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Curiosité d’Alsace : le musée du papier peint de Rixheim, un oasis d’histoires et de couleurs

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Quand je faisais mes études en histoire de l’art, j’avais entrepris de dresser une liste mondiale de tous les musées qui me semblaient farfelus. Au milieu du musée de la boîte aux lettres, des musées de l’algue et du musée Currywurst de Berlin, se trouvait le musée du papier peint de Rixheim près de Mulhouse. Alors par un après-midi pluvieux, je me suis décidée à bouder le ciel gris et à aller me faire ma propre idée sur ce lieu insolite. Arrivée au musée, j’ai été accueillie par Maëlys Fernandes, chargée de mission à la conservation qui m’a fait (re)découvrir les lieux et a balayé tous les derniers a priori qui me restaient sur cet endroit, dont elle m’apprend qu’il est le seul musée de France dédié au papier peint, art décoratif mal connu.




© Charlie Picci Claude


Une source d’inspiration pour des artistes du monde entier

Le musée en lui-même date de 1983, mais on fabrique du papier peint dans ce bâtiment depuis 1797. Ancien bâtiment de la commanderie des chevaliers de l’ordre teutonique, la bâtisse avait été rachetée à la fin du 18ème siècle par la manufacture Zuber et Cie qui y fit installer des ateliers d’impression manuelle et automatisée, avec d’énormes machines qui servaient à imprimer le papier peint à la chaîne. Maëlys m’explique qu’à cette époque un rouleau de papier peint valait à peine le prix d’une boule de pain ; il se démocratise et envahit les intérieurs dès 1840.

Ce petit musée niché à Rixheim ne propose pas moins de 160 000 documents provenant du monde entier et tout autant de motifs parfois excentriques, brossant une large période du 18ème siècle à nos jours. Les collections sont aussi riches que diverses ; s’y côtoient rouleaux de papier peint, catalogues de vente, échantillons, supports publicitaires et pièces d’exceptions. La richesse de la collection ainsi que son centre documentaire en font aujourd’hui une référence internationale dans le domaine des arts décoratifs. Maëlys Fernandes m’explique que des artistes et des designers nationaux et internationaux font chaque année le pèlerinage à Rixheim pour venir y puiser l’inspiration et enrichir leurs connaissances sur les pratiques d’impression.

© Charlie Picci Claude


Quand la révolution industrielle a habillé les murs

La première salle du musée est donc celle de la technique et met en lumière les différentes étapes de fabrication d’un papier peint : la production du papier, les couleurs, le fonçage, l’impression à la planche et à la machine. On y trouve aussi de grosses presses permettant d’imprimer le papier en taille-douce, de le gaufrer ou de le floquer pour donner du relief au dessin. Dès l’entrée, on se retrouve face à ces monstres de métal qui étaient capables d’imprimer des kilomètres de rouleaux à la chaîne. Ces pachydermes de rouages ont révolutionné l’impression en permettant la reproduction simultanée de 12, 14 ou 24 couleurs. Avec l’impression à la planche, les imprimeurs étaient obligés de poser une couleur à la fois, ce qui donnait un rendu sublime avec des nuances très profondes, mais la contrainte du séchage de chaque couche colorée avant l’application de la suivante rendait la fabrication longue et coûteuse. Les machines ont révolutionné la fabrication du papier peint et l’ont rendu accessible à tous. Au milieu de ces machines d’un autre temps, sont également évoquées les techniques d’impression d’aujourd’hui, avec le numérique qui permet de créer à la demande, sans limite d’imagination et avec très peu de contraintes.

Malgré la présence mécanique, le musée souhaite valoriser le geste d’imprimeur et propose des démonstrations d’impression à la planche comme le laisse deviner d’énormes tampons et des pinceaux qui trônent sur un évier marbré de tâches de peintures pastel. Puis j’ai été entraînée à l’étage supérieur au niveau duquel se trouve actuellement l’exposition Perspectives, quand le mur s’habille d’architecture qui est présentée jusqu’au 14 mars 2021. Dans cette exposition, l’architecture devient le sujet principal du papier peint, les deux arts se complètent.

Maëlys, qui est aussi commissaire de l’exposition, m’explique que pour des raisons de conservation, l’accrochage est renouvelé chaque année dans le musée, ce qui permet de préserver les documents qui sont très sensibles à la lumière et à la poussière. Ce qui, en plus, ne nous laisse pas le temps de nous lasser. L’exposition actuelle, comme toutes les autres d’ailleurs, présente des papiers qui sortent rarement de leur cocon protecteur.

© Charlie Picci Claude


Explorer le passé à travers le papier peint

Cette exposition met en valeur des papiers peints issus de toutes les époques et de tous les styles ; l’Antiquité est évoquée au travers d’images remémorant les peintures pompéennes, un petit clin d’œil à la Renaissance italienne avec un papier peint arborant une série de David de Michel-Ange savamment superposée ou encore la période de la Révolution française avec un papier peint qui, dans un élan patriotique célébrant la France, donne à voir pêle-mêle des scènes de la prise de la Bastille, de la Tour Eiffel et du serment de Jeu de Paume.

Les motifs présentés ne se cantonnent pas qu’à la Mère Patrie comme source d’inspiration mais laissent notre imagination voyager avec deux salles dédiées aux motifs d’inspirations exotiques. Ainsi les motifs orientalistes côtoient les figures de l’égyptomanie et les paysages chinois tandis que les papiers peints contemporains arborent le grand rêve de notre époque : des buildings new-yorkais alignés. Certains papiers de cette exposition sont fascinants et imitent l’architecture à tel point que l’on peut s’égarer dans ses rêves et vivre dans un lieu de villégiature insolite.

