Depuis 2005, il met à l’honneur le cinéma de nos voisin(e)s germain(e)s… Ou plutôt germanophones. Wo denn ? [Qui donc ?] Le Festival Augenblick, qui revient comme à chaque mois de novembre en haut de l’affiche, où trône cette année fièrement Marlene Dietrich. La figure de prou d’une 20e édition anniversaire à la prog’ plus européenne, queer, féministe, écolo’ et libre que jamais ! Du 5 au 22 novembre : des rétrospectives, des avant-premières, des projections inédites, deux compétitions (de courts et longs-métrages) à retrouver dans une quarantaine de salles du Grand Est – dont trois à Strasbourg. Sans oublier, quelques concerts gratuits. On dit quoi ? « Ja, danke ! » [« oui, merci »].
Avec son caractère de « panorama unique » sur le cinéma germanophone – d’hier et d’aujourd’hui –, le Festival Augenblick est depuis 2005, un rendez-vous des cinéphiles.
Initié à l’époque par le réseau de cinémas indépendant et porté par l’association le RECIT (Réseau Est Cinéma Image et Transmission), il nous déroule cette année sa 20e édition, du 5 au 22 novembre.
Marlene Dietrich en haut de l'affiche : une 20e édition engagée
Pour cette édition anniversaire, le Festival Augenblick pose en égérie, la plus Hollywoodienne des actrices allemandes : Marlene Dietrich.
L’air défiant, le sourire narquois… C’est tout en nonchalance et attitude que cette femme fatale de l’Hollywood d’autrefois nous regarde, depuis son affiche. Transgressive à l’époque, quand elle s’habille comme ses compères masculins, elle y campe fièrement dans son costume d’homme.
Une irrévérence que le festival choisit de célébrer aujourd’hui. À l’image de son parcours, et de ses idées. Plus qu’une séductrice, elle devient aussi rapidement une figure d’opposition au régime répressif, raciste et discriminatoire des Nazis, incarnant une certaine idée de la liberté… que défend le festival.
Alors qu’un hommage lui a été rendu en juin dernier au Festival Il Cinema Ritrovato de Bologne, avec des projections en versions restaurées des plus incontournables de ses films, Augenblick en profite également pour remettre l’actrice au premier plan.
D’abord avec cette photo de 1931, de Richard Fleischhut, mais aussi dans une rétrospective qui lui sera consacrée (avec trois de ses films : L’Ange bleu et Shanghai Express de Josef von Sternberg et La Scandaleuse de Berlin de Billy Wilder).
Un « focus [qui] souligne l’importance de son rôle dans l’histoire du cinéma et son engagement politique », lit-on en préambule du festival.
Après une édition 2023 autour du female gaze, et alors que l’on voit surgir en Europe comme ailleurs, un retour des idées de l’extrême-droite, le festival réaffirme avec cette icône, ses propres valeurs…
Avec comme « postulat de renouer avec le cinéma comme vecteur des valeurs humaines les plus essentielles que sont la défense des libertés, du dialogue et, par là même, le devoir de résister aux simplifications idéologiques destructrices ».
Une programmation qui s’inscrit par ailleurs dans la 12e édition du Forum mondial de la démocratie (organisée à Strasbourg du 6 au 8 novembre), dont la thématique cette année sera « Démocratie et diversité : pouvons-nous dépasser les clivages ? ».
Démocratie et diversité : pouvons-nous dépasser les clivages ? 7 jours pour débattre à Strasbourg
Penser le monde par le cinéma
On l’annonçait plus haut : l’édition sera engagée, avec une programmation féministe, des films sur l’écologie, ou encore une sélection sur le cinéma queer…
Augenblick donne d’ailleurs carte blanche à Didier Eribon, afin de s’ouvrir vers d’autres champs de réflexion (ici la philosophie et la sociologie). Partir du cinéma pour mieux penser le monde qui nous entoure…
Outre une masterclass (le mercredi 20 novembre), le célèbre sociologue et écrivain inaugurera cette nouvelle section avec une sélection de quatre fictions, traitant « des luttes des minorités et de la construction d’identités face à la discrimination » : L’innocence de Hirokazu Kore-eda (2023), Deux de Filippo Meneghetti (2019), Great Freedom de Sebastian Meise (2021) et Le Cercle de Stefan Haupt (2014).
Pour faire écho à cette carte blanche, Augenblick prévoit un volet thématique autour de Berlin, comme « creuset des minorités sexuelles et de genre », en diffusant une série de films et de documentaires explorant l’histoire et la culture des minorités sexuelles dans la capitale allemande.
Il s’articulera autour d’œuvres de figures emblématiques de l’époque, à l’instar de Rosa von Praunheim avec Armee der Liebenden oder Aufstand der Perversen de 1979, « un témoignage précieux sur le travail et le processus d’émancipation homosexuelle aux États-Unis, à New York et à San Francisco »… Ou d’histoires actuelles, « soulignant le rôle de Berlin comme refuge et lieu d’expression des identités queer » (comme dans Queer Exile Berlin de Jochen Hick, 2023).
À travers la thématique « Jeune au temps du changement climatique », le festival nous invitera également au coeur du militantisme écologiste allemand, incarnée par la jeune génération.
Deux documentaires suivant des « protagonistes de la lutte » : Solastalgia de Marina Hufnagel (2022) [« solastagie » : le sentiment de perte face à la destruction des écosystèmes et de ses moyens de subsistance] et Bis hierhin und wie weiter ? de Felix Maria Bühler (2023).
