Depuis plusieurs mois, les mobilisations d’enseignant(e)s et de parents d’élèves se multiplient dans les écoles strasbourgeoises. La cause ? Des enfants scolarisé(e)s dans ces établissements dorment dehors. Pour mieux comprendre cette situation, état des lieux avec le collectif Pas d’enfant à la rue 67.
Le collège Lezay Marnésia en novembre, l’école Saint-Jean en décembre, l’école maternelle Albert le Grand en janvier, et en février, les collèges Vauban, Kléber ainsi que l’école Léonard de Vinci. Depuis des semaines, les mobilisations s’enchaînent, révélant l’ampleur du problème des enfants à la rue.
Le collectif Pas d’enfant à la rue 67 recense « plus de 50 élèves » d’écoles strasbourgeoises qui dormiraient dehors ou risqueraient de retourner dans la rue à brève échéance. Le collectif dénonce une situation dramatique et appelle à l’action des pouvoirs publics.
« On a l’impression que la situation est hors de contrôle »
« C’est très difficile d’avoir des chiffres fiables, explique Catherine Djaroud-Roos, membre du collectif Pas d’enfant à la rue 67. Mais il y a trop de mobilisations et trop peu de solutions pour que ce soit juste un effet de loupe. »
Parmi la cinquantaine de cas répertoriés par le collectif, l’enseignante indique qu’il ne s’agit que de ceux dont ils ont connaissance. « Il y a des familles qui préfèrent ne pas parler de leur situation et des écoles qui ne nous remontent pas les informations. »
En novembre, l’équipe éducative du collège Lezay Marnésia témoignait notamment d’une situation qui se dégrade d’année en année. Lors de l’année scolaire 2023-2024, l’établissement accueillait quatre élèves sans-abri. À la rentrée de septembre dernier, ils étaient huit, poussant les enseignant(e)s à occuper l’établissement. Selon BFM Alsace, le monde associatif estime que 200 enfants seraient à la rue dans l’Eurométropole de Strasbourg. « On a l’impression que la situation est hors de contrôle », conclut Catherine Djaroud-Roos.

« Les institutions se renvoient la balle »
Fondé en 2021, le collectif vient en soutien des mobilisations dans les écoles. « On est là comme ressource, on conseille, on aide, mais on laisse les personnes sur place faire comme elles le souhaitent », détaille la militante. Elle se réjouit aussi que les actions de l’équipe éducative du collège Lezay Marnésia aient réveillé un mouvement citoyen. « Il y a un élan, quelque chose est en train de se passer. Il y a du monde qui veut faire bouger les choses et si cela fonctionne, tant mieux ! »
À Strasbourg, une centaine d’enfants dorment dehors dans le froid
Le collectif souhaite mettre les pouvoirs publics face à leurs responsabilités. « L’hébergement d’urgence relève de la préfecture, mais l’État ne remplit pas son rôle. La Collectivité européenne d’Alsace fait la sourde oreille. Au final, on va toujours voir la mairie, même si ce n’est pas à elle de mettre les gens à l’abri », explique Catherine Djaroud-Roos.
Elle pointe la bonne volonté des élu(e)s municipaux/les, même si « ils pourraient anticiper un peu plus ». Au final, l’enseignante déplore que « les institutions se renvoient la balle ».

Mobiliser les parents
« En tant qu’enseignante, c’est hyper violent, poursuit-elle. On a nos élèves en classe, on sait dans quelles conditions ils vivent et on sait aussi que, quand on les lâche à 16h30, ils vont être dehors. » Catherine Djaroud-Roos témoigne des difficultés de certain(e)s de ses collègues à faire face à ces situations. « J’en ai déjà vu une s’écrouler en larmes parce qu’elle ne savait pas quoi faire pour son élève qui allait dormir dehors le soir. On se sent impuissant. »

« On remarque que c’est lorsque les parents d’élèves se mobilisent que cela fonctionne, explique la membre du collectif Pas d’enfant à la rue 67. Quand les enseignants le font aussi, mais on a moins de marge de manœuvre. »
Contactée, une professeure des écoles qui préfère rester anonyme fait état de pressions de la hiérarchie. « Nous n’avons aucun soutien du rectorat, ils nous demandent d’agir avec les enfants sans-abri comme avec n’importe quel enfant. Quand on se mobilise, on sent que l’institution attend de nous qu’on se taise. »

Catherine Djaroud-Roos veut se montrer positive. « Le motif d’espoir, c’est qu’il y a une mobilisation un peu plus large qui est en train de monter. » L’enseignante espère qu’elle fera bouger les lignes et poussera les institutions à agir. « On parle d’enfants ! Leurs parents font des choix qu’ils ont le droit de faire, mais les institutions devraient voir qu’il y a des enfants derrière et se mettre à leur niveau. »