Il est de retour, sous la pluie maussade de ce lundi 16 mai. C’est bien évidemment le conseil municipal, ZE temps fort de la politique locale strasbourgeoise. Alors que les bachelières et bacheliers strasbourgeois(e)s passent leurs épreuves du bac, nos élu(e)s font leurs devoirs. Qui aura révisé ? Qui la jouera au talent le jour de l’épreuve ? Quelles seront les plus belles perles de la séance ? Petit résumé d’un conseil municipal long de presque huit heures.
Après quasiment deux mois d’absence, on aurait pu s’attendre à un ordre du jour long comme un jour sans match du Racing Club de Strasbourg. Mais comme elle n’est jamais la dernière à nous surprendre, la municipalité a concocté un ordre du jour très court, avec seulement 38 points, la plupart concernant les affaires courantes.
L’opposition en a profité, en y allant franco sur les prises de parole. Avec 10 interpellations, qui ont représenté le plus grand intérêt des presque huit heures de débat. À ce total se rajoutent trois résolutions et quatre questions d’actualité, plus deux motions déposées par la majorité. Un programme éclectique et parfois électrique.
Ce qui va changer pour les Strasbourgeoises et les Strasbourgeois
La création d’un nouvel établissement d’accueil de jeunes enfants au Neuhof
Premier point à l’ordre du jour, la municipalité dévoile une délibération concernant la création d’un nouvel établissement d’accueil du jeune enfant au Neuhof, l’un des quartiers prioritaires des politiques de la Ville. Selon Soraya Ouldji, adjointe chargée de la petite enfance : « Cela s’inscrit dans les orientations de la Ville en matière de politique petite enfance. Cela permet la création de places d’accueil dans des quartiers faiblement dotés ». Dans ce projet de renouvellement urbain dans le secteur Lyautey, la municipalité prévoit la démolition de la Halte Jeu, un espace de 16 places sans possibilité de restauration.
Avec un début des travaux prévu au 1er trimestre 2023 et qui devraient se terminer en fin d’année 2024, la Ville, en partenariat avec Habitation Moderne, souhaite créer un nouvel établissement de 450m2, doté d’un espace extérieur, de 30 places et d’un espace de restauration sur place. Les débats ne sont pas nombreux sur ce point, mais Catherine Trautmann qui apporte néanmoins quelques points de vigilance et alerte sur le fait de ne pas délaisser les aides maternelles. La délibération est finalement adoptée, avec 64 voix pour.
Installation d’une caméra de vidéo-protection place Braun
Selon le conseiller d’opposition Pierre Jakubowicz, la place Braun, située quartier Gare, serait concernée par « une recrudescence des règlements de comptes, trafics illégaux et dépôts sauvages », surtout au niveau de la Maison de l’Image. Ainsi, pour « assurer la tranquillité publique et la sécurité physique des personnes et des biens », l’élu propose une résolution pour que la Ville de Strasbourg installe un système de vidéosurveillance. Amendée par Jeanne Barseghian avant le début du conseil municipal, la résolution du conseiller municipal d’opposition est approuvée, à 49 voix pour et 9 abstentions, du groupe Faire Ensemble et du groupe communiste.
Ce qui va changer pour Strasbourg
L’extension du stade de la Meinau votée… mais sans parking en silo
Se garer au stade de la Meinau relève sûrement d’un des douze travaux d’Hercule. Et avec la rénovation et l’extension du stade dans les prochaines années, dont on vous parlait il y a un an et demi, pourquoi ne pas construire un parking ? C’est en tout cas l’avis consultatif de la Mission régionale de l’autorité environnementale (MRAE), qui préconisait la construction d’un parking en silo avenue de Colmar, en face du stade. La municipalité n’en veut pourtant pas, car le parking créerait des embouteillages aux abords du stade les jours de match et ne serait pas occupé le reste de l’année. Une posture déplorée par l’opposition, avec Pernelle Richardot déposant un amendement, pour garder cette option-là. Pour Alain Fontanel, « le choix se fait un peu dans le flou et à l’aveugle ».
Ainsi, si l’extension du stade de la Meinau est votée avec 57 voix pour et 6 abstentions, l’amendement déposé par Pernelle Richardot est rejeté avec 14 voix pour, 42 contre et 8 abstentions. Le projet d’extension du stade débute donc une nouvelle phase. Mais sans parking en silo.
Plus de transparence de la Ville quant à l’usage des cabinets de conseil
Deuxième résolution approuvée ce lundi 16 mai, celle déposée par Catherine Trautmann pour plus de transparence de la Ville quant à l’usage des cabinets de conseil. Une proposition qui découle des récentes affaires sur les liens plus ou moins étroits liant le cabinet de conseil McKinsey et les financements de l’État. Ainsi, Catherine Trautmann soumet au vote sa résolution pour que la municipalité publie chaque année combien elle paye les cabinets de conseil auxquels elle fait appel. Une proposition d’ailleurs faite par les élu(e)s écologistes à la Collectivité européenne d’Alsace (CeA), et rejetée par son président Frédéric Bierry.
Les débats se révèlent relativement cordiaux, avec Catherine Trautmann demandant un tableau récapitulatif avec le nom du cabinet, sa mission et le montant alloué. Elle demande également à la maire de faire le même effort de transparence à l’Eurométropole. Syamak Agha Babaei répond que des communications sont faites lors d’attribution de marchés au cours des commissions où siègent plusieurs élus et que, par conséquent, l’information en tant que telle est déjà disponible. Une pointe de discorde apparaît néanmoins lorsque Rebecca Breitmann lie ce sujet aux déclarations de patrimoine des élus, dont le déontologue de la Ville remet en cause le manque de transparence. Une initiative qui n’est pas au goût de Jeanne Barseghian, qui dénonce le caractère hors-sujet de l’intervention, tout en rappelant que le rapport annuel du déontologue sera révélé au conseil municipal de juin.
