Bartenders, DJ, serveurs, cuisiniers, plongeurs, physio, pompiers, danseurs… Ils se réveillent quand vous sortez du boulot, rejoindre cette incroyable machine qu’est la nuit, et quand vient l’aube ils rejoignent leurs lits. Ils enfilent leurs tabliers, leurs uniformes quand vous boutonnez vos chemises et fermez vos escarpins, ils sont les acteurs de vos gueules de bois de demain.
Bonne humeur, complicité et professionnalisme… On ne pourrait mieux qualifier la relation d’associés de ces deux cousins, patrons du Jimmy’s bar depuis bientôt 5 ans. Complémentaires en plus d’être amis, Eric et David font partie de ceux qui rythment les nuits strasbourgeoises. Je suis allé les rencontrer pour parler de leurs histoires, de leurs parcours dans le monde de la nuit et des valeurs qu’ils prônent aujourd’hui dans l’établissement qui est le leur.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Comment a commencé votre parcours dans le milieu de la nuit ?
David
Ça fait maintenant 9 ans que je suis dans le monde de la nuit, j’ai fait 4 ans et demi en extra les week-ends pour les anciens patrons du Jimmy’s, Rachid et Mohamed (actuels patrons du Dubliners, ndlr), et 4 ans et demi à mon compte, avec mon associé et cousin, Eric.
Eric
Moi je suis passé par l’école hôtelière. Ça fait 17 ans que je bosse dans la nuit, j’ai commencé il y a une quinzaine d’années, mon père avait une boîte de nuit qui s’appelait le Saint Trop, le Next aujourd’hui. Il l’a vendu en 98-2000, quelque chose comme ça.
J’avais 17 ans quand j’ai commencé, j’avais besoin de me faire un peu de thune. Par le biais de mon père, je connaissais bien Françoise, la patronne de l’Exil, j’y ai fait ma première expérience professionnelle qui a durée 5 ans. J’étais en cours et je faisais des extras là-bas en même temps, puis je suis passé à temps plein. Après j’ai bossé pour d’autres bars, j’ai aussi fait des saisons. J’avais connu Rachid et Momo à l’Exil, on y bossait ensemble. Une fois, en revenant de saison, j’ai croisé Momo en ville, il m’a dit qu’il avait besoin de quelqu’un en dépannage, du coup je suis venu, et je suis jamais reparti.
Vous commencez à bosser ensemble au Jimmys en quelle année ?
Eric
Il y a 9 ans, en 2010 du coup.
David
Quand Eric a commencé à bosser ici, j’ai commencé à squatter, puis après tu sais comment ça se passe, un soir j’étais un peu éméché, j’ai dit : « Si vous avez besoin d’un serveur je suis là ! » Quelque temps après, ils étaient un peu dans la merde et Momo m’a appelé pour filer un coup de main, et puis pareil je suis plus jamais parti. Je faisais d’abord de la salle, puis du bar, c’est eux qui m’ont formé à tous les postes.
Comment était le Jimmy’s quand vous avez commencé à y bosser ? Le bar à changé depuis ?
On a choisi de garder la même formule, mais on a effectué pas mal de travaux, on a refait la déco parce que l’établissement était vieillissant, il fallait mettre un coup de neuf. Sinon, c’est le même concept, on bosse avec les étudiants la semaine et on propose des soirées clubbing le weekend.
Décrivez-moi votre bar comme si je ne le connaissez pas, c’est quoi le concept ?
Le Jimmy’s, c’est un bar populaire, tu viens danser sans payer d’entrée, si ça te plait pas tu pars, rien ne te retient ! Les tarifs sont accessibles, il n’y a pas de prise de tête, on mise sur la convivialité, la qualité de l’accueil et le sourire, toujours !
Musicalement vous vous organisez comment ?
On a trois principaux résidents : Stan Smith, Smoof et et Timal, et deux autres qui font des soirées un peu moins fréquemment. Nos résidents sont aux platines les jeudis vendredis et samedis, mais ça arrive qu’il fasse aussi les soirées étudiantes en semaine, puis il y a aussi les veilles de jours fériés en nuit libre qui s’ajoutent.
Comment la reprise s’est déroulée ? Quel a été votre processus de réflexion ?
Nous on bossait tranquillement, on avait pas le projet de racheter un bar, on tapait notre life tranquillou. Et un soir, Momo nous a dit qu’ils avaient mis le bar en vente. A partir de là, on a commencé à réfléchir un peu, on s’est dit : « Mais on va faire quoi s’ils vendent le bar, nous ? »
Du coup pourquoi pas rester ici et reprendre l’affaire ? On en a reparlé avec Mohamed, il nous a bien accompagné sur les démarches, c’est lui dans sa société qui s’occupe de la paperasse et de l’administration, il savait vers où nous amener et il a été d’une aide précieuse. On a mis environ 1 an à obtenir les financements nécessaires, c’était pas un long fleuve tranquille, mais on y est arrivé
Momo Et Rachid avant, Eric et David maintenant… Il faut être deux pour tenir un établissement comme ça ?
David
Oui, moi je dirais qu’il faut être deux, il y a une sacrée quantité de boulot, il faut pouvoir se repartir les tâches.
