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Strasbourg : les nuages au-dessus des corbillards

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Tout va de travers. Même les étoiles semblent déboussolées. La Grande Ours se risque à jouer en bourse pendant que Jupiter tise une Jupiler au PMU de Cassiopée. Les oiseaux métalliques somnolent au sol, cuvant du gasoil frelaté sur le tarmac silencieux de l’aéroport d’Entzheim, les ailes en deuil, privés de liberté, de passagers pressés et de cartouches de cigarettes détaxées.

Sur un siège où trône une tâche de vomi desséchée et un chewing-gum décoloré, les hublots alignés laissent transparaître l’ombre du fantôme d’une hôtesse de l’air déroutée, le regard perdu, orpheline de plateaux-repas transpirant le plastique et d’une chorégraphie répétée mille fois déjà. Un mille-feuille fade, sans vanille, surchargé à la vanité. Une dernière danse alors que l’engin se vide et qu’elle reste là, à geindre, les bras en l’air, à regarder la sortie de secours, un champ d’orties dans les yeux, quelques larmes s’égarant le long de son tailleur noir assorti. Le roi du bal se tire une balle dans la tête aux toilettes. Ryan erre dans un aéroport désaffecté, affecté par l’absence de fourmis aux valises trop remplies, de gamins qui pleurent, mi anges, mi démons, épuisés par l’attente, l’impatience dans les jambes, le décalage horaire, réconfortés par le sein gonflé d’une mère pompée de sa vitalité par des vampires culottés en couche-culotte.

Le liquide tiède coule en abondance. La morsure des dents de lait marque un cou aux tétons rosacés.

La Transylvanie s’invite à l’heure de la pénurie. Dracula est en télétravail. Frankenstein doit prendre des RTT. L’auto-laveuse glisse sur le sol trop propre à la recherche d’un mégot en PLS, laissant des traces de bave derrière elle, limace sous-payée d’un jardin aseptisé où les nains en uniformes de douaniers gobent des cachetons interceptés la veille sur un vol invisible en provenance de Bogota. Gotham City s’invite à l’improviste. Batman à l’équilibre précaire titube sur un escalator grinçant, s’accrochant in-extremis à la manche d’un Joker démaquillé. Nous ne pouvons plus nous cacher derrière de fausses excuses et faire comme si nous ne savions pas.

Le mal et le bien ne se reconnaissent plus, après tant d’années de vie commune à se détruire pour avoir la garde des ruines d’une planète malmenée.

Interstellar, un buvard sur la langue. Langoureuse montée d’acide, dans laquelle Matthew McConaughey se perd comme nous nous perdons dans une faille sans fond ou dans la vision épuisée d’une infirmière masquée penchée sur un puits où s’entassent les carcasses de nos petits vieux. La honte d’avoir trop tirés sur la corde d’un monde condamné à mort, à consommer, à prendre, à jeter, à coloniser un écosystème en CDD, à nous jouer des vivants, à humilier, violer, tuer, piller, jusqu’à ce jour où le bourreau cagoulé tapa d’un coup sec sur ce minuscule tabouret en bois qu’on appelle l’humanité et que les pieds dans le vide, nous gesticulons dans la promiscuité de nos appartements, cloîtrés comme les animaux d’un cirque que nous dévoilons à nos enfants en souriant, un paquet de pop-corn dans une main, une épée dans l’autre.

Pour un dernier shoot de farine coupée aux pesticides. Pour une boite d’œufs dont les poules pondeuses ne verront jamais le jour, le loup se cache dans les placards de nos cuisines surchargées. Les brebis innocentes sirotent un Spritz sur Skype afin d’alimenter les diatribes alcoolisées du soir. Les cloportes attendent le signal. La table est joliment disposée. Des assiettes en porcelaine. Des couverts en argent. Il y aura du sang sur les nappes et les plafonds trop blancs des EHPAD, témoins de trépas solitaires, pendant qu’au fond du couloir, quelques morts-vivants s’agglutineront sur des chaises inconfortables pour visionner des rediffusions de Question pour un champion.

Pour trois points. Comment en sommes-nous arrivés là ? 

Il est désormais temps d’être plus sage et d’écouter battre le cœur des nuages, d’inspirer un bon coup et de se laisser aspirer par le silence des boules d’ouate qui glissent dans le ciel comme des frégates dans un océan trop calme, sans tempête, les tempes douloureuses à force de tenter de ne pas se noyer dans les voix qui raisonnent le long des berges.

Eux ne jugent pas. Eux n’ordonnent rien. Ils passent et trépassent au-dessus des prés, si près de nous, grains de poussière à genoux, les yeux grands ouverts à vagabonder dans cette brume fumante. Là où l’enfance a fait son nid, libres de plonger dans une piscine de pissenlits, d’ébranler la fatalité accrochés aux moustaches d’un dragon infini ou de faire d’une tâche dans le ciel un univers peuplé de baleines-licornes, de salicornes magiques et d’illusions dorées que personne ne pourra jamais nous enlever.

Une armée de lucioles se met en marche guidée par un ouragan d’Orangs-outans. La foudre endormie se découvre faisant tomber les draps de l’ignominie à nos pieds. La terre rit. Le feu jouit et se réjouit des retrouvailles. L’ardeur du soleil encore mouillé par la rosée du matin qui condamnera les traîtres d’avoir sucé les entrailles de l’univers jusqu’à la moelle pour assouvir la fringale de pseudos maîtres illuminés.

La tête en arrière, les mains derrière la tête, couchés dans l’herbe, les cadavres en sarcophages IKEA tentent de reprendre vie, perdus dans l’écume mouvante qui se déplace à la vitesse d’une serpillière. Leur existence défile comme cette ombre gigantesque à la forme du vaisseau d’Albator tissée par l’araignée du souvenir, entre deux cicatrices à la beauté agaçante. Leur sang se glace lorsqu’ils s’aperçoivent que le temps passe trop vite, que la honte, les remords, les sanglots, les ennuis n’y pourront rien.

Un jour, il sera déjà demain. Vulnérables assassins résumés à un tas de poussière cendrée comatant dans une urne en argent ou à une photo en noir et blanc posée sur un buffet branlant.

Les nuages en deuil eux, continueront de voler silencieusement derrière nos corbillards lustrés jusqu’à la fin des temps.

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