Jeudi 6 décembre à Strasbourg, plusieurs milliers de fonctionnaires ont répondu à l’appel de l’intersyndicale et ont battu le pavé pour protester contre de nouvelles mesures d’austérité visant la fonction publique et la dégradation de leurs conditions de travail.
« Stop à la casse des services publics ! », « Cessez de faire des enfants, on arrive plus à recruter des profs ! », «Malade mais pas coupable ». Ce jeudi 6 décembre à Strasbourg, les slogans changent d’une pancarte à l’autre, mais traduisent un même ras-le-bol : celui d’une fonction publique aussi épuisée par les coupes budgétaires qu’ulcérée par l’annonce de nouvelles mesures d’austérité.
« Nous ne sommes pas les boucs-émissaires de la dette »
Place de la Bourse, plus de 3.000 personnes se pressent pour prendre le départ de la manifestation, en ce début d’après-midi. L’appel à mobilisation est national et fait suite à l’inscription d’une mesure contestée dans le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2025.
En quête d’économies, l’ex gouvernement de Barnier souhaitait en effet instaurer trois jours de carence non payés en cas d’absence des fonctionnaires pour raison de santé, contre un seul actuellement. Au-delà de ces trois jours, la rémunération devait passer à 90% du traitement au lieu de 100%.
Finalement, le gouvernement est tombé mercredi 5 décembre après le vote d’une motion de censure. Et le texte n’est pas – encore ? – passé. Mais la colère ne faiblit pas.
« Le mot d’ordre aujourd’hui c’est « les fonctionnaires ne sont pas les boucs-émissaires de la dette ». Nous n’acceptons pas ces jours de carence, détaille Corinne Spenher, secrétaire générale de la CFDT santé-sociaux du Bas-Rhin. On reproche aux fonctionnaires d’être malades, mais on ne se « met pas en arrêt maladie », c’est un médecin qui le décide parce que l’état de santé le nécessite ! »
« Ne plus être payé pendant trois jours puis avoir une réduction de son traitement à 90 aura un impact très important sur le salaire, qui peut aller de 200 à 350 euros pour une semaine d’arrêt maladie », poursuit cette infirmière hospitalière, qui craint que les soignants viennent travailler, même en étant malades.
« Ce n’est pas bon pour les collègues et ça fait courir un risque aux patients. À l’hôpital, on soigne des personnes fragilisées par l’âge et la maladie. À 92 ans, une grippe, on sait ce que cela peut donner : on risque de leur amener la mort », regrette la représentante syndicale, déguisée en faucheuse juchée sur le camion-sono de la CFDT.
Le rejet du projet de loi de finances de la Sécurité sociale ne suffit pas à calmer ses inquiétudes. « Aucun député ne nous a défendus sur ce point-là. Demain, le nouveau gouvernement sera peut-être tenté de mettre en place ces mesures-là et ce n’est pas entendable. On n’arrive déjà pas à recruter à l’hôpital public, comment veut-on embaucher, rester attractifs, si on a finalement plus le droit d’être malades ? »
« On perd de vue le cœur de notre métier »
Parmi les manifestant(e)s, les enseignant(e)s sont particulièrement représenté(e)s.« Dans le premier degré, on est à plus de 60% de gréviste aujourd’hui », annonce Jonathan Welschinger, porte-parole du syndicat FSU-SNUipp 67. « Ils se sentent particulièrement concernés pour une raison simple ; c’est qu’ils ont des conditions de travail de plus en plus difficiles. »
Un exemple ? « On inclut de plus en plus d’élèves dans les classes, ce qui est une bonne chose. Mais on nous demande de faire toujours plus sans nous en donner les moyens. Ça devient quelque chose de difficile à vivre pour les élèves et pour les collègues. On nous demande de plus en plus de tâches, les réformes s’additionnent et l’on finit par perdre de vue le cœur de notre métier. »
Au-delà des moyens donnés aux enseignant(e)s pour mener leurs missions, le responsable syndical évoque également la question du pouvoir d’achat. « Il faut mettre des sous pour payer les fonctionnaires. Aujourd’hui, un enseignant commence sa carrière à 2000 euros, avec de nombreuses primes qui ne seront pas prises en compte dans le calcul des retraites. Ensuite, il y a un tassement des grilles : On met 20 ans pour passer de 2000 à 2300 euros. Il y a un décrochage énorme par rapport aux autres pays : en milieu de carrière, nous sommes à 20% de moins que chez tous nos voisins européens. »
Les fonctionnaires face au « mépris »
Au milieu des chasubles syndicales, quelques écharpes tricolores apparaissent çà et là. Celles de députés tels que Sandra Regol ou Thierry Sother et d’élus municipaux. « Je suis là pour manifester mon soutien à tous les agents de la fonction publique, mise à mal par un manque de moyens chronique, mais aussi mise à mal par des discours stigmatisants », explique Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg.
