Hocus Pocus a bercé toute une génération de ses sons hip-hop aux influences funky jazz. Sur scène, un DJ, un MC, de la guitare, du piano, du chant, de la batterie et des cuivres, pour un véritable show multi-instrumentaliste comme on les aime, où ça joue et où ça groove. Trois albums, et des tubes tels que “Monsieur tout le monde” ou “Petit Pays”, qui ont définitivement marqué les années 90. Après quasiment dix ans d’absence, le groupe hip-hop jazzy, n’a rien perdu de sa superbe, et remonte sur scène pour une vingtaine de dates. A cette occasion, nous avons rencontré 20 Syl, artiste aux multi-casquettes ( MC d’Hocus Pocus, beatmaker de C2C, quadruple champion du monde DMC, membre d’Alltta) qui a également réalisé un certain nombre de remix : Oxmo Puccino, Rihanna, Ed Sheeran, Gregory Porter, Kendrick Lamar, Ibrahim Maalouf, Yaël Naim… et qui garde pourtant cette discrétion et cette modestie attachante. Cela compte pour les autres membres du groupes dont le CV pas moins impressionnant, n’a rien ôté à leur simplicité.
Hocus Pocus se reforme dix ans plus tard, pourquoi avoir choisi de faire une tournée des festivals pour ces retrouvailles?
20 Syl : J’ai fait beaucoup de festivals avec ce groupe, donc je commence à être rodé, mais c’est toujours un cadre agréable et plutôt de bonnes conditions en général. C’est pour ça qu’on a choisi de faire une tournée des festivals plutôt qu’une tournée des salles. On avait envie de faire un set assez court, assez dense, focalisé sur la musique plutôt que de vouloir faire une scénographie trop travaillée. Faire un truc simple mais où ça joue. Ça fait plaisir de retourner sur la route avec l’équipe.
L’idée est née après un festival ?
20 Syl : C’était un concert d’ouverture pour une exposition sur le rock nantais où on nous a demandé de faire un concert et du coup on s’est retrouvé à accompagner des artistes nantais. Et le fait de retravailler ensemble, on s’est dit: ” Oui ça marche, il faut qu’on refasse un truc”. Greem a évoqué l’idée que ce soit une tournée anniversaire. Ça reste un peu un prétexte mais voilà c’était l’idée de se retrouver. Le fait de jouer ensemble. On s’est dit : “Ça le fait grave, on retrouve nos marques assez rapidement. Qu’est-ce que vous faites cet été? Est-ce qu’on peut ‘organiser avec les taffs de chacun, les activités de chacun. Mettre tous nos projets individuels entre parenthèses et se faire une tournée pour le kiff. Voir si l’alchimie fonctionne toujours?”.
Quelle est la différence de kiff entre C2C et Hocus Pocus?
20 Syl : Je pense que pour Greem c’est assez proche, car il est sur le même poste. C’est vrai que pour moi c’est radicalement différent dans le sens où sur C2C je suis avec les gars, on est tous au même niveau derrière les platines, et là avec Hocus Pocus, il n’ y a rien entre moi et le public. Je suis un peu à poil. Donc sur Hocus Pocus c’est à la fois grisant et à la fois hyper flippant. Et c’est vrai que j’ai des souvenirs, des sensations de mes anciennes tournées qui reviennent. De l’appréhension. C’est un sentiment avec lequel j’ai un peu de mal. Ma place de beatmaker et de DJ c’est quelque chose dans lequel je me sens plus à l’aise. Après, ce soir, je me suis bien éclaté j’ai pas trop cogité sur scène, mais il y a des fois où ça peut-être assez pénible en fait. Parfois je ne regrette pas d’avoir quitté la place de MC pour faire autre chose.
Donc pour le moment tu ne te sens pas de réécrire un album dans le format Hocus Pocus?
20 Syl : C’est pas que ça me fait peur, mais je ne me sens plus forcément légitime là-dedans. Et puis ce n’est plus mon kiff, quand je me lève le matin je n’ai pas envie de prendre mon crayon et du papier et d’écrire des textes. J’ai plutôt envie d’explorer des sons, de travailler, de bricoler dans mon studio. C’est spontané. J’ai la chance d’avoir le choix. Si je n’avais qu’Hocus Pocus, peut-être que je serais à fond dans l’écriture, mais j’ai la chance d’avoir d’autres projets qui me plaisent et m’amusent énormément.
