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90% du houblon national : L’Alsace, terre idéale pour la fabrication de la bière ?

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Il y a quelques semaines, on vous emmenait à la découverte de l’histoire de la bière en Alsace. Plongeons maintenant tête la première au cœur d’une pinte et de ses ingrédients. Savez-vous à quel point notre terroir est fait pour la bière ? Lorsque l’on regarde ceux décrits dans le Reinheitsgebot (malt, eau, houblon), on se rend compte que l’Alsace en possède deux en quantités astronomiques. L’eau, d’abord, grâce à la nappe phréatique et les nombreuses rivières du Bas-Rhin, a joué un rôle essentiel dans le développement des brasseries. Et si le malt d’orge préfère nos régions agricoles voisines (Champagne, Bourgogne), la terre alsacienne est parfaite pour l’ingrédient phare de la bière : le houblon.


Villa Météor © Coraline Lafon


Le houblon comme emblème de la bière

Si l’on devait choisir un emblème à la bière, ce serait bien lui. Pourtant, c’est l’ingrédient, après la levure, le moins présent dans la recette. Imaginez un sachet de thé (environ 2 grammes) dans une bouteille d’un litre d’eau, au lieu d’une tasse, et vous obtiendrez la quantité moyenne pour une bière classique. Pourquoi alors est-il si représentatif de cette boisson ? C’est lui qui en permet sa conservation, notamment, et il procure aussi un effet sur la tenue de mousse, mais surtout sur le goût, par l’apport de l’amertume et d’arômes herbacés et floraux.

L’Alsace est une terre de houblon. À vrai dire, c’est LA terre de houblon en France. On y produit près de 90 % de la quantité nationale, bien que les cultures en dehors de la région se développent de plus en plus. Les principales brasseries s’étant développées ici, pas étonnant alors que la filière houblonnière s’y développe en même temps, jusqu’à atteindre un pic au début du 20e siècle, avec 4000 hectares de terre cultivés (sur les 7000 français d’alors). Et puis la Seconde Guerre mondiale arrive. Le Reich fixe une limite à 500 hectares pour l’Alsace afin de lisser la production nationale allemande et éviter la concurrence, surface que l’on cultive toujours aujourd’hui.

Le terroir alsacien s’avère idéal pour cette plante vivace et influence beaucoup ses propriétés brassicoles. Le climat, d’abord, permet des hivers froids pour calmer les maladies, et des pluies régulières l’été pour son développement. La nappe phréatique est assez profonde pour laisser de la place aux racines (qui plongent jusqu’à 8-9 mètres dans le sol ! c’est-à-dire autant que ce qui grimpe au dehors). Les sols limoneux du Kochersberg offrent une richesse idéale.


Un peu de culture : de la tige à la récolte

Après chaque récolte, en septembre, on taille chaque tige à 20-40 cm du sol, pour mieux redémarrer en février-mars, lorsque les premiers bourgeons réapparaissent. Des lianes en sortent après un mois, et en avril, on en sélectionne trois que l’on entortille autour d’un fil, accroché 8 à 9 mètres plus haut. Jusqu’à la récolte, les houblonniers surveillent ces lianes qui perdent parfois littéralement le fil, et ils doivent alors les réinstaller manuellement. À maturité, les « fleurs » de houblons alsaciens, les cônes, se montrent capricieuses et laissent à peine 2 à 4 jours à l’exploitant pour les récolter.

Philippe Martin du Comptoir Agricole, la coopérative qui gère les houblonniers de la région, nous rappelle à quel point c’est une culture technique et de passion pour apporter l’attention nécessaire à la juste maturité. C’est d’ailleurs avec toute l’expérience et le savoir-faire de la région que chaque lot est senti pour en connaître la qualité.

On compte aujourd’hui une douzaine de variétés purement alsaciennes qui permettent de s’adapter aux différents sols et de gérer au mieux le calendrier de récoltes. Le Strisselspalt est le principal, mais l’Aramis est aussi un gros client. Les autres (Barbe Rouge, Élixir, Mistral) se croisent de plus en plus dans nos pintes.

© Coraline Lafon


Une poudre jaune qui vaut de l’or

L’intérêt principal du houblon réside dans la poudre jaune de ses cônes femelles, la lupuline (outre la foule d’huiles essentielles que l’on y retrouve). Elle se transforme pendant la fabrication de la bière en « acides alpha ». Ce sont eux, les responsables de l’amertume de la boisson, et ce sont eux que les brasseurs recherchent activement chez les houblonniers. C’est d’ailleurs la quantité d’acides alpha qui fixe le plus souvent les prix, et qui catalogue les variétés de houblon. On les range en deux principales catégories : les amérisants (qui donnent beaucoup d’acides alpha) et les aromatiques (qui en donnent souvent peu, mais possèdent beaucoup d’huiles essentielles). Certaines variétés offrent assez de richesse en acide alpha et en huiles pour convenir à tous les usages.

Le terroir alsacien, par ses qualités déjà citées, fournit plutôt des variétés aromatiques, avec de faibles taux d’acides alpha. Là où certains houblons américains ou allemands ont des taux entre 16 et 20 %, le Strisselspalt, héros alsacien, en a environ 1,8 %. Mais ce n’est pas un problème, au contraire. Les deux sortes servent autant dans les caractéristiques d’une bière, et les houblons alsaciens proposent des arômes plaisants et de la douceur. « Ils accompagnent l’amertume avec une profondeur houblonnée, des notes florales et herbacées. Sur les IPA d’inspiration américaine, ils arrondissent les angles et les rendent agréables », nous dit même Philippe Martin.

Bref, tout ce qu’on aime.

Jeremy Martin

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