Installée à la pépinière d’entreprise de Hautepierre, Imène vient de lancer sa société de construction de maisons biosourcées. Son objectif ? Revenir à un mode de construction sain grâce à la paille et faire de l’habitat un bien plus durable. Elle lance son tout premier chantier en mai prochain à Geispolsheim. On l’a rencontrée, pour qu’elle nous en dise un peu plus sur cette alternative écologique, encore peu répandue en Alsace.
Des maisons, Imène en a vendu des centaines. Dans le milieu depuis 2012, elle a toujours proposé à ses clients des biens réalisés grâce à un mode de construction classique. En Alsace comme dans le reste de la France, la plupart des maisons sont construites en béton. Mais au fil des années, Imène a dû faire face à de nombreux problèmes après-vente, comme des fissures ou encore des problèmes d’humidité : “Quand tu vois qu’au bout de deux ans, il y a des problèmes structurels et d’étanchéité, tu te dis, je ne peux pas encore continuer à construire des maisons jetables !” La jeune femme se renseigne alors sur des modes de construction plus fiables. Et après un séjour en Belgique et s’être informée sur d’autres initiatives qui ont remporté un franc succès dans d’autres pays, elle en est persuadée : “On peut construire différemment.” Elle décide alors de se lancer et ouvre sa société Biôm Habitat en novembre dernier à Strasbourg.
Construire en faisant preuve de bon sens
“Le problème aujourd’hui, c’est que l’habitat est devenu un bien de consommation. On construit du jetable. Alors l’idée, c’est de retourner sur un mode de construction sain, avec du bon sens et en travaillant avec ce qu’on a à proximité.” explique la Strasbourgeoise. Et pour y parvenir, Imène s’est rapprochée d’un industriel basé dans le sud de la France afin qu’il fabrique les panneaux en bois au sein desquels la paille est insérée. Pour que l’ensemble soit parfaitement étanche, un enduit d’argile est ajouté à l’intérieur et un enduit à la chaux à l’extérieur. Pour la chaux et la paille, pas besoin de chercher bien loin, la première vient de Wasselonne et la seconde est présente en abondance en Alsace.
Mais attention, ce n’est pas parce qu’on construit avec de la paille, qu’on peut faire n’importe quoi. Ce mode de construction est réglementé. Il existe d’ailleurs un centre national de la construction en paille, une association créée à l’origine pour sauvegarder la maison Feuillette, le plus ancien bâtiment en paille français qui a fêté ses 100 ans en 2020. Mais également un Réseau français de la construction en paille, qui a rédigé des règles professionnelles à respecter et qui ont été validées par l’Agence qualité construction.
Pour construire une habitation plus écologique, les murs et l’isolation ne sont pas les seuls paramètres à prendre en compte. Ce qu’Imène propose, c’est un peu du sur-mesure. D’après elle, “Chaque maison est singulière par rapport à son terrain”. Et pour que la maison soit en phase avec son environnement, son orientation par rapport au soleil est également primordiale. Elle ajoute : “La ventilation et les enduits sont aussi super importants pour réguler l’humidité. Et puis il y a des systèmes comme des récupérateurs de chaleur à installer sous la douche. Chaque poste de la maison doit être étudié pour dépenser moins d’énergie.” précise-t-elle.
Une alternative plus durable et aux avantages économiques
Construire sa maison en paille présente plusieurs avantages. Et le premier est évidemment écologique. Imène le rappelle : “Le bâtiment est le secteur le plus énergivore.” Et en effet, le secteur du bâtiment représente 44 % de l’énergie consommée en France. Il dépasse donc le secteur des transports. Par ailleurs les isolants synthétiques qui sont les plus utilisés actuellement proviennent de la pétrochimie et impactent l’air que l’on respire lorsqu’on est chez soi. Et si on parle de propriétés d’isolation, la jeune entrepreneuse explique que “la paille emmagasine naturellement le froid en hiver et le chaud en été”, ce qui permet de conserver la même température bien plus longtemps dans la maison. Et ainsi, de consommer bien moins d’énergie pour chauffer ou bien climatiser sa maison.
