Parlons peu, parlons bien, parlons « forts ». Des ouvrages impressionnants datant du 19e siècle, bâtis par les Allemands en un temps record, parfois étendus par les Français, et souvent entretenus par les bénévoles… La ceinture fortifiée de Strasbourg a beaucoup à nous offrir. Et on va vous le prouver avec des anecdotes, des idées sorties et des événements.
Lorsqu’on habite à Strasbourg, on a trop souvent tendance à rester… à Strasbourg. Tels des poissons dans leur bocal, on tourne. Alors, certes, on a cette chance de pouvoir profiter de bars, de restos, de monuments, de parcs ou encore d’offres culturelles au top, mais on peut aussi s’aventurer un peu au-delà du bocal – contrairement à un poisson rouge.

Et s’il y a bien des lieux trop peu connus et qui méritent toute notre attention, ce sont les forts qui entourent la ville. Pas besoin de prendre la voiture ou le train, ici, le vélo suffira : on ne part pas bien loin. On vous dresse donc ici un top spécial forts fait d’anecdotes, d’idées sorties pour les prochains mois et d’événements qui devraient réussir à vous convaincre d’une chose au moins : les forts sont largement sous-cotés !
Pour commencer, un peu d'histoire
C'est quoi ces forts qui entourent Strasbourg ?
Si l’on se penche un peu sur l’histoire de tout ça, on ne peut que tomber d’accord sur un constat : les forts sont l’incarnation du ping-pong des deux derniers siècles qui a attribué l’Alsace tantôt à la France, puis à l’Allemagne, etc. etc. Une sorte de « méta-fort » donc.
En fait, ces édifices ont été construits du fait de cet enjeu. Après la défaite de la France en 1870, la région devient allemande et les Allemands, n’étant pas nés de la dernière pluie, se disent que les Français vont, un jour ou l’autre, chercher à récupérer le territoire.

C’est précisément pour cela que les forts sont construits : ils visent à protéger Strasbourg contre une charge française. En ces temps-là, l’artillerie a une portée franchement faible, alors une distance trop importante entre les forts risquerait de constituer une brèche… Aucun problème, on construit alors 14 forts, espacés de seulement quelques kilomètres les uns des autres :
- Les forts Blumenthal, Bose et Kirchbach en Allemagne.
- Les forts Desaix, Ducrot, Foch, Frère, Hoche, Joffre, Kléber, Lefebvre, Ney, Rapp et Uhrich en France.
Auxquels on peut ajouter cinq ouvrages intermédiaires, conçus pour réduire les distances entre les forts.

Chacun prend le nom d’un général allemand, ainsi qu’un petit numéro. Mais lorsque l’Alsace redevient française, il faut rebaptiser 11 ouvrages… On leur attribue donc des noms de militaires français. Oui mais voilà : rebelote en 1940, on bascule à nouveau sur les patronymes allemands. Vous l’aurez compris, on change une dernière fois en 1945.
Aujourd’hui encore, les forts portent la marque de cette histoire bringuebalée entre deux pays : à l’image du fort Rapp-Moltke ou encore du fort Frère, aussi connu sous le nom de Baden.
À la découverte du Fort Rapp-Moltke, qui a défendu Strasbourg pendant un siècle




Un patrimoine qui survit grâce à des bénévoles
Si la plupart des forts de la ceinture de Strasbourg ne sont pas ouverts au public, d’autres le sont souvent grâce à des mobilisations citoyennes.
C’est par exemple le cas du fort Ducrot, à Mundolsheim. En 2010, une association de passionné(e)s a vu jour avec un objectif : remettre en état ce vieux fort abandonné depuis des décennies. Christian Reichl, bénévole, raconte : « Le fort était dans un état d’abandon complet. »

Depuis 15 ans, les membres de l’association se réunissent chaque semaine. Chacun vient avec son savoir-faire ou juste pour filer un petit coup de main. Dernièrement, c’est le magasin à poudre du fort qui a été restauré.
En plus de la restauration, l’association propose aussi des visites guidées, les dimanches à 14h. Pour en savoir plus, il suffit de cliquer ici.



Du côté du fort Joffre, un élan semblable s’organise. Si l’initiative est plus récente, l’objet reste le même : transformer un édifice laissé à l’abandon pour donner un nouvel éclat à ce trésor patrimonial.
Surtout que les remises en état, c’est du sérieux ! Pour preuve, il y a quelques mois, le fort Kléber de Wolfisheim a dû fermer ses portes, au grand désarroi du public, des associations et des artistes qui y avaient élu domicile. En cause ? Une remise aux normes nécessaire… mais à un prix bien trop élevé pour la petite commune.

Aujourd'hui, les forts vivent au rythme des événements... et des émotions fortes
Festival de musique, zombies et marché de Noël réveillent les vieilles pierres
Malgré la fermeture du fort Kléber, le domaine accueille toujours le Wolfi Jazz. Festival emblématique du coin, il continue de faire vibrer les vieilles pierres au début de l’été. Si la programmation de la 15e édition a été dévoilée il y a quelques semaines, la billetterie est toujours ouverte et le public est attendu nombreux pour faire la fête du 25 au 29 juin 2025.



Du côté des événements insolites, on ne peut pas passer à côté de la Monster Run du fort Rapp, à Reichstett. Depuis déjà plusieurs années, à l’automne, l’esprit d’Halloween envahit le fort. Et ce sont des dizaines de zombies, sorcières ou autres monstres qui prennent possession des lieux pour faire vivre une expérience unique à un public visiblement conquis.
Outre les événements les plus importants, les différents forts accueillent chaque année diverses manifestations, parmi lesquelles on peut citer les reconstitutions historiques du fort Frère, les concerts du fort Rapp ou encore le marché de Noël du fort Ducrot.

Des occupants critiqués
S’il y a un fort dont la requalification peut – au moins – faire lever un sourcil, c’est bien le fort Foch.
Ici, pas de spectacles ni d’événements culturels. Depuis la fin des années 70, l’édifice accueille… un centre de primatologie, aujourd’hui rattachée à l’Université de Strasbourg : le SILABE (Simian Laboratory Europe). Sur plusieurs hectares, macaques, capucins ou autres lémuriens font l’objet de recherches scientifiques et médicales…
Souvent cible de nombreuses critiques, le centre a notamment fait face, l’été dernier, à une grosse polémique, à la suite d’un rapport de l’association One Voice qui évoque des souffrances endurées par les animaux.

Pour découvrir les forts, une balade à vélo !
On l’a dit, la ceinture fortifiée de Strasbourg compte pas mal d’ouvrages. Et vu qu’ils sont assez proches les uns des autres, en faire le tour est assez simple – et ne constitue pas le périple qu’on pourrait imaginer.
La « Piste des forts » est un itinéraire cyclable de 85 km qui a la particularité d’être franco-allemand et de passer par chacun des ouvrages de la place fortifiée strasbourgeoise. L’itinéraire complet est à retrouver ici. Il suffit donc de trouver quelques ami(e)s motivé(e)s, de vérifier l’état de fonctionnement de son vélo, et hop : au moindre rayon de soleil, voilà une sortie idéale.


Sur ce fascicule édité par « L’Alsace à vélo », on retrouve en sus plusieurs recommandations pour des pauses gourmandes sur le chemin. S’il fallait un dernier argument, c’est réglé.
Alors bonne balade et bon voyage dans le temps !