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« J’ai peur d’aller à l’hôpital » : des livreurs de colis Amazon témoignent de leur exposition au virus

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Employés par des sociétés sous-traitantes d’Amazon, ils livrent des colis toute la journée, en pleine période de pandémie. Certains ont décidé d’alerter sur les risques de contamination au Covid-19 pour eux et leurs clients. L’activité du géant américain du e-commerce a augmenté depuis le début du confinement.

À la demande des personnes interviewées, tous les prénoms ont été modifiés dans cet article.

Majid fait des livraisons pour Amazon : “Comment voulez-vous que je n’attrape pas le virus ?” Joint par téléphone, il semble particulièrement remonté :“J’ai fais 150 livraisons aujourd’hui(le 20 mars, ndlr). En plus, si jamais je suis porteur sain, je peux le transmettre aux clients aussi. Il y a des milliers de livraisons qui partent de l’antenne de Strasbourg vers toute l’Alsace. C’est super, les gens restent confinés mais Amazon continue à faire circuler l’épidémie pour continuer le business, et nous, les livreurs, on peut crever.”

En milieu d’après-midi, le 20 mars, une file d’une petite dizaine de voitures attend devant la grille de l’entrepôt Amazon de la Plaine des Bouchers, dans la banlieue sud de Strasbourg. “Ben nous on continue à travailler, c’est même plus intense !” Samy fait aussi partie des centaines de “livreurs Amazon” à Strasbourg, où une antenne de livraison s’est mise en place en 2017. Malgré la paralysie d’une bonne partie de la vie du pays à cause de la pandémie de Covid-19, la multinationale au chiffre d’affaire de 239 milliards de dollars en 2018 n’a pas suspendu son activité comme l’immense majorité des commerces non-essentiels. Bien au contraire, le nombre de commandes a explosé depuis le début du confinement, les autres commerces étant fermés. “Moi aussi, je fais des journées de fou en ce moment. Les gens commandent encore plus vu qu’ils n’ont plus le droit de sortir,” explique Max, un autre livreur.

Devant l’antenne Amazon strasbourgeoise, le 20 mars.

Les livreurs ont des contacts avec des dizaines de personnes différentes tous les jours

Il précise : “En fait, je bosse pour une boîte qui bosse pour Amazon.” L’entreprise ne réalise pas directement la livraison, mais utilise des sociétés sous-traitantes. La marchandise arrive à l’antenne où une quarantaine de personnes travaillent en logistique. Les livreurs font des allers-retours entre le dépôt et les clients. Zyad, au volant de sa camionnette, semble inquiet :

“La seule chose qui change pour nous c’est une consigne… on doit faire des livraisons sans contact. Ça veut dire qu’on doit laisser la livraison sur le pas de la porte, sonner et partir. Mais très souvent les clients sont déjà là avec la porte ouverte avant qu’on arrive devant chez eux. C’est normal, ils ne veulent pas se faire voler. C’est la réalité du terrain, mais c’est toujours pareil, il y a un monde entre ce que les patrons décident depuis leur bureau, et nous les petites mains.”

Certains n’ont aucune protection, d’autres ont des masques, l’un d’entre eux porte des gants. “C’est les miens, ma société ne m’a rien donné, de toute façon il y a une rupture de stock d’après ce que j’ai compris. C’est normal que le matériel aille en premier au personnel soignant,” commente Yvan, avant de partager spontanément son expérience de ces derniers jours :

“Au niveau du matériel de protection, ça dépend des boîtes sous-traitantes mais la mienne ne nous donne rien. En plus, on touche des poignées de porte toute la journée, alors que c’est un des actes les plus dangereux pour attraper la maladie. Moi j’ai pas envie de me retrouver à l’hôpital…”

“Ils croient être protégés avec les gants, mais ça revient au même s’ils ne les changent pas”

