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Aux fourneaux : rencontre avec Rabab, une cheffe syrienne qui régale Strasbourg

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Sous une timidité apparente, Rabab cache une force de travail et une détermination impressionnantes. Arrivée en France en 2019 après avoir fui sa Syrie natale, cette cheffe vit désormais à Strasbourg, ville dans laquelle elle admire la diversité humaine et les opportunités qu’elle y trouve. On a voulu en savoir plus sur elle et sur sa cuisine. Portrait.

Actuellement, Rabab travaille au restaurant Damasquino aux côtés d’Hussam – dont on vous a déjà pas mal parlé – et avec lequel elle partage une culture commune.

Accompagnée par l’équipe de Stamtish, elle a participé à la dernière édition du Refugee Food Festival en collaboration avec les jeunes femmes cheffes du restaurant Honesty. Elle s’est attelée à un repas bistronomique qui a fait sensation et qui nous laisse des souvenirs émus.

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Rabab (à droite) en collaboration avec Honesty © Julia Wencker / Stamtish

Bonjour Rabab ! Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Rabab, je suis syrienne, mariée et j’ai 2 enfants. Je travaille actuellement au restaurant Damasquino où je suis en cuisine et au service. En Syrie je travaillais comme secouriste, ça n’a rien à voir.

Je suis arrivée en France en 2019 et depuis j’habite à Strasbourg. J’aime beaucoup cette ville. J’aime aussi la langue française mais cela reste très difficile de la parler. Je ne la maîtrise pas assez bien pour discuter avec d’autres personnes ou étudier. Je reste donc souvent à la maison. Le travaille me permet d’apprendre du vocabulaire. Je travaille aussi avec l’association Stamtish depuis quelques mois.

Comment es-tu passée de secouriste à la cuisine ?

J’aime beaucoup cuisiner, j’ai toujours aimé ça. À la maison, c’est moi qui fait le repas pour les amis, mes filles, la famille. J’ai aussi travaillé un temps dans le restaurant de mon frère en Syrie. Je regardais toujours le chef travailler, il découpait très vite, c’était parfait pour apprendre. Et puis, en Syrie … ce sont toujours les femmes qui cuisinent à la maison.

Par ailleurs, travailler ici en tant que secouriste m’était difficile. Il faut parler français, impossible pour moi surtout au début. Je suis contente d’avoir trouvé ce travail, il faut que la vie continue. Et ma mère a toujours dit : « Rabab cuisine parfaitement ».

As-tu un souvenir particulier lié à la cuisine de ton enfance ? Quel est le plat de ton enfance ?

Quand j’étais petite je regardais toujours ma mère faire des feuilles de vignes. Elle les roulait comme des cigarettes, et à côté je voyais mon père rouler ses cigarettes pour les fumer. Ils faisaient le même geste, ça me faisait rire. Moi maintenant je fume aussi …

J’adore le mujaddara. C’est un plat traditionnel à base de lentilles et de boulghour, très facile à cuisiner.

Quels sont tes ingrédients phares de ta cuisine ?

J’aime beaucoup les haricots verts et le poivron, même si il me fait toujours éternuer. En Syrie il y a plein de légumes qu’on retrouve moins ici, puisqu’il y a beaucoup plus de soleil. Par exemple j’adore le gombo, mais en France c’est très cher et il faut toujours le garder au frigo pour le conserver.

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© Julia Wencker / Stamtish

Qu’est-ce que tu ressens quand tu cuisines ?

Je ressens beaucoup de joie à l’idée de faire goûter mes plats à mes amis et ma famille. Ça me rend heureuse. J’aime nourrir les gens. En Syrie je faisais toujours le repas pour mes amis et mes voisins, je leur téléphonais pour qu’ils viennent gouter mes plats. Pendant le COVID, j’ai aidé une association à Strasbourg, je cuisinais des plats pour les donner aux gens qui en avaient besoin.

La cuisine c’est l’esprit de la vie. Tout le monde a besoin de manger. Quand quelqu’un mange, je vois qu’il est content, qu’il trouve que c’est bon, je sens qu’il est heureux. C’est ça l’esprit de la cuisine.

« La cuisine c’est un art. Dans l’assiette comme sur le tableau, il faut que ce soit beau à voir et bon à manger, les deux. En Syrie on dit toujours que les yeux mangent avant l’estomac. »
Rabab
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© Julia Wencker / Stamtish

Qu’est-ce que tu aimerais transmettre avec la cuisine ? Aurais-tu un souvenir à nous partager dans lequel la cuisine t’a permis de transmettre quelque chose d’important pour toi ?

Je voudrai transmettre notre culture et nos traditions culinaires. Par exemple, ici tout le monde mange toujours avec une fourchette et un couteau, mais en Syrie on prend du pain pour manger avec. Il y a beaucoup de différences dans les façons de cuisiner entre la Syrie, la France et les autres pays.

Pour cuisiner l’ail, par exemple, j’utilise toujours une cuillère pour l’écraser, c’est comme ça qu’on fait en Syrie. Un jour, j’ai fait ça devant un chef français, il m’a regardé et était surpris.

Est-ce que tu veux me raconter ta première découverte en France ? Quelque chose qui t’a marqué ?

Quand je suis arrivée en France, j’étais très triste. J’ai commencé par observer tout le monde, toutes les routes, les rues, je regardais partout autour de moi. L’une des premières choses qui m’aie frappée c’est l’odeur des magasins. Elle est très bizarre, ce n’est pas du tout la même que dans mon pays.