[Pour rencontrer la réalisatrice du premier : rendez-vous le dimanche 10 novembre à Strasbourg ; pour le second, en présence du réalisateur et de la militante Lina Eichler : le 17 novembre à Strasbourg (sinon, direction Colmar et Guebwiller)].
Alerte cinéphilie : masterclass et rétrospectives
Nous parlions plus haut de la masterclass de Didier Eribon, mais le festival en réserve deux autres. L’une par la réalisatrice autrichienne Ruth Beckermann, l’autre par l’Allemand Rudolf Thome.
La première, célèbre dans son pays, reste assez méconnue dans le nôtre. Réalisatrice de documentaires, Ruth Beckermann ouvrira le festival avec le bouleversant Favoriten. En parallèle des projections de deux autres de ses films, elle invite le public dans sa masterclass, à se plonger dans son cinéma engagé.
Le second débute peu après le Nouveau Cinéma allemand des années 1960. Pourtant, Rudolf Thome s’en écarte rapidement, pour s’inspirer du « cinéma américain et du swinging London comme du féminisme radical », avec du second degré, et de nombreux genres explorés.
Le festival dit de lui qu’il est à la fois « dans son temps et hors temps », « [ayant] traversé plus de cinquante ans du cinéma allemand en toute indépendance, en pleine lucidité », avec une trentaine de films à son actif. Augenblick en choisit quatre pour nous le faire découvrir : Rouge Sang (1970), Berlin Chamissoplatz (1980), La Main dans l’ombre (1983) et Le Philosophe (1989).
Pour nous immerger toujours plus dans l’histoire du cinéma, Augenblick proposera deux autres rétrospectives. La première, en clin d’œil aux réalisateurs – viennois d’origine – des films sélectionnés pour le focus autour de Marlene Dietrich : avec le triptyque Welcome in Vienna d’Axel Corti.
Trois parties (Dieu ne croit plus en nous, Santa Fe, Welcome in Vienna) pouvant être vues au format marathon, ou chacune indépendamment des autres. Des « incontournables du cinéma européen », nous précise-t-on.
Et enfin la dernière : autour de la comédienne et chanteuse Ingrid Caven. Une « personnalité hors norme », figure de la Nouvelle Vague, muse d’une génération de cinéastes aussi bien français que suisses ou allemands (dont Rainer Werner Fassbinder et André Téchiné).
À l’occasion de la sortie cette année de son nouvel album « Heidschi Bumbeidschi – 16 moments de ma vie » produit par Albert Serra, Augenblick rediffusera quelques-uns de ses films…
De l'exclu' : des avant-premières et des compétitions
Comme chaque année, le festival profitera de sa tenue pour diffuser quelques films en exclusivité… Au travers d’avant-premières et séances spéciales. À l’instar de La Partition de Lars Eidinger ou Bonjour Switzerland, que l’on nous présente comme « une comédie décalée sur la Suisse francophone ».
Mais que serait Augenblick sans ses compétitions ? Pour découvrir le cœur battant de la création actuelle, et « célébrer la créativité du cinéma germanophone », le festival nous en concocte chaque année, deux.
L’une consacrée aux longs métrages avec six films, dont cinq réalisés par des femmes. Parmi eux, on nous note déjà Beyond the Blue Border de Sarah Neumann (« une exploration captivante des espoirs de jeunesse en RDA ») et Electric Fields de Lisa Gertsch (« un film poétique et surréaliste qui interroge la réalité et les conventions sociales »).
L’autre compétition nous présentera une sélection de courts métrages issus d’Allemagne, de Suisse et d’Autriche, « mettant en lumière de jeunes talents prometteurs », animés par des thèmes d’actualité : de la transnationalité aux défis climatiques.
Pour aller plus loin : rencontres, DJ set et concerts
En parallèle, le festival met en place des initiatives pour « sensibiliser et former les jeunes générations », à l’éducation à l’image. Elles prendront la forme de rencontres professionnelles, d’ateliers de critique… À destination d’un « jury européen de jeunes producteurs » (avec des étudiant(e)s en cinéma venue de toute l’Europe), et d’un jury de lycéen(ne)s (issu(e)s d’établissements du Grand Est, de Bâle, Dresde, et Vienne).
Ouvert sur son public, il l’est aussi en dehors des salles de cinéma… En marge des projections, Augenblick nous invite ainsi à de nombreux événements. Parmi eux : trois concerts gratuits…
Comme celui de l’artiste viennois Voodoo Jürgens, et acteur principal du film Rickerl (présenté lors du festival). Il nous proposera « un mélange pop, rock et folk aux accents viennois sensible et un peu macabre ».
Une double soirée de concert le jeudi 7 novembre à La Graffateria, puisqu’elle comptera aussi celui de Bobby Would, l’alias de l’artiste et performeur Robert Pawliczek qui ramènera ses « guitares macabres et angéliques, noyées dans l’ozone ».
Le samedi 9 novembre, La Graffateria accueillera cette fois le DJ strasbourgeois Iyass (La Finca), qui nous entraînera dans « un voyage entre new wave allemande, post punk, disco et jazz ». Pour faire écho à la programmation, le DJ strasbourgeois s’inspirera de la Neue Deutsche Welle des années 80, « en y implémentant des influences disco provenant de la scène allemande des clubs gay ».
Pour retrouver toute la programmation de la 20e édition du Festival Augenblick, c’est par ici.
Et pour se plonger dès à présent dans la programmation, avant-goût :
Événement
Festival Augenblick – 20e édition
Quoi ?
Quand ?
Du 5 au 22 novembre 2024
où ?
Dans une quarantaine de cinémas indépendants du Grand Est + divers lieux
[À Strasbourg : dans les cinémas Star Saint-Exupéry, Le Cosmos et Vox]