Et C2C, c’est un peu en stand-by en ce moment?
20 Syl : Le truc c’est que sur C2C on a tous pas mal d’activités individuelles et des albums qui arrivent en tant que projets solo ou annexes. Il y a “Parade” le projet de DJ Atom, il y a “Grand Tour” un projet de DJ Greem et Thibaut, le projet “Aedan” de Dj pFeL. Plein de projets solo qui arrivent et qui sont mortels.
Donc le matin tu te lèves et tu produis?
20 Syl : J’emmène mon fils à la crèche, j’allume mes machines et des fois il se passe un truc, des fois je blaire sur internet, comme tout le monde (rires). Greem est plus en mode nocturne. Mais c’est vrai que lorsque tu as un enfant, tu es obligé de te caler sur des horaires école/crèche, c’est une autre énergie, une autre dynamique et moi j’aime bien bosser le matin. C’est là où j’ai des idées et où j’arrive à lancer la machine, après le souci c’est que je n’arrive pas à m’arrêter pour manger. Quand il arrive 18 h et l’heure d’aller à la crèche, souvent je n’ai pas fini. C’est compliqué de gérer tout ça, mais ça va. Je ne sais pas si on est des hyperactifs, mais en tout cas on est des passionnés. C’est ce qui nous réunit, on a la chance de pouvoir faire ce qu’on aime.
Si tu pouvais organiser ton propre festival, tu l’organiserais comment?
20 Syl : C’est un truc auquel j’ai pensé, à Nantes notamment. J’essayerais de faire quelque chose qui serait un peu à cheval entre les disciplines. Je mêlerais ce que j’aime, la musique, les arts graphiques, le skateboard. Il y aurait peut-être un truc un peu hybride comme ça. Après j’essayerais de travailler une programmation à la fois pointue et fédératrice, quelque chose qui me fasse plaisir. Ce serait un peu un trip égoïste, mais c’est vrai que j’y ai pensé et ça me plairait bien.
Dans un endroit en particulier?
20 Syl : Je ne sais pas trop. C’est vrai qu’à Nantes il y a déjà beaucoup de festivals. C’est une ville assez compliqué à gérer en termes de festivals, de nuisances sonores, donc pas d’idées particulières.
Une idée de la programmation?
20 Syl : Alors, les noms de rêve en ce moment: Anderson Paak en tête d’affiche, avec Vulpeck, Kiefer, d’autres artistes du label Stones Throw. Voilà, on essayera de faire quelque chose d’assez urbain et musical à la fois.
Est-ce que vous avez eu une anecdote marrante ou marquante sur un festival avec le groupe?
20 Syl : Il y en a des milliers. Il y a longtemps on avait oublié le bassiste sur une aire d’autoroute. Je pense que c’est arrivé à d’autres ( rires).
C’est la première fois que vous venez aux Décibulles?
20 Syl : Non je crois qu’on l’a déjà fait, mais je ne sais plus avec quel projet. C2C je crois. Ce soir j’ai kiffé le concert car ce n’était pas un public surexcité mais un public courageux qui était là sous la pluie. Il ne fait pas particulièrement chaud. Ils ont été là jusqu’au bout et j’ai vraiment senti l’échange, l’énergie, des gens qui redécouvraient ce qu’ils avaient déjà vu ou écouté il y a de ça une petite dizaine d’années. C’est kiffant de voir les gens qui sont là: “ah ce morceau là je l’avais oublié”, j’essaye de capter comme ça les petites réactions, dans un sourire ou dans les regards. C’est ce que j’ai ressenti et c’est ce qui fait que je n’ai pas trop cogité sur scène.
La tournée Hocus Pocus c’est pour cet été et au-delà on verra bien?
20 Syl : On a chacun des plannings qui sont assez différents à gérer. On s’est mis d’accord sur cette période-là mais après ce sera plus compliqué.
Mais rien n’empêche qu’il y ait un nouvel album un jour?
20 Syl : On ne met pas de stops dans tous les cas, on suit les envies.
>> Propos recueillis par Emma Schneider <<
Merci à 20 Syl, à toute l’équipe des Décibulles et à Grégory Massat pour les photos.