La nourriture française est très belle, c’est complètement différent. Il y a toujours des différences entre les pays mais de venir ici m’a vraiment fait découvrir ces différences à travers la cuisine. La première fois que je suis arrivée en France, j’ai été impressionnée de voir autant de gens de cultures différentes, qui viennent de pays différents. Pour moi c’était très bizarre au départ mais j’aime finalement beaucoup partager ma vie avec autant de personnes. Il y a des Syriens, des Français, des Espagnols, des Italiens : il y a toujours des gens différents, c’est ça qui est très beau.

En Syrie ce n’est pas comme ici, il y a quelques personnes qui ne sont pas syriennes mais ils viennent souvent de la même région. En revanche pour la cuisine c’est pareil, il y a beaucoup de restaurants de différentes cultures : des restaurants japonais, chinois, syrien, et tout le monde goûte à tout. J’ai toujours trouvé ça super !

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Rabab et Hussam © DNA

Pourrais-tu nous parler d’un plat ou une cuisine qui t’a déjà fait voyager ?

Oui, j’ai mangé des sushis dans un restaurant japonais à Strasbourg. C’était la première fois que j’en mangeais. Wow. C’était magnifique, parfait ! J’ai essayé de refaire ce plat à la maison.

Aussi, à Strasbourg, il y a ce plat célèbre, la tarte flambée. C’est le premier plat que j’ai mangé ici, avec l’association du Foyer Notre-Dame. Plus tard j’en ai remangé dans un restaurant. Je trouve ça très bon !

Est-ce que tu aimerais transmettre la cuisine ? À tes filles par exemple ?

J’ai deux filles, de 24 ans et l’autre de 21 ans. Elles font leurs études à Bâle. La plus grande aime vraiment cuisiner. Elle dit toujours qu’elle veut quitter son Université pour venir ouvrir un restaurant avec moi. Moi je lui dis que non, qu’elle termine ses études et après on verra ! Ma fille fait beaucoup de recettes d’autres pays… Lorsqu’elle vient à la maison elle veut toujours faire le repas ! Elle m’observe cuisiner. Elle aime la cuisine syrienne mais adore goûter les autres dans les restaurants.

Personnellement, je préfère cuisiner syrien. J’aurais besoin de formation pour préparer des repas issus d’autres pays. Il y a des vidéos sur Youtube pour apprendre les recettes d’ailleurs mais j’aime mieux me concentrer sur la nourriture syrienne. Ça ne m’empêche pas, évidemment, d’apprendre le reste mais je le ferai plus tard, pas maintenant. J’attends de maîtriser le français pour ouvrir mon restaurant syrien, c’est ça mon plan.

Dans ma ville en Syrie, Salamiyah, il y a un plat qu’on ne trouve pas ailleurs. J’ai toujours imaginé que j’ouvrirai un restaurant, dans lequel je ne servirai que ce plat, le Maejuqa. Ça attirerait du monde et après le restaurant à Strasbourg, j’en ouvrirai à Paris puis en Amérique ! J’ai toujours rêvé que tout le monde ouvre des restaurants de maejuqa, comme pour les pizzas ! Ça se cuisine aussi avec de la farine, des poivrons rouges et verts, et de la viande d’agneau. C’est un peu la tarte flambée de Salamiyah ! Peut-être que dans les restaurants français il y aura un jour la tarte flambée et aussi le maejuqa. Le mélange des cultures, c’est très bien ça !

J’ai toujours imaginé que mon restaurant serait top. Je ne sais pas pourquoi mais il devra être top ! Le décor syrien, le repas top, j’y ai toujours réfléchi. Mais travailler dans un restaurant c’est très difficile, ce n’est pas comme les autres métiers, il faut travailler tous les jours. On ne peux pas fermer le restaurant quand on veut, c’est un travail fatiguant … mais ça me plait. Avec ma fille ça pourrait être plus facile, son copain aussi est super bon en cuisine, ce serait drôle !

Avec qui préfères-tu cuisiner ? Comment es-tu en cuisine ?

J’aime beaucoup cuisiner seule. J’ai toujours cuisiné vite, vite, vite ; avec une autre personne c’est plus compliqué. C’est super d’être aidée, mais seule c’est plus facile. Je suis une personne très stressée.

J’ai des millions de pensées en même temps. Ici, en Syrie, ma famille, mon mari. Quand je cuisine je réfléchis à tout ça. Mais avant, il y a quelques années, j’écoutais toujours de la musique, je dansais et je chantais. J’écoute encore de la musique quand je cuisine, mais à la différence d’avant où j’étais très calme, aujourd’hui je dois tout faire très vite. Je suis toujours comme ça, vite vite vite !

J’aime quand tout est propre et rangé. À la maison, je nettoie toujours, mon mari de dit stop, mais je continue, tout doit être propre ! Tout ! L’appartement et la cuisine encore plus.

Peux-tu nous raconter ton expérience à Damasquino ?

Ça se passe très bien ! Les gens sont toujours gentils et le chef Hussam est aussi très sympa. On travaille à égalité, il ne se comporte pas comme un chef. Je me sens chez moi, comme si c’était mon propre restaurant. Ça m’apprend beaucoup.

Interview et première écriture : Anna Diaz

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© Julia Wencker / Stamtish

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Commentaires (1)

  1. Merci pour ce bel article.
    Je connaissais déjà Rabab mais grâce à vous, je la connais beaucoup mieux.
    Je ne sais pas comment vous avez fait pour qu’elle vous parle autant. Bravo !

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