© Charlie Picci Claude


Une histoire du goût (et du kitsch)

« C’est ça aussi la force du papier peint, c’est qu’il mélange tous les codes » me glisse Maëlys qui semble s’émerveiller des motifs à chaque fois qu’elle les voit, même au bout de cent fois. On peut avoir l’impression de vivre dans une cathédrale en collant des motifs gothiques partout chez soi ou d’habiter dans une villa avec vue sur un jardin italien. Bon, c’est super ostentatoire, mais avouez que ça casse le quotidien et un peu de kitsch n’a jamais tué personne.

En parlant de kitsch, après que j’ai commenté un papier peint imprimé sur un support brillant, Maëlys rit : « Ce que je trouve très cool dans ce musée c’est qu’il parle de l’histoire du goût ! C’est une spécificité du papier peint ; il est facile à arracher donc on peut se permettre des folies». On retrouve alors des imitations de matières comme le carrelage, la mosaïque, la brique, le textile et même un papier peint de mur craquelé et abandonné ! Le concept c’est de lessiver son mur, le poncer, le rendre propre comme un sou neuf pour y coller un papier peint de mur délabré. Génial non ?!

© Charlie Picci Claude


Des grands noms dans un petit musée

À côté des imitations d’architecture, on trouve également quelques perles de l’histoire des arts dans ce musée, signés par de grands architectes, des créations qui venaient compléter le bâti afin de créer une œuvre d’art totale. Maëlys me rappelle : « On peut jouer avec le papier peint pour créer une identité unique à nos intérieurs ». On y trouve des créations inspirées de Frank Loyd Wright et un papier peint parsemé de roses, dessiné par Georges Barbier. Ce papier peint fleuri a été utilisé par Charles-Edouard Jeanneret pour son édifice de la villa Jeanneret-Peret à La-Chaux-de-Fonds. Charles-Edouard Jeanneret que nous connaissons mieux sous le nom de Le Corbusier. Je suis également surprise de découvrir des pièces dessinées par Zaha Hadid et Jean Nouvel, qui sont vendus comme produits dérivés de l’univers des deux starchitectes. « Le papier peint réussit à contourner la tendance actuelle du minimalisme et vient apporter une touche un peu folle à nos intérieurs », comme me le précise Maëlys.


Vol direct de Rixheim en direction des cinq continents

Pour finir en fanfare, le dernier étage du musée promet un tour du monde sans quitter Rixheim. Au travers de 11 papiers peints panoramiques réalisés à la fin du 18ème siècle, il est possible de voyager sur tous les continents en quelques pas. Ces panoramiques issus de la manufacture Zuber sont des œuvres un peu folles, faites de milliers de morceaux imprimés à la planche. Mais ce qui fait la spécificité et la renommée de Zuber c’est sa maîtrise de l’irisée, ce dégradé du coucher de soleil. La manufacture se distinguait des autres dans ce domaine.

Les scènes représentées mettent en valeur un travail de composition très intéressant, affichant des scènes tantôt calmes tantôt mouvementées : « Tout cela parle de l’époque et de la façon dont tout était idéalisé ». Les gens ne pouvaient pas voyager comme aujourd’hui et rêvaient de paysages qu’ils n’avaient jamais vu.

Ces œuvres viennent mettre un peu de soleil et d’exotisme dans nos journées d’octobre grises et froides. Tantôt on se retrouve en plein cœur de la Grèce antique ou alors propulsé dans des paysages de l’Inde ou du Brésil. La nature luxuriante traduit bien les fantasmes de l’époque sur la vie sauvage et les mythes d’abondance qui l’entourent.

Les planches originales de ce décor sont classées monuments historiques. Le décor Eldorado fût créé en 1848 car la manufacture Zuber et est encore imprimé de nos jours © Charlie Picci Claude


Des couleurs plein la rétine

Je repars les yeux pleins de couleurs et de bonne humeur malgré la tempête qui sévit dehors. Cet après-midi a effacé les derniers clichés qu’il me restait sur ce musée et je l’ai définitivement enlevé de ma liste des musées farfelus. Et deux belles surprises m’attendaient à la fin de mon parcours dans l’exposition qui clôt le voyage, Le papier peint au fil des saisons (jusqu’au 31 janvier 2021). Tout d’abord un sublime papier peint fleuri dessiné par Jean-Paul Gaulthier pour les éditions Lelièvre mais aussi un espace dédié aux selfies qui vous permet de faire de vraies photos d’influenceur.euse sur des fonds colorés et dansants évoquant les quatre saisons, imaginés par l’artiste Michael Cailloux.


Charlie Picci-Claude

Merci à la manufacture Zuber pour son aimable autorisation accordée à Pokaa de diffuser des images des panoramiques.

Horaires d’ouvertures :
– du 2 mai au 31 octobre : tous les jours de 10h à 12h et de 14h à 18h
– du 1er novembre au 30 avril : fermé le mardi. Fermé le 1er janvier, 1er mai, Vendredi Saint et le 25 décembre
MESURES COVID-19 :
– fermé les mardis toute l’année
-plus de démonstration à la planche pour l’instant

Le site internet 
Le site internet de la manufacture Zuber


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