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On a discuté avec Eli, le rappeur du nouveau groupe strasbourgeois « Goldencut »

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Si ce nom ne vous dit encore rien, cela ne devrait plus tarder. Aux commandes de ce projet unique, on retrouve Eli, un pilier de la scène rap strasbourgeoise et deux musiciens beatmakers chevronnés issus notamment du groupe Dirty Deep, Geoffroy Sourp et Adam Lanfrey. Goldencut, c’est l’histoire de trois artistes alchimistes et engagés, d’une géométrie à symétrie variable au service d’un art brut aussi intense que subversif, qui nous rappelle une fois encore que le rap est définitivement une musique qui ne connaît aucune frontière. À l’occasion de leur premier EP Room to Breathe, on a rencontré Eli, le MC du trio.


Difficile de dresser un topo du personnage en quelques lignes… Pas loin de 15 ans de carrière passionnée, de la dévotion et des convictions sans concessions, il fait partie des porte-étendards de la culture hip-hop à Strasbourg. Outre ses nombreux projets en solo ou en groupe, on doit aussi à Eli les légendaires Freestyles Mondays. Alors évidemment, on avait envie d’en savoir plus sur le doss Goldencut, et attention spoiler : on n’a pas été déçu !

© Bartosch Salmanski


Comment tu définirais le concept et le projet Goldencut ?

« Je parlerais de rap mystique, sans limites. Goldencut c’est une manière de parler du nombre d’or. Ça parle de géométrie sacrée, de quelque chose qu’on retrouve un peu partout dans la nature, chez De Vinci, dans l’architecture des temples ou même dans la nature, avec les formes dans un tournesol, la répétition des motifs, les fractales d’un chou Romanesco, la façon dont les branches des arbres se déplacent. C’est cette proportion mathématique, géométrique qui se retrouve un peu partout. Même dans le son, on peut qualifier certaines fréquences ainsi. Je dirais que Goldencut, c’est un regard émerveillé vers l’univers qui nous entoure, il y a une envie de parler de la lumière comme de l’ombre, sans se poser aucune limite créative. »

© Brice Hincker


Certains décrivent votre musique comme « un flow qui oscille entre spoken word et rage, porté par un son brut totalement punk ». Est-ce que vous êtes ok avec cette description ? 

« Cette description-là parle pas mal du titre qui est sorti il y a deux semaines, A Nation of the People. Alors oui, la rage est pas mal présente dessus : je parle des injustices raciales, ça s’y prête, mais je ne dirais pas que ça nous définit. Jamais une chanson ne peut définir un groupe, on ne s’impose vraiment aucune limite. Le premier titre, Addicts, était très sombre, très électro, presque malaisant. Le deuxième est plus vénère, rentre dedans, plus rock et cash, tandis que la suite sera plus cloudy, plus planant et méditatif. Comme tu peux le voir on se laisse une liberté totale. Adam et Geo peuvent me ramener leur inspiration du jour et on va construire à partir de ça, ou à l’inverse moi je peux venir en disant « j’ai envie de parler de ça », et ils vont composer quelque chose avec. On ne se dit pas que « parce que c’est du rap ça doit ressembler à ça ». On fait des choses très différentes, et tant pis… Ou tant mieux. Je sais que c’est plus facile pour les gens de pouvoir catégoriser la musique qu’ils écoutent, mais ce n’est pas notre cas. Je pense qu’en live ça prend tout son sens, c’est là qu’on peut faire voyager l’auditeur dans notre univers et voguer d’un morceau à l’autre. Et puis le rap, ça veut tout et rien dire maintenant. Tout le monde a une autre vision, c’est ça aussi la richesse du truc. » 

© P-mod photographies


Comment on en arrive à une fusion si improbable ? C’est quoi l’histoire de votre rencontre ? 

« Le rap de base, c’est déjà une fusion improbable, c’est un tourne-disque avec un son qui tourne en boucle, et un mec qui vient scander dessus. Toutes les façons de pratiquer cette musique sont improbables. Aujourd’hui, un beat, une batterie, une basse et un rappeur, c’est peut-être ce qu’il y a de plus normal finalement. Adam et Geo se connaissent depuis le conservatoire. Moi, je suis un activiste de la scène hip-hop depuis de nombreuses années maintenant. On se croise depuis tellement d’années dans les mêmes jam, les mêmes endroits. Adam avait envie de toucher au hip-hop depuis longtemps, Geo aussi a une affinité de longue date avec cette culture, ça tombait sous le sens finalement. Ce qui nous stimulait dans ce projet, c’était de partir du fer pour en faire de l’or, partir d’une matière première brute, la polir et la modeler pour en faire quelque chose de magique. Un peu d’alchimie, de magie là-dessus, et c’était réglé. »


Comment on en arrive à faire du Goldencut ? Comment s’est dessinée votre direction artistique ? 

« Au début, on a commencé par se faire une semaine complète de créa pour voir comment ça matchait entre nous et commencer à créer de la matière. Souvent, l’un de nous trois lançait une idée, la développait jusqu’à un certain niveau, et les autres apportaient ensuite leur truc, on se passait la main. Moi j’écrivais en fonction de ce qui se passait autour de moi, il y avait des passe-passes très naturels, ça allait super vite. En cinq jours, ils ont composé 15 idées, pas des morceaux aboutis, mais des bases dans lesquelles on a pioché cinq ou six pistes pour les développer ensuite. Geo et Adam sont des artistes aussi talentueux que prolifiques, ils ne s’arrêtent jamais. Il n’y a pas longtemps on était ensemble dans un Airbnb vers Sélestat parce qu’on jouait dans le coin. Adam a commencé à venir avec son iPad sampler des trucs, le bruit du moulin à poivre, le grincement de la porte du four, etc. Il en a fait un beat, on l’a fait évoluer, et c’est devenu un morceau qu’on joue en live maintenant. » 


Quelles sont les valeurs ou les messages que vous voulez faire passer ? Qui écrit les lyrics ?

