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Une soirée au Rock's / Rockfellers / années 90

Avoir 20 ans dans les années 90 : immersion nostalgique dans les nuits strasbourgeoises

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Après s’être attaqué aux souvenirs colorés des quadras il y a quelques semaines, on se laisse désormais aller à une ode aux quinquas. Place aux années 90. Décennie pivot, faite d’un état d’esprit où le fun prime… l’époque n’a jamais été démodée. On n’oublie pas son petit perfecto, ce serait dommage d’attraper la mort. Et c’est reparti pour un tour de DeLorean, prochain arrêt : les nineties à Strasbourg !

Après un voyage dans les années 2000, bienvenue au début des années 90. La génération X a la vingtaine. Quelques années plus tôt, les parpaings berlinois s’écrasent au sol mais l’espoir qui en nait demeure altéré par la menace du sida qui, elle, plane toujours. On a bien conscience que baiser peut tuer, la clope par contre… Les paquets de Marlboro se vident aussi vite que ceux de Durex.

Les mégots finissent sur les trottoirs et parfois les capotes finissent sur l’obélisque de la Concorde. Show must go on d’accord, mais en vie c’est toujours plus agréable.

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Tram 1994
En 1994, le tram fait son grand retour à Strasbourg. © AVES / Document remis

À Strasbourg, Catherine Trautmann prend les rênes ; le tram enterre tout projet de métro. Sur la place Kléber flanquée de drapeaux, les autobus croisent R21 et autres ZX dans un joyeux mélange de klaxons et de gaz d’échappement. Comme quoi, le bruit et l’odeur, c’est finalement bien relatif.

Quand vient le week-end, la jeunesse profite d’une certaine légèreté. Le vendredi soir, on regarde Mont-De-Marsan humilier Dax devant une vachette. Le samedi matin, place aux grosses courses au Mammouth. Et l’après-midi, on s’initie à la poterie avec Demi Moore et Patrick Swayze au Pathé Club, rue du Vieux-Marché-aux-Vins ; ou bien on fait un peu de shopping au Magmod.

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Vue sur le Magmod fin 80', début 90'. © AVES / Document remis

Lorsque tombe la nuit, les jeunes sont de sortie. Ils/elles s’appellent Stéphane, Nathalie, Philippe, Isabelle ou Sylvie. Eh oui, avant d’être ces quinquas dont l’utilisation hasardeuse des smileys et points de suspension par texto fait froid dans le dos, ils/elles arpentaient Strasbourg. Ils/elles trinquaient dans les bars et flirtaient en boîte au moment où beaucoup d’entre nous avaient pratiquement le même âge que Jordy.

Et parce que vous pourriez être amenés à les recroiser bientôt en soirée (car ça y est, la petite dernière a enfin été prise en L1 à Nancy pour l’année prochaine), gardez bien à l’esprit que ceux-là n’ont rien à apprendre de personne lorsqu’on leur parle de bamboche !

Et ça commence par le style vestimentaire. Trente ans avant nous, les fêtard(e)s des nineties arborent déjà de magnifiques jeans mom dans lesquels ils/elles rentrent un large t-shirt (Benetton pour être au max). Stan Smith aux pieds (le regard froid), Kickers ou Dr Martens.

Un peu frisquet ? On se couvre avec un bombers bien large, une chemise de bucheron ou un blouson en jeans. Une ligne directrice : toujours plus coloré et surtout toujours plus ample. Il n’y a pas de limite, de telle sorte qu’écarter les bras lors d’un coup de vent changerait ces fêtard(e)s en cerfs-volants bariolés.

Ce soir les bagues brilleront

On démarre la soirée à la Java, au centre-ville. Sur ce coup-là, très peu de suspense : tout est dans le nom. Prisé des jeunes strasbourgeois(es) avides de ribouldingue, le bar est bondé chaque soir. La petite scène est ouverte et quiconque se risque à y monter pourra, au gré de son talent, faire chanter l’assemblée, la faire rire ou la faire danser.

À l’époque, l’endroit est chaleureux, assez unique selon les habitué(e)s. On s’y aventure seul(e) ou en groupe, on y rencontre du monde, on le refait parfois, on sue, on lève son verre pour un(e) inconnu(e), on oublie les paroles d’un couplet, on donne tout sur le suivant : les formules magiques ? Les marabouts d’Afrique !! 

Pour celles et ceux qui sont plutôt cocktails, ambiance sous les tropiques, soleil et zouk, on file au quartier Gare. Au Blue Hawaï, Victor nous accueille dans son établissement placé sous le signe de la fête à la mode antillaise. On descend les marches comme on traverserait l’Atlantique.

Au sous-sol, on se cale sous un faux palmier pour siroter un cocktail fruité et se déhancher sur de la musique venue de loin. Pour couronner le tout, les soirées à thème s’enchainent et le lieu donne l’occasion de sortir ses plus beaux déguisements.

