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The Strasbourg Horror Show

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Le premier week-end de la 13e édition du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg vient de se terminer. Autant être honnête, je partais avec beaucoup d’a priori en me rendant à ce festival, n’ayant qu’une faible culture cinématographique du genre, qui pour moi se résume à des classiques (Scream, Rec, etc.) dont les scénarios étaient tellement prévisibles que j’en arrivais à quitter la salle au milieu de la séance.

Vous voyez de quoi je parle ? Des personnages sortis d’une agence de mannequins qui se prénomment Bradley, Samantha, Kevin, Bryan et Brownie. Un tueur en série et une forêt au milieu de nulle part ? Voilà un bon début pour un scénario de film d’horreur !

Bradley : le beau gosse du lycée. Quaterback de l’équipe de football américain et fervent supporter des Vikings du Minnesota. 1,90 m pour 90 kg. Les yeux verts. Une coupe de Playmobil impeccable qui ne bouge pas même en cas d’ouragan. Ne se balade jamais sans le blouson aux couleurs de son équipe. Un peu simplet d’après ses professeurs (un QI entre un raton laveur et une balle de baseball) mais avec un cœur énorme (aussi énorme que son entre-jambe d’après sa réputation). Bradley est amoureux de Samantha (ça fait déjà 13 jours qu’ils sont ensemble, le temps passe si vite dans le Minnesota) avec qui il passera la soirée du bal de fin d’études, en espérant être élus roi et reine 2020. Pendant son temps libre, Bradley ramasse des coccinelles en forêt, collectionne les briques de lait et écoute de la country en sirotant des milk-shakes à la framboise (ses préférés). Son père est décédé dans un accident de la route tragique alors qu’il n’avait que 6 ans. Il vit désormais avec sa mère alcoolique qui ne le comprend plus, c’est pourquoi il dit toujours « personne ne me comprend ».

Pour se réconforter, Bradley est suivi en permanence par son labrador Brownie. Adopté il y a un an sous peine d’être euthanasié, ces deux-là sont inséparables.

Samantha : la copine de Bradley. Blonde à la poitrine énorme pour résumer le personnage. Présidente des pom-pom girls du lycée, « la nana la plus sexy de l’état » selon ses propos. Elle rêve d’amour avec un grand H, d’avoir une famille d’au moins six enfants, mais de ne surtout pas prendre un seul gramme durant sa grossesse, faute de quoi son existence serait insupportable. Adepte du Babyliss et du micro-short, elle aime passer du temps dans sa chambre à se mettre du vernis sur les ongles des pieds en écoutant Britney Spears. Son père, Mike, qui est aussi le shérif du comté, n’a d’yeux que pour elle, jurant d’ailleurs que personne n’est digne de fréquenter sa fille chérie (ce qui n’arrange pas Bradley qui aimerait bien conclure lors du bal de la semaine prochaine). Sa mère est une Desperate Housewives au brushing parfait, experte en tarte aux pommes et en cookie au chocolat.

Bien entendu, comme dans tout scénario de film d’horreur digne de ce nom, Samantha est anorexique, niaise et vierge.

Kevin : le rondouillet de la bande. Toujours un triple cheeseburger avec supplément moutarde dans la bouche. Au bord de la crise cardiaque lorsqu’il doit marcher de chez lui au lycée (environ 354 mètres). Sans cesse chahuter par Bradley qui lui balance des chips au visage pour se moquer de ses rondeurs. Amateur de comics, Kevin vit dans un monde imaginaire où règnent des super-héros aux corps parfaits, ainsi que Sandy, sa voisine d’en face, qu’il mate en cachette depuis sa chambre en avalant des tartines au beurre de cacahuètes. Kevin est puceau et frustré. Son père se fait du souci à ce sujet. Il a peur que son fils soit attiré par d’autres hommes, “des hommes poilus et moustachus qui mettent des casquettes en cuir et qui dansent en écoutant Queen. Une honte pour cette famille hétérosexuelle depuis 17 générations.”