Alexandre Feltz, adjoint au maire de la ville de Strasbourg chargé de la santé et médecin généraliste avec qui nous nous sommes entretenus alerte sur les mesures à prendre :

“Les gens pensent qu’ils sont protégés en portant des gants… Si une personne garde la même paire toute la journée, le virus peut se poser dessus, et cela revient au même que si elle n’en avait pas. Les germes peuvent rester plusieurs heures sur des surfaces métalliques comme les poignées de porte, que les livreurs touchent toute la journée… ce n’est pas sécuritaire qu’ils continuent à travailler comme ça. Le plus efficace pour eux, s’ils doivent absolument travailler, c’est du gel hydroalcoolique, mais il n’y en a pas assez.

“Le virus circule entre nous”

À Bouc Bel Air dans les Bouches-du-Rhône, des livreurs sont allés jusqu’à bloquer un site Amazon pendant la matinée du vendredi 20 mars. Ils réclamaient la fermeture du site suite à des cas de Covid-19 chez un préparateur de commande et trois livreurs, d’après un salarié d’une entreprise sous-traitante présent sur place. Mais Amazon n’a finalement pas stoppé son activité là-bas. Les livreurs strasbourgeois présents à la Plaine des Bouchers réagissent immédiatement à cette histoire : “Mais chez nous aussi il y a des cas ! Au moins 3 salariés du dépôt, et plusieurs livreurs sont en arrêt parce qu’ils sont contaminés. Le virus circule entre nous !”

Dans un mail adressé à notre rédaction, Amazon annonce qu’il n’y a “aucun cas de Covid-19 parmi ses employés.” L’entreprise explique avoir pris des mesures à cause de l’épidémie. Pour Robin Collignoin, représentant syndicale de la CGT Amazon en France, joint par téléphone, la direction “joue sur les mots :”

“Aucun cas n’a été diagnostiqué vu que les tests sont réservés au cas les plus critiques. Par contre, on peut vous assurer qu’il y a au moins une vingtaine de personnes en arrêt maladie pour des symptômes du Covid-19 sur toute la France, dont certains à Strasbourg.”

L’entrepôt Amazon, le 20 mars.

Amazon se concentre sur les commandes prioritaires

Le 21 mars, Amazon a annoncé vouloir se concentrer sur les commandes prioritaires, comme “la nourriture, les produits d’hygiène personnel, les équipements de sécurité, les équipements sportifs, les livres et jeux pour enfants.” Toujours par mail, l’entreprise nous a expliqué avoir changé son organisation de travail à cause de la pandémie :

“Depuis le début de cette crise sanitaire, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les autorités locales pour assurer la continuité de notre service aux clients comme la sécurité et la protection de nos collaborateurs.
Nous renforçons le nettoyage de toutes les installations, en appliquant les mesures de distanciation sociale sur nos sites et en assurant une distance de sécurité entre livreurs et clients.”

Robin Collignoin voit ça d’un autre œil : “En réalité, c’est quasiment impossible de respecter les distances de sécurité, surtout avec le rythme de travail qu’on a en ce moment. Et il y a très peu de gel hydroalcoolique dans la plupart des dépôts. Leurs annonces, c’est de la manipulation !”

“Les autres commerces non essentiels sont fermés, c’est une concurrence déloyale”

Alexandre Feltz, l’adjoint au maire, donne sa vision de la situation :

C’est un scandale que cette grosse société puisse continuer de vendre alors que tous les commerces de proximité sont fermés, la concurrence est déloyale. À travers, les contacts entre clients et livreurs, et même via les colis, même si c’est peu probable, le virus peut continuer à se propager. Il faut se concentrer sur les livraisons essentielles, à la limite, mais là, l’entreprise fait courir des risques à ses salariés et ses clients. Seules les personnes qui réalisent un travail indispensable devraient encore exercer leur activité, et celles-ci doivent être extrêmement protégées. Il faut être responsable, la situation est grave.”

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