tout attouchement sexuel de parties intimes sans pénétration. Et les deux, pour être caractérisées, doivent être commis selon le code pénal avec contrainte, surprise, menace ou violence.


Si ces violences sont commises par mon copain, mon conjoint ou mon ex, est-ce moins grave ?

Non, au contraire. Et si les violences sont commises par le conjoint, ou concubin ou ex, c’est une circonstance aggravante. Contrairement à l’opinion communément admise, le fait que la personne ait été dans une relation ou ait déjà eu une relation sexuelle ou amoureuse avant avec l’auteur, c’est une circonstance aggravante aux yeux de la loi pour l’auteur.

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