« Disons que ça part principalement de la composition, de ce qu’elle m’inspire. C’est sûr que tu ne peux pas parler du cirque sur une prod mélancolique et vice-versa, mais j’ai aussi parfois des idées, des envies assez claires de sujets que je veux aborder, j’aime parler des choses profondes. Surtout dans la période que nous traversons, notre musique, je pense qu’elle doit nourrir l’âme. Aux origines, à la fondation du hip-hop, le but était de s’amuser et de revendiquer ! Certains se sont perdus en cours de route, ont commencé à parler de l’ego, du capitalisme… Moi je pense que ça doit parler des communautés, de solidarité, des liens qui nous unissent, de la mort, de la paix, de nos sentiments personnels. Les gars me suivent dans cet esprit, on se comprend bien, c’est tout ce qui compte. »

© Goldencut


Vous avez lancé le projet avec le titre Addicts, vous pouvez me parler un peu de ce morceau ? 

« On a commencé à composer ce morceau en 2019 avec Freeze, mon ancien groupe, mais Geo était déjà impliqué dedans, ça a été un long chemin pour en arriver à sa forme finale. Quand on a formé Goldencut, on a créé plein de nouveaux titres, mais celui-ci nous tenait à cœur. Il était déjà bien avancé, Adam a rajouté sa patte, on a bouclé ça avec un beau clip, on en est très content. C’est un morceau qui parle des addictions, des dépendances aux substances, aux réseaux, aux vices, de l’ampleur que ça peut avoir dans nos vies. Passer d’une béquille à une dépendance, ça va très vite. Boire un coup pour se sentir plus détendu, attraper son téléphone au réveil ou fumer un joint pour s’endormir, ce n’est pas grave, mais jusqu’à quel niveau ? Ce morceau traite un peu de tout ça. Le clip montre surtout le côté substances, car c’est ce qu’il y a de plus visuel, mais il y a aussi les écrans, l’achat compulsif, l’obsession de sa propre image. J’ai récolté beaucoup de témoignages pour ce morceau. Je voulais comprendre dans quels états on peut être quand on est au plus bas de son addiction. Ça m’a permis de me guider, de développer mon champ lexical ; je remercie encore les gens qui m’ont fait confiance et qui se sont livrés, qui m’ont permis de comprendre l’état d’esprit qu’on peut avoir à ce moment-là.  Il y a vraiment deux parties dans le titre, une première partie très sombre, incontrôlable et puissante,  puis une deuxième où tout est doux et merveilleux… Ça illustre bien les addictions, il n’y a jamais l’un sans l’autre. Le plaisir sans la souffrance en quelque sorte. » 


Vous vivez tous à Strasbourg et vous vous êtes toujours activés pour faire résonner votre musique à l’échelle locale. Comment le public a réagi à ce nouveau projet ?

« Je pars du principe que c’est un projet qui a sa place car nous estimons avoir quelque chose de bien à proposer, alors il faut le faire. On a pu faire qu’un concert pour le moment à Mâcon, et on a deux dates qui arrivent, le 18 février à Colmar et le 12 mars aux Ateliers Éclairés avec Pelpass. Ça va être cool de ramener ça à la maison, à voir comment ça sera reçu. Les titres ont reçu de très bons retours. Après ce qui est rigolo comme je disais avant, c’est que les gens pensent avoir compris le groupe avec deux morceaux, alors que c’est une vraie expérimentation. Nous-mêmes on ne s’est pas encore vraiment compris au sens propre et d’ailleurs ce n’est pas ce qu’on cherche. J’ai hâte de proposer ça aux gens qui nous connaissent et à ceux qui ne nous connaissent pas pour voir ce qu’on arrive à leur procurer comme sensations, si les gens sont réceptifs à nos vibrations. » 

© P-mod photographies


Comment vous avez vécu ces deux dernières années ? Est-ce que Goldencut aurait vu le jour sans le Covid ? 

« Effectivement, on n’avait pas trop le choix de travailler ces deux dernières années. D’abord au niveau du spectacle vivant au sens propre, c’était très chaud, trop abrupt pour que, qui que ce soit, soit en mesure de savoir comment aborder ce genre de pause imposée. D’un point de vue personnel, je pense que ça a permis à certains d’entre nous de prendre du recul, de faire le point sur leurs envies, leurs peurs, leurs craintes, leur rêves etc. Et certains l’ont inclus dans leurs créations.  Du point de vue du groupe, disons que la création n’est pas liée à la pandémie. Au premier confinement, Freeze (ndlr : ancien groupe de Eli) s’est arrêté, et de là l’histoire de Goldencut est née, mais je pense que ça nous a donné la liberté de construire quelque chose l’esprit serein. On avait soudainement beaucoup de temps, pas de pression de calendrier avec des concerts ou d’autres projets, pas de concerts… C’est du temps on a utilisé pour faire des résidences de création, pour se voir, pour répéter. Disons qu’on a fait ce qu’on avait à faire en 2020 et 2021, maintenant advienne que pourra. » 


Rapper en français, t’y penses parfois ?

« J’y pense parfois. Mais ce qui est chouette dans l’exercice d’écrire, c‘est que je ne réfléchis pas vraiment, j’ai un mode de rédaction presque automatique. Des fois, il suffit que je pose un thème, une intention, la première phrase et que je sois habité par la musique et ça vient. J’ai pris mes habitudes en anglais depuis de nombreuses années, mais pourquoi pas les changer un jour. Affaire à suivre. »

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