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J’ai rencontré un Strasbourgeois qui gagne sa vie en jouant aux jeux-vidéo

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Etienne Michels, 21 ans, strasbourgeois, est pro-gamer. Depuis son bac, il est rentré dans le circuit professionnel du jeu en ligne League of Legends. Il fait partie de la première formation du Paris Saint-Germain (oui le PSG, l’équipe de foot, les qataris tout ça).

League of Legends ou LoL, c’est quoi ? C’est un des jeux les plus joués au monde et une des plus grandes scènes d’e-sport. L’année dernière 43 millions de spectateurs regardaient la finale du championnat du monde en streaming. Ce MOBA (multiplayer online battle arena) se joue le plus souvent en 5 vs 5. Le terrain est composé de deux bases opposées reliées par 3 grandes routes (top lane, mid, bot). Entre ces routes, une jungle où personne ne voit ce qui s’y passe. Chacun choisit un champion à incarner et les équipes tentent de détruire la base adverse en 20 à 40 minutes. Les stratégies se font avant et pendant la phase de sélection des champions qui peut, à elle seule, décider de l’issue d’une partie. Chaque poste à ses propres codes et un rôle tout particulier à jouer dans la partie. Le jeu est gratuit, pas « pay2win » (payant pour gagner), ne demande pas beaucoup de puissance à l’ordinateur. D’où l’attractivité et la possibilité aux développeurs de sans-cesse le renouveler et développer une des premières grandes scènes du sport électronique.

“Steve” oscille entre le top 10 et 100 du classement Europe Ouest

Etienne, au pseudo « Steve » dans le jeu, joue au poste de Top Laner. Son rôle peut être à la fois pilier défensif ou assassin dans les combats. Pendant tout le début de partie, il affronte seul un joueur de l’équipe adverse (avec souvent quelques interventions d’autres joueurs). Son but est d’accumuler les ressources et prendre le dessus sur son adversaire pour pouvoir peser plus que lui dans la balance lors des combats de milieu et fin de partie.

Steve joue depuis le début du jeu (2009/2010) quand il était encore au collège/lycée. Il se souvient de ses après-midi passées avec ses amis à jouer au cyber-café et comment le jeu a évolué. « Le jeu, et l’e-sport en général sont des mondes qui ont grandi en parallèle d’internet. Plus Internet grandissait, plus les gens ont développé des technologies, des plateformes et des communautés autour de jeux comme LoL. Désormais y’a énormément de perspectives. Et entre les smartphones et bientôt la VR… ça ne peut que s’ouvrir. »

Comme tous les pro-gamers, l’aventure commence par le classement solo. Des parties où on se bat avec acharnement pour monter le plus haut possible dans le classement Europe-Ouest. Le joueur rencontre d’autres joueurs du haut du panier, puis ils jouent et progressent ensemble. De là, des équipes se forment. « Je me suis fait remarquer par une équipe plus forte, puis une encore plus forte. Petit à petit, ça monte, j’ai pris de l’expérience, les gens ont parlé bien de moi et aujourd’hui je suis au PSG. »

Le début de sa carrière avec l’équipe SPARTA, une équipe qui streamait ses matchs et les matchs de ses joueurs en solo. Le stream, c’est tout un pan de l’économie e-sport. Beaucoup de joueurs qui n’ont pas le niveau pour la compétition, se font de l’argent en animant des directs entre divertissement et pédagogie sur le jeu.

Après SPARTA, on arrive à des équipes avec du sponsor. D’abord, LDLC puis ROCCAT, tous deux vendent du matériel informatique et de gaming. « Roccat c’était vraiment le début du circuit professionnel pour moi. Quand tu rentres là-dedans, tu gagnes rapidement beaucoup d’expérience et d’autres équipent te contactent, bien plus que si j’étais resté dans de l’amateur/semi-pro. »

Mi- 2016, Schalke 04, le premier gros club de foot, cherche à investir dans du League of Legends. Les chiffres du streaming et la popularité du jeu sont excellents et ne cessent d’augmenter. Ils décident de reprendre l’équipe ELEMENTS dans laquelle Etienne joue. L’équipe rentre aux LCS (LeagueOfLegends Championship Series). C’est le Graal. L’équivalent du la Ligue des Champions au football. Les joueurs sont payés par RIOTGAMES, le développeur du jeu, en plus de leur contrat avec les sponsors. Toutes les équipes de cette ligue sont basés à Berlin pour jouer chaque semaine devant des spectateurs en direct.

Les joueurs se retrouvent dans des Gaming House. Ces dernières prennent plusieurs formes. Soit des espaces de bureaux où l’équipe se retrouve et s’entraine, soit carrément une maison/appartement où les joueurs vivent ensemble.

C’est comment la vie en GH ?