Les plus casse-cous se rendent à Schilick. Il parait que dans quelques années, une extension du tout nouveau tram desservira le coin, mais ce n’est pas encore le cas. Les jeunes ont leurs habitudes au sous-sol du Prisunic. Mix parfait entre patins à roulettes et boite de nuit, le Roller’s Time est un succès.

On y virevolte, on glisse sur les bancs, saute au-dessus des chariots (ou au-dessus d’autres humains, tant qu’à faire)… et en rythme s’il vous plait ! Fête et grande vitesse se mélangent ici à merveille. Les fractures ? La crainte de la blessure ? Gardons en mémoire qu’on parle de la génération qui s’est construite devant une Maïté déchainée qui exécute des anguilles à coup de rouleau à pâtisserie en direct à la télé… donc bon, plus rien ne peut les atteindre.

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Maïté et son anguille, toute une époque. © Gifs.com à partir d'archive INA / Capture d'écran

De temps à autre, le gyrophare bleu au-dessus de la porte se met à tournoyer : c’est qu’un(e) nouvel(le) arrivant(e) s’apprête à franchir le seuil… c’est donc surtout signe que la fête se poursuit.

Sous les éclairs des stroboscopes

Celles et ceux qui ont réussi à choper le bus de 18h17 filent tout droit en club. En la matière, Strasbourg ne manque pas de choix. Du côté de la Krut, on hésite entre tester ses meilleurs pas de danse sur le carrelage de la Sala ou s’ambiancer au Café des Anges. Ils font des concerts parfois, on pourrait se laisser tenter ? L’ambiance confinée du lieu détonne par rapport au Hall Rhénus qui accueille les plus grandes stars. 

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Dans les années 90, le Café des Anges faisait déjà danser les Strasbourgeois(es). Après s'être refait une beauté en 2007, il est toujours en activité. © A.Me / Pokaa

Une autre option : les soirées étudiantes organisées salle de la Bourse. Elle est pleine à craquer et le bénéfice généré par les entrées à 40F est reversé à la recherche contre le sida.

Soirée salle de la bourse
Soirée salle de la Bourse. © Laurent Knobloch / Document remis

Une main passée dans le bombers laisse à penser qu’on va rester sur la Grande Île. Le carton pour une entrée demi-tarif au Rock’s est bien dans la poche gauche, la boite d’allumettes dans la poche droite, elle a le logo du Charlie’s.

Les deux seigneurs des nuits strasbourgeoises se partagent le trône depuis des années.

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© Laurent Knobloch / Document remis

Au Rock’s, les jeunes prennent le pouvoir. Véritable institution, l’établissement sur deux étages vibre au rythme de la new wave, de la techno et bien sûr du rock. Certaines soirées sont devenues emblématiques, comme celle qui a vu une bonne partie de la clientèle terminer sa soirée dans la fontaine la plus proche.

Mais le coup de maître de l’établissement, c’est lorsqu’à l’occasion d’une Fête de la musique, toute la rue du Jeu-des-Enfants a dansé au son des platines installées exceptionnelement en extérieur

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© Logo du Charlie's Capture d'écran

Pas loin de là, il y a le Charlie’s. L’ambiance y est un poil plus chic. Situé juste en dessous des Halles, on y danse en présence de Boney M, on assiste à des défilés de mode, on y bouge sur du son groovy, funk à l’influence américaine, le tout balancé avec brio par Nico, un des DJ emblématiques.

Les équipes de ces deux établissements sont les icônes à part entière d’un monde qui s’efface au petit matin. Qu’il s’agisse de Fadi, Coco, Tony, ou encore Mario ou Philippe, il ne fait aucun doute que celles et ceux qui se pressent à l’entrée de ces établissements se souviendront d’eux encore bien longtemps après leur fermeture.

Mais soyons francs, au moment où l’on hurle « EVERYBODY DANCE NOW » aux Halles, personne n’imagine un seul instant que cela s’arrêtera…

Qu’importe la place, qu’importe l’endroit

Lorsque l’on veut s’aventurer un peu plus loin, plusieurs possibilités se présentent. La première consiste à embarquer toute sa fine équipe dans une ZX et partir à la recherche du laser dans le ciel. On raconte qu’au pied des arcs-en-ciel se trouvent des trésors… au pied des lasers se trouve le Chalet.

J’étais assise sur une pierre, des larmes coulaient sur mon visage. Je ne savais plus comment faire pour trouver en moi le courage. J’ai levé les yeux au ciel. Et là, j'ai vu le laser du Chalet. J’y ai baigné mon âme.
À peu près Ophélie Winter
photofunky
© Photofunky / Capture d'écran

Légende de la nuit, temple de la fête, si la bamboche était une religion, nous voilà dans sa cathédrale. Ici, pas de clergé. En revanche, Céline Dion, Mylène Farmer, Cookie Dingler y ont officié. On entre dans le Chalet comme une vedette remonte la Croisette. À peine les tourniquets passés, chaque Strasbourgeois(e) se sent déjà star.

