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À la découverte des « Chats perchés » : l’écolieu alsacien qui mixe vie de famille et biodiversité

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À Lampertsloch, dans le nord de l’Alsace et à un peu moins d’1h de de Strasbourg, une grande maison sur trois étages accueille un petit groupe de cohabitant(e)s, uni(e)s dans l’envie de soutenir un mode de vie durable et respectueux du vivant. Une copropriété pas tout à fait comme les autres, où l’écologie a des allures de sport collectif.

« Vous voulez du kéfir ? J’en ai acheté exceptionnellement comme je savais que vous veniez, car je ne peux plus en faire… mes grains sont raides de chez raides. » Dans sa cuisine, située au premier étage d’une grande bâtisse de la cité Le Bel, à Lamperstloch, Adeline Schwander discute tranquillement avec ses voisines, Marie-Rose Imbert et Clara Stauer, dans un lieu où la philosophie est simple : faire soi-même chaque fois que l’on peut.

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Bienvenue chez Les Chats perchés. © Adrien Labit / Pokaa

Installé dans un quartier construit il y a 100 ans pour les ingénieurs de la première usine de pétrole en Alsace, l’écolieu Les Chats perchés a vu le jour en 2019, à l’initiative de trois familles de la région. « Nous nous sommes rencontrées autour de la création de l’école écocitoyenne Les Roseaux, à Gries », retrace Adeline, 42 ans, travaillant dans la facilitation de la transition énergétique.

« Nous voulions un apprentissage qui respecte la biodiversité et les gestes durables. Mais à la première rentrée, nous avons ressenti une certaine frustration à laisser nos enfants dans un lieu qui respecte nos valeurs le matin, pour revenir à la maison le soir comme si de rien n’était. »

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© Adrien Labit / Pokaa

Des espaces partagés

Accaparés par le quotidien, plusieurs parents se retrouvent alors limités dans la transmission des apprentissages écologiques à leurs enfants. « On s’est aperçus que cela créait de la charge mentale », poursuit la mère de famille.

Les concerné(e)s se retroussent donc une nouvelle fois les manches pour créer un écolieu. Le prix du foncier autour de Haguenau les amène à élargir leur zone de recherche et à jeter leur dévolu sur cette maison de maître de trois étages, avec un parc de 54 ares : l’ancien logis du directeur de l’usine. Un achat de 600 000€, rendu possible par la création d’une société civile immobilière (SCI).

Au début, seuls le rez-de-chaussée et le premier étage sont habitables. Deux familles y emménagent en 2019 et se lancent dans des éco-travaux de rénovation pour aménager le deuxième étage. La crise du covid leur fait prendre un peu de retard, mais l’écolieu des Chats perchés prend forme. Chaque étage compte à la fois un appartement privé, de 85 à 100 m², et une pièce commune. Au rez-de-chaussée, une salle à manger, au premier, une chambre d’ami(e)s partagée et au deuxième, une salle de jeux pour les enfants.

« La base fonctionne comme une copropriété, poursuit Adeline. Chaque appartement étant autonome, on peut juste se croiser dans le couloir si on le souhaite. »

« Mais ça n’a pas vraiment d’intérêt, réagit Clara. Pour vivre dans un écolieu, je pense qu’il faut avoir envie de partager des choses », détaille celle qui rêvait d’intégrer une structure comme celle-ci depuis longtemps, pour retrouver un peu de convivialité au quotidien.

Mutualiser le plus possible

Chez Les Chats perchés, on pense projets, travaux et achats en collectivité. « Tous les 15 jours, nous avons des temps fixes pour organiser la vie du lieu : on appelle ça les chapéros », sourit Adeline. Les cohabitant(e)s se retrouvent pour discuter de ce qui a été fait depuis la dernière réunion et de ce qu’il reste à faire avant la prochaine, dire comment ils/elles se sentent par rapport au projet et planifier les achats communs. En matière d’alimentation, la plus grande partie des denrées est également mutualisée.

« On est un peu près sur un tiers d’autoproduction grâce au jardin en permaculture, un tiers d’achats en vrac et en gros, et un tiers d’achats particuliers, auprès de maraîchers du secteur ou dans les grandes surfaces », détaille Adeline. Une organisation pensée selon les valeurs du lieu.