« Quand on présente un budget qui sabre dans les services publics pour faire des économies, c’est un manque de respect et du mépris envers les fonctionnaires. Cela donne à penser qu’ils ne seraient pas si utiles que ça, finalement. En tant qu’élue locale, je vois tous les jours à quel point ils sont indispensables. Ce sont eux qui répondent aux besoins de proximité du quotidien. »
L’élue locale s’inquiète également des effets de nouvelles coupes budgétaires sur les services publics de proximité. « Au moment où je vous parle, je n’ai aucune visibilité sur le budget 2025. On se retrouve dans une situation où on doit se préparer au pire sans savoir ce qui va arriver. »
Les élu(e)s de la majorité craignent que les mesures d’austérités annoncées par le gouvernement Barnier n’amputent le budget de la ville de 15 millions d’euros en 2025.
« Comment pourrait-on faire une telle économie sur les services publics que gère la ville au quotidien ? poursuit l’élue. Il s’agit des crèches, des centres médico-sociaux, du soutien aux associations, des cantines, et des CSC. Il n’y a rien de superflu dans tout ça : ce ne sont pas des services publics dans lesquels je peux couper », juge Jeanne Barseghian.
Pour la maire, manifester ce jeudi est également une façon « de dire au prochain gouvernement qu’il est hors de question que les choses se passent comme elles se sont passées ces derniers mois. Il faut prendre en compte les réalités du terrain et les besoins qui s’expriment. »
Des postes de plus en plus précaires
Il est 14h30 quand le cortège s’élance enfin. Une longue file s’étire sur les quais en direction de la place de la République. Parmi les manifestant(e)s, des agents de la ville sont aussi venus battre le pavé. « Quand j’ai commencé à travailler dans les médiathèques en tant que vacataire, il y a 16 ans, c’était encore très marginal, témoigne Emmanuel Faure, représentant CGT. C’était pour pallier une suractivité. Maintenant, c’est devenu quelque chose de beaucoup plus récurrent. On peut même dire que certaines médiathèques ne fonctionneraient pas sans eux », juge le responsable syndical, qui estime qu’il y a bien entre 30 et 25% de personnels en contrats courts – CDD ou vacation – dans les effectifs.
« Dans les services, on remplace environ un départ à la retraite sur trois, détaille de son côté Aminatou Diallo, secrétaire adjointe départemental du syndicat national des enseignants du premier degré Force ouvrière. Cela met en danger la qualité et la continuité du service public ».
« La situation est tellement préoccupante et grave qu’il nous était nécessaire et légitime de nous mobiliser aujourd’hui », renchérit Yannick Lefebure, secrétaire général de l’union départementale de tous les syndicats FO du Bas-Rhin.
Diviser les Français
Du côté des fonctionnaires, on dénonce également un certain dénigrement des services publics dans la bouche des responsables politiques. « Il y a une forme de formatage de la population, en France, pour dire que les services publics sont une dépense trop importante qu’il faut réduire à tout prix, poursuit Yannick Lefébure. Depuis les années 90, il y a une vraie volonté de casser les services publics, de les présenter comme une charge. Ils sont pourtant la richesse de ceux qui n’ont rien. Le jour où tout sera privé, on sera privé de tout.»
“Quand les gens vont à la Préfecture et entendent qu’il faut 6 mois pour avoir un passeport, ils grognent. Mais en même en temps, quand il s’agit de casser du sucre sur le dos des fonctionnaires, certains ne sont pas non plus les derniers, juge de son côté Aminatou Diallo. J’ai l’impression que les politiques réussissent à diviser les Français et à les monter les uns contre les autres. Mais ceux qui travaillent dans le privé ont les mêmes combats que ceux qui sont dans le public. Tous les travailleurs doivent aujourd’hui se serrer les coudes pour pouvoir lutter contre les mesures d’austérité qui vont nous tomber dessus. »
Gouvernement Barnier ou pas.
Article inutile vu qu’il n’y a plus de gouvernement. Action inutile vu que les gauchistes vont se plaindre aux gauchiasses de la Lfi dont les membres n’ont pas le niveau