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Strasbourg : Le monologue d’une miette

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C’est vert pour toi. C’est bleu pour moi. Tout est une question d’interprétation et de point de vue. Recule d’un pas et regarde le comme si tu avais cinq ans. Tout sera différent.


Sur les pavés crasseux de la Grand’Rue, les ombres cavalent au carnaval capricieux des pingouins encravatés. Un talon glisse sur la pierre trop lisse. Elle se rattrape en catastrophe, le collant légèrement déchiré au niveau de la cuisse. Un vélo dérape sur un pigeon kamikaze, largué la veille par une colombe avide d’oseille dont il oubliera vite le blase.

Je lève les bras au ciel, implorant les nuages de verser quelques larmes de pluie, pour shooter la canicule d’une balle de pistolet à eau en pleine tête. Le soleil effronté brûle ma peau cabossée dans cette faille spatio-temporelle où volent les oiseaux de malheur paumés.

Pas le moindre coin d’ombre. Mon mètre carré. Mon chez moi. Mon trou noir coloré. Des dieux qui ne disent jamais adieu et qui m’écoutent penser.

Orphée – Dionysos – Bacchus.

La fête des voisins aura de la gueule sur ce bout de trottoir. Il y aura aussi Gainsbourg, Bowie , Basquiat et peut-être même Renoir.

Sur un pied puis sur l’autre, je danse sur une musique qui trotte dans l’abîme de mes pensées. Je suis l’homme à la tête de yack, adossé à la façade du Norma, le torse nu. Hackeur de la normalité qui fête la désinvolture sans retenue. Une miette orpheline d’étoile qui cogite à la vitesse de la lumière. Abîmé par le bitume recouvert de crottes sèches de chihuahuas, je tournoie dans la steppe bétonnée sous le regard médusé d’une poignée de strasbourgeois. Le vent hurlant souffle sur mes cheveux gras. Mes pieds nus fouettent les dalles silencieuses. Qui est le plus fou ? Moi, qui parle tout seul ou celui qui me regarde d’un mauvais œil ?

Une orchidée fragile à la tétine décolorée me fixe depuis sa poussette interstellaire. Une dent de lait en guise de salut terrien. Un Petit Lu comme message de paix. Elle tête le plastique amer comme le sein de sa mère, serrant précieusement la ficelle de son ballon Mickey entre ses ongles trop longs. Le doudou-lapin traîne au sol, manquant de peu d’être décapité par une roue-guillotine alors que le vaisseau s’engouffre chez le marchand de glaces. Le cornet se remplit de deux boules vertes. Un double Kilimandjaro pistache dans les mains fragiles d’une pâquerette. La sphère fond. Le liquide coule sur son menton. Son daron sort un mouchoir en papier, l’essuie et lui tend un biberon de thé glacé. Lassée par tant d’attention, la luciole tire sa révérence et s’endort, épuisée par plusieurs jours de roséole.

La cornemuse raisonne. Les destins défilent sur le fil invisible de cette rue aux souvenirs indélébiles. Des gens pressés. Des livreurs. Des amoureux. Des squatteurs.

J’attends que la nuit m’invite à danser un tango, pour la renverser, la prendre par les hanches comme un voyou, l’embrasser dans le cou et sculpter son ego à coups de LEGO. Un voyage sans bouger, trouvant le point G en humant l’atmosphère du quartier. L’odeur de ceux, qui chaque matin mouillent leurs chemises pour lever les grilles oxydées et faire sourire les visages fatigués avec un café serré.

L’arabica coule paisiblement à quelques mètres de là. Les grains de beauté torrifiés se collent aux joues innocentes.Des mouches de dopamine. Le calme avant la descente. Me voilà en Colombie, de la poudre dans les narines.

Enes chante la Turquie de son enfance dans le snack de l’insouciance.