Finalement, la résolution est adoptée à 57 voix pour, et engage désormais la Ville à entreprendre des actions pour plus de transparence dans le domaine.
Les sujets chauds
Le grand intérêt de ce conseil municipal plutôt pauvre en points majeurs se trouve plutôt du côté des interpellations, au nombre de dix, plus quatre questions d’actualité. Une réalité que Jeanne Barseghian a prise avec le sourire, se demandant : « Est-ce qu’il y aurait des élections dans l’air ? ». Parmi ces interpellations, voici celles qui ont remis sur la table des sujets importants pour les Strasbourgeoises et les Strasbourgeois :
- En premier lieu, le sujet de la fermeture du bureau de la Poste de la place de la Cathédrale le 30 juin, évoqué par Jean-Philippe Vetter qui déplore une perte de service public de proximité. Néanmoins, comme lui a répondu Benjamin Soulet, grâce à des négociations de la Ville, le bureau de la Poste restera finalement ouvert au-delà du 30 juin.
- Jean-Philippe Vetter évoque ensuite la cohabitation entre piétons et cyclistes, avec la problématique des livreurs de nourriture. Il propose que les polices municipale et nationale portent une attention toute particulière au respect du code de la route, mais également de rentrer en contact avec les plateformes de livraison pour que celles-ci puissent prendre des actions concrètes. À cela, Sophie Dupressoir rappelle le Plan piéton et met en avant le fait que Jean-Philippe Vetter ne l’a pas voté en mai dernier. Elle annonce également que la Ville prépare une campagne de communication sur la cohabitation piétons-cyclistes en septembre prochain et qu’elle soutient une idée de coopérative des livreurs à Strasbourg, ainsi que la requalification des contrats de travail des livreurs sur les plateformes.
- La plus grosse interpellation est sans doute celle de Nicolas Matt portant sur les résultats du baromètre social des agents de l’Eurométropole, une enquête menée par l’Eurométropole auprès de ses agents. En mars dernier, la CFDT de l’Eurométropole avait partagé une lettre ouverte à l’ensemble des élus de la collectivité lors du dernier conseil municipal, alertant sur « une illisibilité pour les managers dans l’accompagnement des équipes, et une feuille de route non priorisée ». Et les résultats, comme cités par Nicolas Matt, semblent donner raison à cette lettre ouverte. En effet, 36 % des répondants considèrent que leurs « conditions de travail ne leur permettent pas d’être efficaces ». De plus, seulement 20 % des managers de proximité considèrent que « les modes de collaboration avec les élus sont satisfaisants ». En globalité, 45 % de l’ensemble des répondants disent ne pas « connaître clairement les objectifs et priorités de leur direction ». Mais du côté de la municipalité, le ton est différent. Pour Syamak Agha Babaei, en utilisant cet outil pour la première fois, la municipalité fait preuve de « courage politique ». Il rappelle qu’on ne sait pas quels résultats les précédentes municipalités auraient obtenu, mais aussi que certains retours sont positifs. Il cite notamment que 84 % des agents estiment que l’ambiance dans leur service est bonne.
- Enfin, dernier sujet saillant remis sur le tapis par l’opposition : la problématique du stationnement. Après des annonces en fanfare en septembre dernier et les polémiques sur la hausse du stationnement résident, la municipalité a pris le virage du silence radio. Nicolas Matt remet donc le sujet sur le capot, dénonçant un « flou artistique », qui « embrouille tout le monde ». Pierre Ozenne répond : « C’est vous qui instiguez le flou dans l’esprit des habitants ». Néanmoins, toujours aussi peu d’annonces sur la nouvelle politique de stationnement de la majorité.
Le moment à retenir : la cour de récréation des débats
Si l’ordre du jour du conseil manquait clairement de sel, cela ne fut pas le cas de certains débats. Les discussions, restées relativement cordiales jusqu’alors, se sont en effet peu à peu pimentées avec les motions concernant le soutien à l’hôpital public et l’instauration d’une dotation Climat et un bouclier social pour les collectivités territoriales. Majorité et opposition se sont alors tour à tour accusées de politiser les débats. Cette atmosphère électrique a culminé lors d’une suspension de séance, juste avant le début des interpellations.
L’opposition s’en est ensuite donné à cœur joie, en critiquant le manque de conseils municipaux – sept sous les écologistes contre dix sous Roland Ries, ndlr. Certains élus de l’opposition ont ainsi voulu mettre le paquet sur les interpellations, facilement publiables sur les réseaux sociaux pour faire passer des messages à son électorat. Du côté de la majorité, on ne souhaite pas s’appesantir trop longtemps sur les interpellations. Pour Jeanne Barseghian, passer une dizaine d’heures sur des points de débats ne sert pas forcément la démocratie. Finalement, on se dispute, on se coupe la parole, ça se chamaille comme aux plus belles heures des cours d’école. Les élèves de CM2 présents en début de séance dans le but de rencontrer des élus auraient sans aucun doute fait mieux. On notera même un « Putain c’est chiant », de la part de Pernelle Richardot. La grande classe.
Il est 20h15 lorsque les débats se terminent du côté du conseil municipal strasbourgeois. Un ordre du jour très pauvre, qui a permis à l’opposition de mettre la municipalité face à certaines de ses contradictions, mais également de lui permettre de développer ses politiques dans certaines interventions très constructives. On n’a malheureusement pas échappé à des chamailleries de cours d’école, qui, si on les montrait aux Strasbourgeoises et Strasbourgeois, ne réconcilieraient pas ces derniers avec la politique. Il y a largement moyen de faire mieux.