Au sein de la capitale européenne, environ 140 jardiniers/ères veillent sur 450 hectares d’espaces verts. Entretien des parcs, agencement des massifs, conception et plantation des parterres : leurs larges missions participent à l’embellissement de la ville et au développement de sa biodiversité.
Entre les tours Black Swans et le bassin de la presqu’île Malraux, une dizaine d’hommes s’activent autour d’un lopin de terre fraîchement retournée dans la grisaille pluvieuse d’un matin de novembre.
Un œil sur le plan, l’autre sur la surface à aménager, les agents de la Ville sortent les plants des cagettes pour les disposer sur le parterre, avant de faire une dernière vérification d’ensemble. Tout est à sa place, il est temps de creuser.
Euphorbes, achilleas, kniphofia, thym, ficus… plus de 800 pieds vont bientôt trouver leur place sur cet espace vert récemment libéré. En effet, sur cette parcelle, trois « anciens massifs de vivaces avaient fait leur temps », détaille Christian Méline, gestionnaire de secteur au sein du service espaces verts et nature, mais également maître des opérations.
Des parterres de plantes autonomes
Les remplacer n’est pas une mince affaire. Il faut composer avec la fournaise des lieux l’été et l’humidité glaciale du bassin l’hiver. Des conditions plutôt extrêmes, même pour des plantes d’extérieur. « Aujourd’hui, on privilégie davantage les vivaces, explique le responsable. On essaie d’avoir des suivis moins intenses et plus de souplesse dans les interventions. »
Autrement dit : les essences doivent pouvoir se débrouiller toutes seules. « Le jardinier n’est pas là pour être au chevet de la plante, mais pour la mettre dans le bon environnement », renchérit Mathieu Mercier, chef d’équipe sur le secteur du parc du Heyritz et du centre administratif. C’est ce qui assurera sa santé et sa longévité. Et c’est là toute une expertise !
Si le dessin des trois parterres a cette fois été confié à un bureau de conception, il n’est pas rare que des jardiniers/ères s’attellent à cette tâche, « en fonction des ressources dans les équipes ». Au pied d’un des bâtiments voisins se cache d’ailleurs le travail de Régis Fritsch, l’un des agents occupés à piquer les plants du jour.
Pour l’heure, en plein cœur de l’automne, la terre semble nue. Mais elle porte en son sein une future prairie fleurie qui fera la joie des abeilles et autres insectes au printemps.
Changer les perspectives pour embellir la ville
Installés au milieu d’un espace particulièrement minéral, les parterres du jour ont été conçus pour briser les perspectives. « On travaille avec des plantes structurantes, qui vont apporter du volume et de la hauteur », détaille Christian Méline, pédagogue. Ce sont un peu les piliers de cette construction en trois dimensions qu’est un parterre. Il s’agit notamment de yuccas, ou encore de stipa giganteas, pouvant atteindre jusqu’à 2 mètres de hauteur !
S’ajoutent à cela des plantes odorantes et des fleurs, pour le plus grand bonheur des insectes pollinisateurs comme des promeneurs/ses. Côté couleurs, les paysagistes ont ici privilégié le blanc, le jaune et l’orange. Les floraisons s’échelonneront de mai à octobre. D
ans l’ensemble, les plantes vont cependant mettre un an et demi à bien s’installer là où elles sont. Le rôle du jardinier consistera alors à les surveiller et à veiller à ce qu’elles « restent à leur place », sourit Mathieu Mercier.
« La nature a horreur du vide, poursuit le jardinier. Au début, tant que toutes les plantes ne sont pas bien installées, on fait attention aux adventices – essences indésirables parfois qualifiées (à tort) de mauvaises herbes, ndlr. »
Ces dernières prennent parfois leurs aises quand certains plants dépérissent ou peinent à combler l’espace qui leur a été assigné. « Si ça ne marche pas, on cherche d’abord à comprendre pourquoi, avant de planter », poursuit le jardinier. Travailler avec le vivant n’est pas une science exacte, mais tient plutôt de l’art.
Reste la satisfaction du « dès que l’on travaille sur un parterre ou un espace, on voit tout de suite le résultat », se réjouit Mathieu Mercier, satisfait d’œuvrer à « embellir la ville ». Lorsqu’ils sont bien conçus, les parterres peuvent ensuite vivre leur vie pendant plus d’une décennie !
Planter, planter et encore planter pour gérer les espaces
La mission des jardiniers/ères s’étend cependant au-delà des massifs de la ville. Un autre matin de semaine, au parc de la Citadelle, Christian Méline fait le point avec plusieurs chef(fe)s d’équipe de son secteur. Ce matin-là, ce sont des arbres que les jardiniers/ères se préparent à planter, dans le cadre d’un plan de gestion ayant intégré l’opération Canopée.
3 319 arbres déjà plantés : à Strasbourg, le plan Canopée continue sur sa lancée
Petite promenade dans cet espace de 13 hectares avec les maîtres(ses) des lieux. Dans les profondeurs des fortifications se cache un local technique permettant de stationner quelques véhicules. Autour, de vieux arbres étendent leurs majestueuses frondaisons. Mais c’est vers la lisière du parc que se dirige Christian Méline.
« Ici, nous sommes en train de planter des arbustes pour constituer une sorte de haie, et mieux délimiter les espaces entre la rue et le parc », détaille le responsable. Cette dernière n’est pas aussi dense qu’une série d’ifs ou de thuyas. Mais elle suffit à « jouer sur les perceptions ».
« On n’est pas là juste pour pousser la tondeuse »
Il faut marcher un peu avec des jardiniers/ères pour mieux comprendre en quoi consiste le paysagisme. Au fond du parc, près du quai des Belges très passant, les plantations d’arbres sont en cours. Pour le moment, de petits plants au tronc frêle, mesurant entre 50 cm et 2 mètres de hauteur selon les essences. Disposés ici et là sur une pelouse, de quoi densifier la végétation et suggérer une lisière. Une frontière naturelle !
Pour les mettre en terre, une mini-pelle creuse d’abord l’emplacement. Les jardiniers/ères installent ensuite la motte avant de la « plomber ». Comprendre : l’arroser pour chasser l’air qui pourrait stagner au niveau des racines. L’automne est la saison privilégiée pour cette opération : la terre, plus humide, facilite le développement des racines.
Suite de la visite le long du cours d’eau encerclant un pan de la forteresse. Un espace fermé aux visiteurs/ses et laissé à la faune. Petite réserve naturelle de biodiversité au milieu des aires de jeu et des machines de fitness. Adjoint au chef d’équipe du secteur Esplanade et Krutenau, Sébastien Eckert repère quelques déchets au pied d’un banc qu’il ramasse avant de jeter un œil aux équipements.
« On n’est pas là juste pour pousser la tondeuse, sourit l’agent. Parfois, les usagers viennent nous voir pour nous parler d’une table mal fixée, ou d’une poubelle qui manque. On fait remonter l’information. »
L’agent revendique d’être au service du public. Une autre mission qui s’apprécie autant dans les échanges avec les visiteurs/ses que dans le fait de travailler à leur proposer, tout au long de l’année, des espaces verts bien soignés !