Bryan : un être mi-homme mi-corbeau. Le noir est sa couleur de prédilection. Ses fringues sont noires. Ses paupières sont noires. Ses lèvres sont noires. Ses ongles sont noirs (dessus et dessous). Il ne dit jamais un mot. Il suit le reste du groupe en retrait, son casque sur les oreilles, écoutant Cure et Joy Division. Sa devise favorite (qu’il ne prononce qu’une fois par an) « la vie, c’est de la merde ». Sur son t-shirt trône le cadavre d’un démon qui verse des larmes de sang (un très bon cadeau pour la fête des pères). Bradley passe des heures à se balader au cimetière, à boire des bières, couché sur une stèle en attendant qu’un esprit maléfique vienne lui apporter un message des forces de l’au-delà. Le seul message réceptionné à ce jour est celui du gardien du cimetière : “la prochaine fois que tu poses ton cul dégueulasse sur une tombe, je te mets un coup de pelle dans la tronche”.

Brownie : un labrador avec un caractère de labrador qui n’obéit qu’à deux mots “croquette” et “baballe”. Pour le reste, il ne faut pas trop lui en demander. Même un aveugle n’en voudrait pas. Il urine partout, perd ses poils, a mauvaise haleine et aboie au moindre bruit.

Je vous épargne tout ce qui se passe pendant l’année scolaire : le bal, les cuites, la triche aux examens, les parties de jambes en l’air aux toilettes, la weed qui tournent de mains en mains et les fêtes gigantesques au bord d’une piscine. Personnellement à Strasbourg, au lycée, je n’ai jamais vu de fêtes où tout le monde finissait à poil. C’était plutôt un ramassis d’alcooliques cloîtrés dans un coin de la pièce à gémir des sons improbables à la Beavis and Butt-Head, comme si nous étions condamnés à parler avec un chat dans la gorge pour l’éternité « uh uh uh, fais tourner, uh  uh uh ».

Le jour J arrive enfin, avec la location d’une magnifique maison en forêt pour fêter le passage à l’université. Par le plus grand des hasards, il n’y a pas un habitant à 20 kilomètres à la ronde et une famille de touristes y fût décimée il y a dix ans, jour pour jour. Coïncidence ?

Intéressons-nous au moment entre l’arrivée à la maison et le massacre de toute la troupe. SPOILER. Ne faites pas comme si vous découvriez la fin du film avec stupeur ! C’est un film d’horreur. On regroupe une bande de jeunes dans un chalet paumé en haut d’une colline. On secoue. On imagine un scénario pour les tuer un par un (esprits, possession, castors tueurs, vengeance personnelle, aliens, insectes, peu importe) et l’un après l’autre les figurants explosent dans un jet de sang gore. 

Alors que le chien disparaît dans la forêt, Bryan court à sa recherche. Son casque sur les oreilles, Napalm Death à plein régime. Brownie hurlera à la mort quelques minutes plus tard. Des boyaux accrochés aux arbres. Une vraie boucherie à en faire pâlir les membres de L214.

Pendant ce temps, Bradley sort les affaires de Samantha du 4X4 (17 strings, 7 litres de rouges à lèvres, 27 paires de talons, et un hors-série de Biba « Cet automne, on ose le violet ») pour les déposer dans leur chambre. Il se jette sur elle avec passion, l’embrassant comme si c’était la première fois. La porte claque. « Oh oui Bradley, j’aime ta sensibilité. Et tes abdos aussi, et tes dents blanches. Oh, dis donc tu es membré comme un poney. Je t’aime, faisons un bébé (ou 6), là maintenant. »

 Kevin reste cloîtré sur sa chaise en se bouchant les oreilles. Il aimerait tellement être à la place de Bradley au lieu de se consoler avec un paquet de chips au fromage, se balançant comme un autiste. Kevin à la capacité, comme Dustin Hoffman dans Rain Man, de dire avec précision combien de chips se trouvent au sol lorsqu’un paquet tombe à terre. Il entend gémir Samantha de plus belle. Le sang lui monte à la tête. Son regard est lubrique et sadique. Il saisit le couteau posé sur la table et… se coupe une part de tarte aux pommes. Pas du tout, il ouvre la porte en brandissant la lame. Samantha fait la cowgirl sur Bradley. Bien entendu, vision teen porn de seins siliconés énormes, stratégie marketing du réalisateur pour attirer les 14-16 ans et les plus de 60 ans. C’est le carnage. Il lui tranche la jugulaire d’un coup sec. Un geyser de sang arrose la pièce. Rire diabolique « oh! oh! oh! oh!oh! oh ! Comme ça petite pute, t’auras plus besoin de faire ton brushing tous les matins ».

