Parfois, après un choc, un moment marquant, un manque, une période d’angoisse ou de distance, tout ce qu’on retrouve après ce passage à vide, a un goût différent. Ce qui était ordinaire devient tout à coup extraordinaire, presque magique, et les gestes quotidiens, ignorés d’habitude, prennent soudain une importance énorme. C’est ce qu’a expérimenté Thaïs, une Strasbourgeoise à la fois photographe et vidéaste. Séparée de ses grands-parents, comme la plupart des gens, pendant le confinement, elle était persuadée de ne plus jamais les revoir. Finalement, la vie lui a offert ce cadeau et elle a décidé d’immortaliser ce moment, en photos.
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“En fait quand on est parti en confinement, j’étais assez calme, mais je pensais vraiment que j’allais potentiellement perdre plein de gens que j’aime. Et donc, je ne pensais pas forcément revoir mes grands-parents. Comme j’ai grandi à Singapour et que mes autres grands-parents sont morts, ils sont vraiment très importants pour moi, et je les adore. Pendant le confinement, je les appelais, j’essayais de voir s’ils allaient bien, mais ma grand-mère est du genre à ne jamais rien dire quand ça ne va pas. Donc je l’entendais tousser mais elle disait “non non, ne t’inquiète pas, tu sais je fais souvent des bronchites !” Et c’est aussi impossible de lui dire de changer ses habitudes (déjà qu’elle n’entend pas bien, et elle est méga têtue). Donc elle me racontait tout le temps qu’elle était allée à la pharmacie, à Picard…”
“Les revoir, je pense que c’était la chose dont j’avais le plus hâte pour le déconfinement, je suis allée les voir dès le lendemain. J’avais pris mon appareil photo sans trop savoir pourquoi. Mais les revoir c’était tellement surréaliste, comme s’ils avaient été morts mais que j’avais eu le droit de les revoir encore une fois, un peu comme ça.”
“J’étais émue, mais tout était très normal : l’apéritif, ma grand-mère qui avait milles questions à me poser sur son ordinateur. Et quand j’étais chez eux, j’ai eu envie de collectionner toutes ces petites choses qui font qui ils sont. Même si visuellement pour moi ça n’avait rien d’exotique ou d’extraordinaire, le simple fait de prendre le temps de regarder et capturer ces choses a rendu le moment magique.”