21 juillet 1969, 3h56 (heure française) – Sur la Lune
Les yeux du monde entier, rivés sur les écrans de télévision, sont remplis d’étoiles : Neil Armstrong, commandant de la mission Apollo 11, sort du module lunaire “Eagle” pour poser, pour la première fois de l’histoire, un pied sur la Lune. Un petit pas pour l’Homme, un grand pas pour l’humanité. 15 minutes plus tard, Edwin Eugene Aldrin Junior, plus connu sous le surnom de Buzz Aldrin, rejoindra son coéquipier. Pendant que les 500 millions de terriens qui regardent la retransmission restent sans voix, les équipes de la NASA explosent de soulagement et de joie. Jamais l’Homme, avant et après ce jour, n’aura été plus loin dans les confins de notre galaxie.
21 juillet 2019, 9h36 – Strasbourg
Je suis dans mon salon, à la Krutenau, à Strasbourg, en France, en Europe, sur Terre, à 384 400 km de la Lune. A ma droite, un télescope et un mur rempli de posters rétrofuturistes de la NASA. A ma gauche, le hors-série “Astronaute” de National Geographic et le dernier Courrier International sobrement intitulé “Ici la Lune”. Depuis des années, la conquête spatiale cohabite avec mon quotidien (pour le plus graaaaand plaisir de mon coloc) et cette journée n’est pas anodine dans mon petit cœur de Pokaastronaute.
50 ans se sont écoulés depuis le lancement de Saturn V à Cap Canaveral, en Floride. Depuis, 12 hommes, parmi les 7,7 milliards qui habitent actuellement la Terre, ont eu le privilège de rendre visite à notre satellite. Il y a eu David Scott, pour la mission Apollo 15, James Lovell (que Tom Hanks interprétera dans le film Apollo 13) ou encore Eugene Cernan, le dernier homme à avoir posé le pied sur la Lune en 1972, avant l’arrêt complet du programme Apollo. 12 hommes, qui ont permis de faire avancer les recherches scientifiques et d’aller toujours plus loin dans la compréhension de notre incroyable univers. 12 hommes, et parmi eux Buzz Aldrin, que j’ai eu l’immense honneur de rencontrer, le 1er juillet dernier, à Strasbourg.
Buzz Aldrin, vers l’infini et au delà
Sa mère s’appelait Marion Moon. Ça ne s’invente pas. D’abord pilote et ingénieur, c’est à l’âge de 39 ans qu’il réussit l’exploit de poser, sans encombre, le module lunaire d’Apollo 11. Il devient d’ailleurs, par la même occasion, le premier homme à avoir « soulagé un besoin naturel dans [sa] poche à urine » sur la Lune. Buzz Aldrin (qui a prêté son surnom au célèbre astronaute de Toy Story, oui oui), a aujourd’hui 89 ans et c’est pour partager son extraordinaire expérience qu’il a fait le déplacement au QG de l’Eurométropole strasbourgeoise, place de l’Étoile… Coïncidence ? Je ne crois pas.
La soirée était organisée par l’International Space University, en partenariat avec la ville de Strasbourg, dans le cadre du Space Studies Program qui a lieu tout l’été à Strasbourg, et dont on vous parlait ici. Étaient présents également : Jean-François Clervoy (ingénieur et spationaute français à qui l’on doit entre autre la réparation en 1999 du télescope spatial Hubble) et Paolo Naspoli (spationaute italien qui a séjourné à deux reprises dans la Station Spatiale Internationale). Bref que du très très lourd.
Buzz Aldrin, lui, n’était pas officiellement annoncé : rappelons que le bonhomme a 89 ans et les soucis de santé qui vont avec son âge. Du coup, pour ceux qui se demandaient pourquoi nous n’avions pas annoncé sa venue : c’est tout simplement parce que, jusqu’au tout dernier moment, personne n’avait la certitude qu’il serait là.
Mais, pour la plus grande joie des passionnés de l’espace présents ce soir là, il était là. Avec sa voix grave, ses airs de cow-boy et son t-shirt “Apollo 11”. La conférence pouvait commencer.