« Nous avons construit notre projet autour de quatre règles : la sobriété, cela veut dire décroître et se débarrasser le plus possible d’habitudes de consommation, la transmission ainsi que la biodiversité, nous ne sommes pas la seule espèce sur le site, et la résilience. C’est ce qui se rapproche le plus pour nous de la notion d’autonomie. Bien sûr, on ne peut pas tout produire sur 54 ares : on a aussi besoin des autres. »

Pourquoi ? « Parce que si vous dépendez entièrement de votre potager, vous n’êtes pas résilient. Il suffit que vous vous cassiez une jambe et vous ne pouvez plus le cultiver. Pareil si vous dépendez uniquement des magasins : il suffit qu’il y ait une rupture de la chaîne d’approvisionnement. Nous nous sommes donc organisées selon les principes de la permaculture qui consiste à ne jamais mettre tous ses œufs dans le même panier. »

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Clara Stauer et Marie-Rose Imbert. © Adrien Labit / Pokaa

Les cohabitant(e)s mutualisent aussi les tâches en autogestion. Certain(e)s se chargent de faire de la lessive pour tout le monde, d’autres, de tailler quelques arbres ou de ramasser les fruits du jardin. « On n’en discute pas forcément entre nous, quand il y a quelque chose à faire, on le fait », explique Marie-Rose.

« C’est un peu le bordel organisé, réagit Adeline. Et cela implique d’accepter que les choses ne soient pas forcément faites de la manière dont on l’aurait fait soi-même. »

Sortir du « surindividualisme »

Les habitant(e)s des Chats perchés partagent également leurs outils. Et parfois, leurs meubles. « Je les collectionne et j’en ai pas mal dans la cave, explique Adeline. Lorsqu’elles sont arrivées, Marie-Rose et Clara ont remonté une table pour leur appartement. C’est un bon compromis : je n’ai pas eu besoin de m’en séparer et je me dis qu’il vaut mieux qu’elle serve plutôt que de dormir au sous-sol. » L’opération s’est faite naturellement, sans chichis.

« Chaque écolieu a son identité, poursuit la mère de famille. Notre objectif à la base, c’était de mutualiser le plus possible. Le fait d’avoir tout en individuel, ça coûte cher, et c’est très récent dans l’histoire de l’humanité. On voit bien que ça ne marche pas. Et notre culture, ici, c’est celle d’une grande maison familiale, mais sans se prendre la tête. » Ce qui passe également, parfois, par l’entraide.

Pendant un temps, l’écolieu des Chats perchés a par exemple accueilli des familles dont les parents travaillaient tous. Ils ont alors établi un plan de batch cooking : chaque adulte préparait plusieurs portions en début de semaine et en donnait une partie à ses voisin(e)s. « Je cuisinais un plat, et j’en recevais quatre. Ça fait gagner un temps fou ! » s’enthousiasme Adeline. Depuis, les cohabitant(e)s ont à nouveau changé d’organisation après en avoir discuté collectivement. C’est la force du lieu, qui s’adapte continuellement aux nécessités du groupe.

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© Adrien Labit / Pokaa

Une seule maison, mais une grande équipe

« Moi, ce lieu, ça me rappelle la maison de mon enfance, réagit Marie-Rose. Mes grands-parents vivaient au rez-de-chaussée et nous, on avait les étages. »

« C’est vrai qu’il y a un côté mini-clan à l’ancienne, avec des logiques qui n’existent plus. Aujourd’hui, on est sur une forme de surindividualisme ou le groupe est vécu comme une contrainte », rebondit Adeline. « On est devenus des cas à montrer du doigt, dans cette société actuelle où chacun a besoin de son espace, de ses choses à soi sans partage », sourit Clara.

Les cohabitant(e)s se décrivent notamment comme une équipe. Ensemble, il/elles se lancent régulièrement des défis comme ne pas utiliser le sèche-linge, ou acheter le moins de choses possible pendant un an. Ils/elles ouvrent également les portes du lieu à leurs connaissances, leurs voisin(e)s, ou à celles et ceux qui en font la demande pour faire découvrir ce que peut être un écolieu, et battre en brèche les idées reçues.

Ecolieu cherche cohabitant(e)s

« Quand les gens entendent le mot écolieu, ils pensent à des gens habillés en sarouel, dans une yourte, en train de fumer des joints, en faisant des chants au tambour et en polyamour, sauf que ce n’est pas ça », raille Adeline, qui ne compte plus le nombre de questions auxquelles elle a dû répondre sur son ménage. Idem pour Clara et Marie-Rose, à qui l’on demande souvent si elles comptent se pacser, sans imaginer qu’elles puissent simplement vivre en colocation.

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Adeline Schwander. © Adrien Labit / Pokaa

Depuis sa création, l’écolieu a connu plusieurs départs de cohabitant(e)s, « pour qui ce n’était pas forcément le bon mode de vie », ou que la vie a emmené vers d’autres aventures. Clara et Marie-Rose sont arrivées en mai dernier. Et bonne nouvelle : il reste un appartement de libre au dernier étage.

Les Chats perchés sont donc à la recherche d’une nouvelle famille avec qui cohabiter. Après six mois de période d’essai en location, les nouveaux/lles arrivant(e)s pourront à leur tour intégrer la SCI et devenir co-propriétaires des lieux. Des lieux, « où l’on vit bien » selon Clara, « dans le partage et dans le respect, dans les paroles comme dans les actes, dans la vie de tous les jours »;

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