Alors que le secteur de l’immobilier est en situation de crise, il devient de plus en plus compliqué de se loger, à Strasbourg mais aussi dans toute la France. Si, dans notre ville, les loyers restent encore relativement modérés, la tendance n’est pas à l’optimisme. Explications.
Diminution des ventes, moins de crédits demandés et baisse des prix des appartements au m2 : 2023 a été difficile pour l’immobilier. Avec des ménages doublement frappés, par l’inflation et la remontée des taux d’intérêt, l’accession à la propriété devient ardue, et le secteur connaît une bonne grosse grippe qui n’est pas prête de s’arrêter, comme on vous l’expliquait hier dans nos colonnes.
Immobilier en crise : à Strasbourg, le prix du m2 a baissé de 4,8% en 2023
En plus de compliquer les choses pour celles et ceux souhaitant acquérir un logement, la crise touche également les personnes cherchant simplement à se loger, par la location. À travers les derniers chiffres de l’Observatoire local des loyers du Bas-Rhin, on a essayé de comprendre les tendances des loyers à Strasbourg et dans l’Eurométropole.
Des loyers dans l’Eurométropole pas (encore) trop élevés… mais avec des disparités
Bonne nouvelle : les loyers de l’Eurométropole de Strasbourg (EMS) restent modérés par rapport à d’autres agglomérations en France. Selon l’Observatoire local des loyers du Bas-Rhin, le loyer médian est de 10,6€ /m2.
Un chiffre en-dessous de toutes les métropoles françaises, comme Lille, Bordeaux, Aix-Marseille, Montpellier ou encore Toulouse. Une situation correcte donc, qui cache néanmoins quelques disparités.
La première est assez évidente : il est plus onéreux de louer un appartement à Strasbourg qu’à Oberhausbergen, Vendenheim, Schiltigheim ou Breuschwickersheim.
Dans les quartiers les plus chers de notre ville, il faudra débourser en moyenne 772€ /mois pour une surface de 68m2. À Oberhausbergen, comme au niveau de la gare ou dans certaines parties du Neudorf, ce sera 657€ pour 66m2. Enfin, à Schiltigheim, aux portes de Strasbourg, pour 66m2, le loyer est en moyenne de 645€.
La seconde est elle plus inquiétante, car elle reflète la dynamique actuelle causée par la crise de l’immobilier. Pour le dire autrement, et avec des chiffres : une personne rentrant dans son appartement déboursera en moyenne 659€ /mois pour 59m2 ; une personne habitant depuis trois ans dans son appartement s’acquittera elle de 652€, pour 64m2.
Une tendance qui s’accentue au fil des années : les inégalités augmentent entre celles et ceux qui souhaitent louer un nouvel appartement et les personnes qui résident déjà dans le leur. Et si des dispositifs légaux existent pour limiter la hausse du niveaux des loyers, ceux-ci ne sont pas forcément suivis. Résultat ? Le marché s’accélère, les prix augmentent et louer un appartement devient de moins en moins accessible.
Il serait peut-être temps de repenser à mettre en place un système d’encadrement des loyers à l’échelle de la Ville, ou de l’Eurométropole. Parce que la situation ne va pas aller en s’arrangeant…
À Strasbourg, des loyers qui ne cessent d'augmenter
Côté strasbourgeois, les loyers sont différents selon les secteurs, mais avec un point commun : ils augmentent. Dans le centre strasbourgeois, cela va même plus loin : ils explosent. Aux Contades, à l’Orangerie, dans l’hyper-centre, ou à la Krutenau, on se trouve sur un loyer médian de 12,2€/m2 soit 682€ par mois, contre 663€ en 2021.
Lorsque l’on sait que le loyer pour les nouveaux arrivants flirte avec les 14€ /m2, la tendance à l’accessibilité dans le secteur n’est pas rose. Pour les T1, les prix montent même à 17,3€ /m2, soit 424€ /mois, contre 414€ rien que l’an dernier.
À l’Esplanade, dans le secteur Kable ou à l’ouest du secteur de la Forêt-Noire, les loyers médians augmentent, mais de façon moins abrupte : on passe de 11,4€ /m2 à 11,6€ /m2. Pour la partie sud de du quartier Gare ou du Stockfeld, il reste presque stable, montant de 10,4 à 10,5€ /m2. Dans les zones moins chères de la ville, Cronenbourg, Koenigshoffen et la Montagne Verte, les loyers s’élèvent à 10,2€ /m2, contre 10€ /m2 en 2021.
Enfin, Hautepierre, Elsau et Neuhof atteignent les 10€ /m2, mais avec un prix du marché à 11€ /m2. Une situation qui n’encourage pas l’accès au logement de nouveaux/elles arrivant(e)s dans des quartiers populaires.
Port du Rhin et Neudorf : deux exemples pour le Strasbourg du futur ?
Pour aller plus loin, deux quartiers sont intéressants à analyser, car ils incarnent chacun une tendance strasbourgeoise. Le Neudorf est sans doute l’exemple le plus parlant, avec des loyers qui varient énormément selon le secteur : ceux au nord et au sud du parc du Heyritz, tout comme ceux autour de la place du Marché, sont élevés. À contrario, la plaine des Bouchers et la Musau concentrent des loyers peu chers, et notamment dans le secteur Ampère, l’un des plus pauvres de Strasbourg. Une ville à deux vitesses.
De son côté, le Port du Rhin est en pleine mutation depuis les nombreux investissements dans le quartier avec le projet Deux-Rives. Plusieurs logements se construisent jour et nuit, et le secteur n’a jamais le même visage du jour au lendemain. Et même s’il est encore trop tôt pour dégager une tendance solide, les prix du marché de l’immobilier dans le secteur tendent vers le haut, avec certains loyers médians flirtant déjà avec les 12€ /m2.
Une gentrification en marche, dans une dynamique qui pourrait bien toucher l’ensemble des quartiers populaires de Strasbourg, avec des loyers qui pourraient ne plus finir de monter…