Après avoir fondé la première école populaire pour le climat à Saint-Ouen en octobre dernier, l’association Banlieues Climat vient de signer avec la Ville de Strasbourg une convention destinée à financer la formation des jeunes des quartiers aux enjeux climatiques.
« Vous êtes les visages du futur que nous voulons construire », explique Jeanne Barseghian, devant une salle de l’Hôtel de Ville pleine à craquer, en ce mercredi 29 janvier. Face à la maire de Strasbourg, plus d’une centaine de jeunes, et des moins jeunes, venu(e)s des quartiers de la ville.
Toutes et tous répondent à l’invitation de l’association Banlieues Climat, qui signe ce soir-là une convention de financement avec la capitale alsacienne. Objectif : permettre le financement, dans les quartiers strasbourgeois, de formations aux enjeux climatiques

« On est les premiers concernés »
« On va pouvoir rémunérer les formateurs. Jusque-là, on le faisait bénévolement », détaille Féris Barkat, co-fondateur du mouvement Banlieues Climat. Depuis 2022, l’association souhaite tordre le cou à une idée reçue : l’écologie serait l’affaire d’une élite et les habitant(e)s des quartiers populaires seraient peu ou pas concerné(e)s.
« Les gens se disent que banlieues et climat ça ne marche pas, qu’il y a des problèmes d’éducation dans les quartiers et qu’un sujet technique comme ça, il n’est pas fait pour nous. Alors que c’est précisément notre quotidien qui est lié aux enjeux environnementaux. On est les premiers concernés, les premiers écologistes, c’est nous », explique le jeune homme.



Dans la salle, une soixantaine de jeunes sont présent(e)s pour recevoir leur diplôme, obtenu en suivant la formation de Banlieues Climat l’année dernière à Strasbourg. Bilal, diplôme en main, en fait partie : « Au départ, je ne connaissais pas. C’est un ami qui m’a sensibilisé. J’ai eu envie de voir, et je me suis rendu compte que j’étais coupé du monde. »
Le jeune homme explique alors ce qui l’a particulièrement interpellé : « Je ne savais pas que je consommais quatre fois plus que quelqu’un qui vit en Afrique, et que pour subvenir à mes besoins, il y a 300 personnes qui travaillent dans le monde entier. » Touché, Bilal souhaite désormais s’engager encore plus dans le mouvement et même devenir formateur.
« Par nous, pour tous »
Construite avec des scientifiques du GIEC, la formation proposée par Banlieues Climat est reconnue par le ministère de l’Éducation nationale. « C’est important, explique Sanaa Saitouli. Pour certains, c’est le premier diplôme qu’ils obtiennent. »
Plus que de les sensibiliser aux enjeux climatiques, la formation vise à les rendre acteurs. « L’objectif est de développer le pouvoir d’agir. On est choqué, on est touché, c’est flippant, OK. Mais maintenant, on fait quoi ? L’objectif, c’est qu’ils aient envie de s’investir en sortant. » À la tribune, Axel, un formateur, résume l’idée sous les applaudissements : « Que chacun d’entre vous devienne le point de départ de quelque chose. »

Créée en 2022, l’association Banlieues Climat s’est construite selon le principe « par nous, pour nous » centré sur les habitant(e)s des quartiers. Et alors qu’elle ne cesse de se développer dans de nombreuses métropoles à travers la France, Féris Barkat parle aussi de son évolution : « Ce « par nous, pour nous », il s’élargit de plus en plus en « par nous, pour tous ». On commence avec les jeunes qui étaient là ce soir, et on élargit. »


Au micro, une maman s’exprime : « J’ai grandi en banlieue et on m’a toujours dit que l’écologie, c’était une affaire de privilégiés. Vous portez un espoir immense, et nous, parents, on doit être à vos côtés ! »
Banlieues Climat développe, également, des formations à destination des mamans des quartiers. « Les premiers écologistes sont nos mères et nos pères, ils ne pensent pas faire de l’action écologiste, mais ils en font », détaille Sanaa Saitouli. L’association souhaite aussi travailler avec les ruraux. « On nous a tellement divisé entre campagnes et quartiers qu’il faut que ça cesse. On traverse les mêmes problématiques, on va créer du commun. »


« Nos vies sont politiques »
Dans l’action de Banlieues climat, les enjeux climatiques se mêlent, car indissociables, à la question de la dignité des habitant(e)s de quartiers populaires. Fin du monde et fin du mois, même combat, comme le dit l’expression popularisée par le mouvement des Gilets jaunes. Pour Féris Barkat, il ne faut pas avoir peur d’être politique, de se saisir des questions politiques.
« On a tendance à penser que la politique, c’est un mot dangereux. Les gens se revendiquent apolitiques, neutres, font des choses, mais surtout pas de politique. On veut casser ça, pour ne pas être politiques, il faudrait qu’on soit aveugles à nos conditions de vie. Nos vies sont politiques. »
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