Rencontre d’astronautes place de l’Étoile
Au même titre que notre rencontre avec l’astronaute Bob Thirsk en décembre dernier, cette conférence au sommet était aussi passionnante que difficile à retranscrire. Heureusement, vous pouvez la retrouver en intégralité ici :
Mais, sans rentrer dans le détail de ces deux heures d’échange, ce qui m’a surtout marqué ce soir là, c’est le choc des générations : d’un côté, Buzz Aldrin, doyen de la conquête spatiale, de l’autre Jean-François Clervoy et Paolo Naspoli, âgés respectivement de 61 et 62 ans. Presque 30 ans les séparent et avec ces années, les moyens utilisés et surtout, les profils recherchés. Pourquoi le métier qu’exerçait de Buzz Aldrin n’est pas celui des astronautes d’aujourd’hui ? Laissez-moi vous expliquer.
Astronautes d’hier et d’aujourd’hui : deux époques, deux métiers
En 1958, en pleine guerre froide et face à l’avance considérable que prennent les Russes dans la conquête de l’espace, la NASA publie sa première petite annonce pour trouver des candidats astronautes. Elle cherche précisément “des hommes en bonne santé de moins de 1,80m, âgés de 15 à 40 ans, diplômés de l’université, pourvus d’un bagage scientifique et ayant l’expérience de situations dangereuses” (source : National Geographic). Et le dernier point est essentiel : rappelons qu’à l’époque, nous n’en sommes qu’aux balbutiements de l’aérospatial et que les ordinateurs qui veulent envoyer des hommes dans l’espace ressemblent à ça :
On est d’accord que, du coup, pour avoir envie de se barrer dans l’espace dans ces conditions, il faut être soit un peu bourrés, soit un peu fous. A l’époque de Buzz Aldrin, les astronautes devaient donc prioritairement être des pilotes hors pair et des casses-cous bien détères, pour pouvoir affronter le vide spatial encore complètement inconnu.
Aujourd’hui, les choses ont un peu changé : depuis l’arrêt du programme Apollo, plus personne n’est allé sur la Lune, les moyens technologiques ont considérablement évolué et les missions spatiales consistent majoritairement à rejoindre l’ISS pour des séjours de 6 mois consacrés à des travaux de recherche. Comme nous l’explique Jean-François Clervoy, “la différence entre les gens qui sont allés sur la Lune et ceux qui vont aujourd’hui dans l’ISS, c’est que aujourd’hui, quand on va dans l’espace, c’est pour rejoindre une vraie usine en gravitation autour de la terre. On se lève le matin, on bosse 12h par jour sur tout ce qui doit être réparé dans la station, on doit être capable de tout faire.” Dans son excellente BD “Dans la combi de Thomas Pesquet” (allez lire cette BD, elle est aussi drôle qu’intelligente), Marion Montaigne résume très bien cette nouvelle ère d’astronaute :
Vous l’avez compris, les métiers ne sont plus les mêmes : alors que les astronautes des années 60 partaient sur des missions très courtes (Buzz et Neil ont passé au total 21 heures et 36 minutes sur la lune), extrêmement dangereuses (comme en témoigne le discours que le président Nixon aurait prononcé si la mission Apollo 11 avait échouée) et avec peu de personnes à bord, les astronautes d’aujourd’hui partent faire une colocation de 6 mois avec des tas d’autres astronautes de tous les pays du monde dans une boîte en métal de la taille d’un terrain de foot à 400 000 km au dessus de la Terre. Autant dire qu’être un casse-cou ne suffit plus : en plus d’être pilote, scientifique et d’avoir suivi une formation hardcore pendant des années pour devenir astronaute, il faut aussi être patient, communiquant, tolérant, sociable, diplomate et être capable de faire face à tous les problèmes de la station (plomberie, mécanique, électricité). Bref, des héros 2.0 qui continuent, chaque jour, à des milliers de kilomètres au dessus de nos têtes, de risquer leurs vies pour faire avancer la science et le monde de demain.
Un monde de demain qui promet d’ailleurs son lot d’aventures : la NASA promet de renvoyer des hommes sur la Lune d’ici 5 ans avec le programme Artemis et annonce une conquête martienne pour 2033. De belles perspectives qui viennent étancher la soif d’exploration et de frissons que l’Homme a toujours eu depuis la nuit des temps. Mais, en attendant de repartir vers des galaxies lointaines, très très lointaines, je vous laisse sur les sages paroles de l’astronaute sud-coréenne Yi So-yeon :
“Vous rêvez tous d’aller dans l’espace. Mais quand nous sommes sur Terre, nous sommes dans l’Espace, nous flottons dedans. Et cette Terre est la seule partie de l’Espace que nous connaissons sur laquelle nous pouvons vivre. Alors prenons en soin.”