À l’époque, sur le papier, faire de la Wantzenau la capitale alsacienne de la bringue, ça ne coule pas forcément de source. Et pourtant, Jean-Claude Helmer, le maitre des lieux, relève ce défi haut la main depuis déjà 30 ans.

chalet strasbourg discothèque
© Document remis

L’intérieur est énorme et les grands soirs, on y croise près de 2 000 personnes, déguisées – souvent – selon le thème choisi pour l’événement. Lorsqu’on plisse les yeux, différents espaces se distinguent à travers la fumée. Les styles sont variés. Ici, l’étudiant(e) danse aux côtés du père de famille et la patronne peut croiser sa stagiaire au bar. Les espaces distincts laissent la place aux différentes générations et même les habitué(e)s des années 60 peuvent encore trouver leur bonheur.

Et qui dit Chalet dit bien souvent séduction. Le 3615 Ulla, c’est bien joli mais ça coûte un appart vue cathédrale, et ça porte peu ses fruits. Alors rien ne vaut la magie d’une discothèque de renom. Une ambiance inégalable, la moitié de la jeunesse strasbourgeoise… et généralement Laura Pausini fait le reste.

L’autre possibilité dont les Strasbourgeois(es) ont l’habitude, c’est traverser le Rhin. Mais alors pour ça, il faut être organisé et avoir pensé à faire un saut préalable à la banque pour y récupérer des Deutsche Mark.

Pied au plancher pour un départ à toute berzingue, direction : le Drops, à Kehl. L’institution des années 80 vient de rouvrir après avoir fermé quelques années plus tôt au profit de nouveaux clubs qui n’ont pas marché.

Dans ce qui est une des plus grosses boîtes du sud de l’Allemagne, les nouveaux sons à la mode sont diffusés toute la nuit : techno, house et trance viennent direct des Love Parade berlinoises, le hip-hop est fraichement débarqué d’outre-Atlantique… personne n’est laissé pour compte.

La Drops Arena, qui a même connu des spectacles de tigres, voit ainsi des milliers de jeunes de Strasbourg et d’Allemagne profiter de la vie jusqu’au lever du jour.

Lorsque le soleil pointe le bout de son nez, il est temps de remballer. On prend ses clic et ses clac (en clair, on récupère le blouson aux vestiaires -en vérifiant bien qu’aucun pin’s ne manque) et on met les voiles. Ici et là, des after s’organisent.

Il est pourtant temps d’aller trouver le repos (ailleurs que dans l’indifférence). On se rassure en pensant que l’été arrivera avec les rave parties, dont la fièvre conquiert la France. Plusieurs de ces événements sans pareil sont déjà prévus au Pourtalès ou encore à la Cour de Honau.

En repensant à la soirée mémorable qu’on vient de passer, on se dit qu’on aurait aussi pu aller danser à l’Apollo, se trémousser au JM3, taper du pied à l’Oktan ou vibrer au Magasin. On aurait effectivement pu aussi passer aux Aviats, rouler jusqu’au Yalta, boire un coup au Rock City, trinquer à la Taverne ou embarquer au Bâteau Ivre.

Mais Strasbourg se réveille déjà et d’autres nuits arriveront.

Sur la place de Zurich, la boutique Azoulay est déjà ouverte et la foule qui s’y presse les matins de week-end n’est pas encore levée. On prend quelques merguez qui épongeront parfaitement les excès de la nuit.

Avant de s’endormir, un dernier coup d’œil au maillot suspendu au mur. En lettres capitales, le nom d’un jeune milieu de terrain bordelais : Zinédine Zidane. La prochaine coupe du monde sera organisée en France, on l’a appris le week-end dernier dans le journal. Dans le journal ? Dans le journal de Claire Chazal.

Alors en fermant les yeux, on se prend à imaginer une étoile.

…oh ça va, on a bien le droit de rêver un peu !

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Commentaires (6)

  1. Peut être un oublie mais le bar les aviateurs était un endroit incontournable début 90
    Des gens du monde entier venez à ces soirées
    Et en plus de ça premier bar de nuit de strasbourg et ouvert par une femme
    Un lieux chargé d’histoire

  2. Et oui. On savait s’amuser. Comme au café des anges ou j’officiais. Salsa. Mbalax. La salsa. À strasbourg c’était aux « anges » et N’oublions pas les soirées africaines de Mon ami Remy Black qui organisait des superbes concerts, comme Zaïko Langa Langa!!

  3. Bel article ! On s’y croirait à nouveau !
    Peut être juste un oubli : les mythiques soirées étudiantes du Caveau de l’AFGES dans les sous sols de la Gallia… (avec les points de suspension bien sûr 😉

    • Et oui, il manque en effet le K-VO de la Gallia, oubli que je ne pouvais que remarquer, ayant officié en ce lieu de 91 à fin 95.

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