D’un point de vue économique, si au départ l’investissement peut être un peu plus élevé au moment de la construction, les coûts d’entretien et de chauffage sont, quant à eux, bien plus réduits que ceux d’une maison classique : “Si à la base on construit correctement, on fait gagner du pouvoir d’achat aux gens. Parce qu’on est sur une maison qui n’aura presque aucune consommation en énergie. L’objectif, c’est que nos clients n’aient quasiment rien à payer en facture d’énergie. On est sur 150 ou 200 euros max à l’année.”
Et à ceux qui auraient peur que leur maison prenne feu, Imène s’emploie à démentir l’histoire des trois petits cochons : “La paille a une meilleure résistance au feu parce qu’elle est très très compressée. C’est même mieux que le béton !” Quant aux éventuels rongeurs, elle assure qu’il leur serait impossible de se balader, tant la paille est compressée. Enfin dernière caractéristique de la maison en paille, la rapidité de construction : “Une maison, en quatre mois, elle est montée et réceptionnée. Et en plus, elle est démontable. Donc si on veut l’installer sur un autre terrain, c’est possible !”
L’Alsace à la traîne ?
Alors que de nombreux projets de bâtiments en paille voient le jour sur le territoire français, l’Alsace semble rester à la traîne. À Toulouse, la construction d’une résidence en paille comprenant une centaine de logements va débuter en juin prochain et à Paris, une résidence de 14 logements sociaux a été isolée à la paille en octobre dernier. Parce que oui, construire en paille c’est aussi possible en plein centre-ville.
L’objectif d’Imène, c’est aussi que son collaborateur puisse créer en Alsace, sa propre chaîne de production et que d’autres entreprises puissent ensuite proposer ce mode de construction. “Il faut travailler avec des artisans qui ont un vrai savoir-faire sur ces matériaux comme la terre crue et la chaux, qui a tendance à se perdre aujourd’hui. On peut créer tout un réseau de construction.” Mais la jeune entrepreneuse le reconnaît, les vieilles habitudes ont la vie dure : “Il faut aussi faire preuve de pédagogie avec les maîtres d’ouvrage pour qu’ils acceptent de construire autrement.” Mais aussi avec les propriétaires, qui semblent, selon elle, souvent prêts à franchir le pas, mais qui sont encore trop peu informés sur cette alternative : “Le but c’est de faire connaître au plus grand nombre, parce que ça ne présente que des avantages.”
“On est vraiment dans une démarche de partage de savoir pour construire mieux.” Imène espère également que l’idée arrive jusqu’aux oreilles des décideurs locaux et que de telles initiatives voient le jour par le biais de la commande publique. “Quand on dit à Strasbourg qu’on veut construire moins et mieux, il faut obligatoirement repenser le mode constructif !” Et d’ajouter : “Aujourd’hui, tous les feux sont au vert. Il y a des fonds, les assureurs nous suivent, c’est réglementé, on peut y aller !” Et c’est bien ce que compte faire Imène, puisqu’elle lancera son premier chantier participatif en mai prochain. Très bientôt, Geispolsheim comptera une toute nouvelle habitation, entièrement faite de paille.
il faut être conscient que ces matériaux renouvelables d’origine agricole utilisés de plus en plus dans la construction écologique émettent aussi des poussières organiques chargées de micro-organismes (acariens, moisissures et microbes et leurs toxines fongiques et bactériennes) responsables de pathologies professionnelles pulmonaires. Ils sont aussi généralement traités avec des produits insecticides, fongicides et ignifuges présentant des risques cutanés et respiratoires lors de la manipulation et la pose : » La prévention des risques professionnels des nouveaux matériaux de construction et d’isolation » : http://www.officiel-prevention.com/formation/securite-btp/detail_dossier_CHSCT.php?rub=89&ssrub=94&dossid=524