Eric
Je dirais que c’est possible de le tenir tout seul, mais c’est beaucoup plus compliqué, surtout à notre niveau, on fait encore tout nous-mêmes, des chiottes au bar en passant par le nettoyage ou l’orga des soirées.
Comment vous vous répartissez les tâches ?
David
Moi je m’occupe de tout ce qui est paperasse, salaires, compta, communication, réseaux sociaux et organisation des soirées.
Eric
Moi ça va être plus la gestion du personnel, recrutement et formation, les courses, l’organisation du bar, la technique.
Quelles sont les tâches que vous devez effectuer concrètement ?
Il faut gérer le personnel, recruter quand c’est nécessaire, booker des DJ’s et travailler avec les association étudiantes, s’assurer de la bonne gestion des stocks, de la propreté du bar, on est aussi garant de la sécurité des clients, puis s’assurer d’être à jour tout le temps sur le plan administratif.
Ça implique quoi de travailler en binôme ?
Bin, c’est un peu comme un couple en vrai. Au début, on teste un peu des choses, on essaie de trouver l’équilibre, maintenant, notre communication et notre organisation sont devenues naturelles, on parle de tout et on sait se comprendre. Chacun sait le boulot qu’il a à faire, et on se débrouille pour que tout soit carré, en se remettant tout le temps en question pour être les plus compétents possible.
Combien de personnes travaillent au Jimm’ys ?
En soirée normale, il y a un DJ, deux personnes en salle, deux derrière le bar, 2 videurs et un de nous deux en Joker, puis le photographe.
Pourquoi choisissez-vous d’avoir des serveurs en salle ? Dans les bars comme le votre, beaucoup de patrons en font l’économie, pourquoi c’est important pour vous ?
On ne fait le choix d’en avoir que pendant les weekends, c’est simplement une raison de qualité de service, pour que les tables soient propre et débarrassées, que les clients soient accueillis à l’entrée et qu’on ne manque jamais des vaisselle au bar. C’est important pour nous que les clients aient une serveuse ou un serveur qui soit là pour eux et qui les bichonne. Et puis, on vend des bouteilles aussi, ça serait moyen si on les faisait passer par-dessus le bar.
Qu’est-ce qui a changé dans vos vie, dans votre rythme depuis que vous êtes passé de l’autre coté ?
Déjà, il y a le stress qui rentre dans la partie, tu mets ta vie dedans quand tu te lances dans un business comme ça. Avant, on faisait nos 7-8 h de service et on rentrait chez nous dormir tranquillement, là quand on rentre on a encore le bar dans le cerveau, ça occupe presque l’intégralité de notre temps. Au bout d’un moment, ça devient une routine, tu vas avoir des semaines plus ou moins hard, il faut apprendre à jongler et à encaisser. Après, ça fait quelques années qu’on est dans la nuit, on est peut être décalé par rapport aux « autres », mais c’est notre rythme à nous, et on a appris à le gérer.
Quand vous commenciez à sortir à Strasbourg, comment était le climat noctambule ? A t-il changé depuis ?
David
La nuit a sacrément changé, la ville est dans une grosse dynamique au niveau des bars, des bistrots, beaucoup de choses ouvrent, on a vu apparaître des lieux éphémères et des concepts qui n’ont jamais existé. Ce n’est pas le cas par contre des clubs et boîtes de nuit.
Eric
A l’époque, des bars comme le Jimmy’s tu en avais plein, la Passerelle, Le C4, le Bateau Ivre, et j’en passe. Il y a 10-15 ans, je pouvais pas trop sortir les week-ends puisque je bossais déjà, et malgré ça, quand je sortais le dimanche ou en semaine, il se passait tout le temps quelque chose, les dimanche étaient même mieux que les samedis.
Vous pensez que c’est plus facile de faire tourner un bar comme le votre aujourd’hui que dans les années 2000 ?
C’est plus compliqué je pense, il y a les réseaux sociaux qui sont arrivés, la communication est devenue une vraie science, il faut être le meilleur. Des nouveaux établissements ouvrent perpétuellement, c’est devenu très dur d’avoir des « vrais habitués », maintenant ils ont des dates de péremption un peu, et on le sait, au prochain bar qui ouvrira quelques rues plus loin, tu risques de les voir disparaitre, ça fait parti du jeu
Vous êtes un des seuls bars ouverts tous les soirs de la semaine jusqu’a 4 h, c’est quoi la clientèle d’un mardi soir ?
La semaine, on a beaucoup de gens de la restauration ou qui bossent dans d’autres bars, ça arrive qu’ils viennent avec leur clientèle quand leur établissements ferment. Il y a aussi des étudiants, en général on a une petite cinquantaine de personnes, ça suffit pour mettre une ambiance et faire rester les gens.
Vous pensez quoi de la fermeture du Rafiot et du Mudd ?
Ce ne sont pas des bonnes nouvelles. Si on revient quelques années en arrière, il y avait plus de bars et de clubs de nuit. La politique a changé aussi, il y a beaucoup de bars qui ouvrent avec l’autorisation de 4 h, mais finalement peu de vrais clubs, et ceux qui existent ferment un à un. Je me demande aussi si à force d’ouvrir tant de pubs et bars, on ne tend pas vers une saturation, la clientèle n’est pas extensible, il faut en avoir conscience.