Mégalumen. Dans le jargon scientifique : une unité de mesure du flux lumineux. Dans la petite actu culturelle de notre ville tout juste déconfinée : un projet « son et lumière » participatif pour réinvestir nos quartiers et appréhender l’éclairage public de manière créative et poétique. Une initiative lancée par un duo d’artistes strasbourgeois et soutenus par le TJP – Centre dramatique national. À expérimenter seul, entre amis ou en famille, jusqu’au 25 juin.
Né d’une fin de résidence artistique à Hautepierre, ce projet collaboratif devait se tenir ce printemps dans les rues de la Krutenau à l’occasion du Week-end Faire du théâtre autrement, invitant étudiants, bricoleurs, musiciens et volontaires à participer à ce chantier de création.
Pandémie oblige, Strasbourg s’est vue se confiner, ses théâtres, fermer et leurs saisons, s’annuler. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Le projet Mégalumen ne s’est pourtant pas éteint : les deux artistes strasbourgeois derrière cette initiative y ont veillé, et l’ont adapté aux mesures sanitaires encore en place.
Composé de David Séchaud (scénographe/comédien/metteur en scène, diplômé de la HEAR – Haute école des arts du Rhin) et de Maëlle Payonne (créatrice son et lumière, régisseuse générale, constructrice, sortie de l’Ecole du TNS – Théâtre national de Strasbourg), le duo déclare ainsi :
« L’épidémie du Covid-19 ne permet pas de réaliser le projet tel que prévu… Mais nous pouvons encore exercer notre regard, bidouiller l’éclairage, le rêver… ».
Les lumières de la ville
On parle régulièrement d’éclairage public, par ici. Que ce soit il y a quelques jours à peine sur Illkirch qui va réduire le sien tout l’été, sur les vitrines allumées en plein confinement, Coco Kimenau qui cherche les lucioles à l’ombre des lampadaires, ou encore RAP (Résistance à l’Agression Publicitaire) qui éteint les vitrines et « rallume les étoiles »… La pollution lumineuse est un vrai sujet environnemental dont on commence doucement à prendre conscience et qui doit être au centre des réflexions en matière d’urbanisme et d’écologie, ces prochaines années, et à Strasbourg également.
Mais aujourd’hui, à défaut de pouvoir faire le noir sur la ville et révéler les étoiles, le duo issu de la Cie Placement Libre nous donne une bonne raison de ne pas complètement détester les lampadaires : en jouant de leurs lumières. Celles qu’ils projettent au sol, sur les façades de nos immeubles ou à travers nos volets à demi-clos.
« Mégalumen c’est regarder la lumière urbaine autrement ; rêver les lumières de la nuit ; transformer fenêtres, lampadaires, phares de voiture en autant de pinceaux à l’œuvre pour construire, déconstruire, reconstruire notre vision de la ville. », lit-on sur le projet.
Plaçant la performance au cœur de leur pratique artistique et interrogeant l’espace scénique, le duo déconfine totalement, avec Mégalumen, la création théâtrale, écrivant à ce sujet : « au départ, il y a notre envie de sortir du théâtre et de se confronter à l’architecture de la ville. Il y a aussi l’envie de créer à plusieurs, de partager avec le voisinage ».
« La ville est notre fiction »
Sous-titre de Mégalumen, il marque l’importance qu’a la ville – et ses habitants – dans le processus créatif du projet. Et c’est au travers de petits jeux, tous nocturnes, dont les thèmes changent chaque semaine que David Séchaud et Maëlle Payonne invitent les Strasbourgeois à regarder leur quartier différemment.
Des activités adaptées pour les plus jeunes – ceux qui ont peur de l’obscurité ou n’ont pas le droit de trop veiller – et d’autres, plus corsées, pour les plus grands, pour défier les copains, les voisins ou la famille.
Des défis à réaliser depuis sa chambre, ou depuis la rue, via la photo, le dessin, l’écriture, la vidéo… Le tout pour développer sa curiosité, sa créativité. Pour les plus courageux : on peut même leur envoyer nos créations.
Depuis le 22 mai, déjà plusieurs thématiques ont été proposées puis explorées. Chacune évoquant poésie et onirisme : «L’étonnante histoire du reflet », où on s’amuse à déplacer la lumière au moyen d’un miroir ; « La cueillette saisonnière », une invitation à l’exploration photo, pour admirer les ombres végétales sur les murs des immeubles de son quartier ; « Chambre magique » pour habituer son œil à voir dans le noir ; et le dernier en date, « Histoires de fenêtres : onomatopées ».
Afin de « donne[r] la parole à [n]os fenêtres » : un défi bricolage qui mêle son et lumière, par l’illustration d’une onomatopée de notre choix à coller sur nos vitres et à éclairer le soir venu.
« En plus de l’éclairage public, les lumières de la ville sont composées de milliers de fenêtres que chacun allume chez soi. Nous contribuons ainsi chaque nuit à redessiner un paysage mouvant de fenêtres tantôt allumées, tantôt éteintes. […] On a vu pendant le confinement à quel point elles sont devenues spontanément un espace d’expression. Reprenons cette proposition pour l’incorporer dans notre « son et lumière ».
Dès ce vendredi 12 juin : un nouveau thème sera donné, pour la semaine à venir, et ce, jusqu’au 25 juin, où le duo nous promet « un rendez-vous spécial à ne pas manquer ». En attendant, gardez les yeux ouverts, et observez vos alentours : vos voisins ont peut-être déjà commencé à décorer leurs propres fenêtres.
Pour en savoir +
TJP – Centre dramatique national
Cie Placement Libre
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