Dandini dandini danalı bebek – Dodo, dododo, dodo bébé,

Mini mini elleri kınalı bebek – Bébé aux petites mains passées au henné.

Annesi babası çok sever – Son père et sa mère l’aiment,

Uyur büyür nazlı bebek – Le timide bébé dort et grandit.

Une tranche nue de feta se jette dans les bras poilus d’un yufka à la harissa. L’orgasme culinaire se termine par un gémissement, un filet de sauce blanche sur la lèvre et une mauvaise haleine. Istanbul la belle, s’invite dans la capitale européenne.

La Falafel et la Bête. Le Bon, la Brute et le Piment.

Les raviolis tibétains fument après une orgie endiablée dans une sauce épicée. Tomate – Oignon – Coriandre. Prendre de la hauteur au ras du sol. L’Himalaya parfumé de Momo, le maître de la vapeur et du thé au beurre salé. La Bretagne joue au loup avec le Dhalai Lama. À quelques mètres de l’Orient, la Belgique torture des bâtonnets de pommes de terre dans un bac d’huile d’encens. Les frites flippent et implorent la grâce du Roi Philippe, avant de disparaître dans un sable mouvant de mayonnaise. Les fricadelles observent, amusées, en fumant une chicha à la mirabelle au bord d’une falaise.

Le globe ne tourne plus rond. Le planisphère pète les plombs. Bruxelles se trouve à côté de La Réunion. La case de l’isle bourbon.

Le Piton de la Fournaise asphyxié par la fraîcheur d’un Picon ou d’une pinte de Pêcheur. Un canadair de houblon décharge sa cargaison pendant une crémaillère. Poséidon propulse son trident dans un bol d’olives fourrées au poivron. De la fumée noire s’élève des ruelles perpendiculaires. L’air se charge de particules mystiques et de sable venu du désert. Un Berbère au regard perçant boit son thé brûlant accompagné d’une jeune bergère. Les moutons comatent sous le comptoir, espérant brouter quelques feuilles de menthe en guise de pourboire.

Massalé – Carry – Rougaille. Aphrodite titube seule dans la ville, un verre de liqueur de gingembre à la main. C’est l’heure des cunis et des canailles.

La rue se vide progressivement, laissant quelques touristes allemands venir à bout d’une part de tarte au fromage blanc gigantesque. Déjà, la cloche de l’Happy hour résonne et les tartes flambées gratinées au munster font timidement leurs apparitions sur une barre de pole dance.

La foule se balance dans la houle des troquets, sortant la tête de l’eau, le temps d’un apéro.

Je reste assis sur mon tapis volant, accompagné de mon singe Balthazar qui vide une gamelle de croquettes déposée par une âme charitable. Aladdin tend la main aux voyageurs furtifs et à ceux qui se lèvent tôt. La faim justifie les moyens. Un ticket restaurant tourbillonne au-dessus d’une bouche d’aération, dévoilant un slip à l’effigie de Marilyn Monroe.

Fakir marchant sur les braises ardentes d’un estomac vide. Un autre voyage débute. Celui des Milles et une nuits, au coeur de Strasbourg. Celui des lampadaires discrets, du cri strident du bide, des cigarettes qui font sourire, des rapaces qui font pourrir les dents, des serpents qui font l’amour.

Schéhérazade arrivera bientôt, comme chaque dimanche soir. C’est le génie des maraudes qui me l’a dit, en me tendant un paquet de rasoirs.

J’ai frotté la lampe de ma manche noircie puis j’ai fait trois vœux, comme un condamné à mort qui demande un sursis: Un peu de tabac, un café chaud et une couverture de survie.

Photo de couverture : Bruit silencieux


Mr Zag

Mr Zag a une voisine, un chat, des collègues, un job, il aime Lynch, Radiohead et Winshluss. Mr Zag a un Pinocchio tatoué sur le bras, quelques gribouilles en islandais, il ouvre les yeux et décrit le monde avec une vision bien à lui.

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