Bradley se débat et tente de prendre la fuite, mais heurte un tabouret en bois (étrange ce tabouret en plein du milieu du passage, alors qu’il n’y était pas il y a cinq minutes) et s’éclate le crâne sur le rebord du lit. « arggggggggggh. Papa, j’arrive. Arghhhh, personne ne m’a jamais compris »

Un cri de loup retentit dans la forêt. C’est Brownie, qui, transformé en pâtée pour chat, rend son dernier soupir. Terminé le toutou à son papa.

Un gémissement se fait de plus en plus fort. C’est Kevin prenant Samantha pour une poupée gonflable modèle défiguré, une prothèse mammaire dans la main. La maison prend soudainement feu. Pleine lune. Nuages. Musique qui s’emballe.

 « Pose ce putain de couteau sac à merde ». Kevin se retourne. Le père de Samantha, un fusil à pompe dans la main, le braque fermement (personne ne sait comment il est arrivé là). Kevin commence à parler en latin « Abi pedicatum, In cruce figaris » (“Va te faire foutre, va te faire crucifier”. J’ai fait latin en sixième au Collège Fustel de Coulanges).

 Sa tête se disloque, il crache un liquide verdâtre. Un mélange de Sprite et de pizzas au pepperoni. Il se jette sur Mike, qui appuie sur la gâchette. Un coup retentit. Deux corps tombent. Celui de Kevin, une balle logée en pleine tête et celui de Mike, allongé au sol, un crochet dans le dos. Derrière lui, Bryan, le visage recouvert de sang (et de poils de chien aussi).

« La vie, c’est de la merde depuis que mon père est en taule à cause de toi, enfant de salaud. »

Une ombre disparaît dans la forêt avant que la maison ne s’écroule.

Quelques mois plus tard dans un hôpital psychiatrique du Minnesota. Un gros plan sur le regard lubrique d’un patient. La caméra recule lentement. Le visage de Bryan se découvre. Il émet un sourire machiavélique qui annonce déjà une suite.

Black Sabbath. Générique de fin. THE END.

Voilà pourquoi j’évite les films d’horreur comme la peste. Pourtant, il faut bien l’admettre, durant ce festival dans les différents cinémas strasbourgeois, j’ai pu voir des films qui font preuve d’une certaine inventivité, même dans le cadre d’une production avec des moyens limités. La programmation éclectique du Festival de Strasbourg, mêlant cinéma indépendant, cinéma de studios, cinéma d’auteur et cinéma de niche, m’a permis de découvrir un monde faisant la part belle aux thrillers, films et comédies noirs. Du Star au Saint- Exupéry, de l’UGC au Vox, j’en ai pris plein les mirettes en passant de Beauty Water (un film d’animation où une jeune femme obèse et mal dans sa peau découvre un produit de beauté révolutionnaire, qui lui permet de remodeler entièrement son corps et de modifier son apparence) à Yummy (une comédie d’horreur énergique, avec des séquences aussi gore que drôles) ou encore devant une version folle de Shaun le Mouton, The Old Man Movie : un conte d’animation estonien en stop-motion qui flirte en permanence avec le mauvais goût et la transgression.

Il est donc temps pour moi de faire mon mea-culpa et de me mettre à genoux pour demander pardon à John Carpenter, George Romero, Rob Zombie, James Wan et Tobe Hooper, pour ces années de mépris envers un cinéma qui mérite mieux que des clichés. Promis, ce soir je mate Massacre à la tronçonneuse ou The Rocky Horror Show en VOST.

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