« On se lève à 11 heures. On joue en solo jusqu’à 15h. De 15h à 18h on joue des parties d’entrainement. Soit contre des équipes de la même ligue pour se tester, soit contre des équipes de ligue différentes pour cacher les stratégies. Ces 3 heures comprennent les parties, mais aussi visionnage des replays et discussions stratégiques avec le coach. On reprend de 19 à 22h pour 3 parties contre des équipes. Ensuite temps libre, mais souvent on continue à jouer jusqu’à 3h du matin. »

Toutes les équipes fonctionnent sur les mêmes plages horaires. Ce format a été choisi pour que les joueurs soient habitués à être au top de leur forme pendant la période des matchs de tournois, joués de 17h à minuit. « Faut que ton rythme ça habitué aux horaires des parties. Que ton esprit soit habile à ce moment-là. »

La sélection des champions, la tension avant la partie

« Le coach nous aide pendant la sélection des champions. C’est à ce moment où il y a beaucoup de stress. Tu joues contre des joueurs qui sont très bons. Tu appréhendes les erreurs. Une fois que la partie est lancée, c’est 5 joueurs contre 5. Après 5 minutes t’es à fond, en plein dans le jeu et concentré. La partie devient de plus en plus explosive au fur et à mesure qu’elle se déroule. »

Le coaching staff fait le point après le match. Les erreurs qui ont été faites, les choses à améliorer, les détails stratégiques à changer ou mettre en place… « Les joueurs participent à la discussion bien entendu. En dehors de ça, lors des changements dans le jeu (toutes les deux semaines il y a des mises à jour, des nouveaux champions…) on se réunit et on discute de quelle influence ça peut-voir sur le jeu. »

Pour Etienne et le PSG, les choses n’ont pas très bien commencé. L’équipe cherchait à se qualifier pour les LCS. L’équipe a eu des difficultés de communication. Etienne a fait un début de saison compliqué et s’est retrouvé sur le banc comme remplaçant. Son contrat arrive bientôt à terme. Il est rentré chez lui et continue de s’entrainer tout en diffusant ses matchs sur la plateforme de streaming Twitch pour le PSG. Il est toujours à l’affut d’une nouvelle proposition intéressante pour nouvelle équipe, mais il réfléchit sérieusement à reprendre ses études après ces 4 ans de LoL à plein temps. « Si je mets un terme à ma carrière de joueur, je voudrais en faire un tremplin pour aller vers du coaching. Si je peux l’allier avec des études ça serait l’idéal pour moi. »

« Chaque partie est unique »

Après autant de temps, le jeu ne le lasse pas. Il le trouve même au mieux qu’il n’a jamais été, grâce aux améliorations et mise à jour régulières. Pour lui, RIOT GAMES est relativement à l’écoute de la communauté et de la scène professionnelle, ce qui explique en partie le succès du jeu. « Leur but, ils l’ont dit clairement, c’est de faire un jeu qui va durer des générations. Pour moi y’a une grande évolution sur la scène professionnelle par rapport à quand je suis rentré. Au niveau du coaching staff, les salaires, les gamings house, l’intérêt des équipes de sport traditionnel… l’ampleur que ça a pris en fait. »

Un joueur de LCS gagne entre 3000 et 10 000€ brut. Pour les meilleurs des meilleurs on a entendu parler de contrats de l’ordre du million à l’année. Si tu ne joues pas pendant un petit bout de temps, ton niveau baisse. Après, une bonne part de connaissance des stratégies et de réflexes de jeu  reviennent vite. Mais selon Etienne, il faut jouer tout les jours beaucoup pour maîtriser les personnages et être flexible à la fois partie par partie et aux changements qu’impose RIOT.

Contrairement au cliché qu’on peut avoir, la scène de l’e-sport n’est pas remplie de « nolifes » asociaux. Au contraire, elle permet de s’émanciper, voyager, rencontrer des gens déjà bien ancrés dans leur vie professionnelle, des managers aux commentateurs en passant par les techniciens et les analystes. « Pour atteindre la scène pro, il faut être social un minimum et surtout avoir la hargne de gagner» raconte Etienne. Mais la compétition est rude. Les places dans les grandes équipes rares. Et les transferts fréquents. Les équipes se font et se défont en quelques semaines.

C’est un monde qui est extrêmement compétitif. La différence avec le sport, c’est qu’à la base y’a pas ce contact humain, tu n’es qu’un profil, un pseudo dans le classement. Au début, c’est anonyme et tu te fais facilement remplacé. Dans mon cas, je savais que ça serait court-terme. La carrière d’un joueur pro peut varier de 2 à 5 ans. Sauf que je me dit maintenant qu’on peut se reconvertir en restant dans l’Esport mais avec d’autres fonctions que joueur pro.

Une vie de rêve? Surtout beaucoup de sacrifices, mais aussi le privilège de vivre un temps de sa passion. Même si ce n’est qu’un passage dans cette compétition, Etienne n’a aucun regret. Il a pu se hisser parmi les plus grands de l’E-sport et ça, c’est déjà assez extraordinaire.

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