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Mike Horn à Strasbourg : rencontre avec l’un des plus grands aventuriers de notre époque

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Jeudi dernier, l’un des plus grands aventuriers de notre temps était de passage à Strasbourg. Ambassadeur de la marque de montres Panerai, qui inaugurait sa dernière boutique en centre-ville, l’explorateur aux mille et une prouesses nous a accordé une longue interview en tête-à-tête. Plongeons ensemble dans l’univers fascinant de Mike Horn grâce à l’invitation de Melissa et Edouard Genton.

Dans le monde de l’exploration et de l’aventure, Mike Horn est un visage incontournable. Si l’on doit mettre un nom, un seul, derrière la traversée d’un glacier, d’un désert ou l’ascension d’un col à 8.000 mètres, c’est la plupart du temps au sien que l’on pense.

Un trajet de 300 kilomètres à vélo à l’âge de 8 ans, une descente du fleuve Amazone en hydrospeed, une traversée à pied de la Cordillère des Andes ou encore un tour du monde par l’Équateur sans aucun moteur, son CV est aussi long qu’il est impressionnant.  

Aujourd’hui, on a souhaité évoquer avec lui ses plus beaux souvenirs, dans et en-dehors des villes. 

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Mike horn explorateur aventurier
© Instagram de Mike Horn / Capture d'écran

• Est-ce que c’est votre première venue à Strasbourg ?

« Je suis déjà venu visiter le marché de Noël une ou deux fois, il y a près de 10 ans avec mes filles. Pour les gamins, c’est féerique, et comme Cathy et moi, mon ex-femme, passions beaucoup de temps avec nos filles au moment de Noël, on en profitait pour venir. J’en garde de très bons souvenirs. »

• Qu’est ce qui vous fait apprécier une ville, quelle qu’elle soit ?

« En fait, quand tu restes longtemps seul dans la nature, il y a un moment où les gens te manquent vraiment. Je reviens tout juste de trois mois où j’étais tout seul, pris dans la glace au Groenland, et je n’avais pas de contact avec les autres êtres humains. Alors quand tu reviens dans une ville, tu aimes le contact avec les gens. Ensuite, quand tu vois aussi la civilisation, ce système du quotidien, tu te dis : putain qu’est ce qu’on s’emmerde ! »

• On s’emmerde ?

« Mais oui, tu te rends compte qu’on donne de l’importance à des choses qui ne devraient pas mériter une seconde de notre pensée. C’est pour cette raison que j’aime revenir à la civilisation et à la ville après des expéditions, car à chaque fois, je reviens un peu plus apaisé. Je ne suis pas fait pour les grandes villes, alors la nature me permet de me ressourcer avant d’y aller. J’apprécie les autres, j’aime la bonne bouffe, les bâtiments que je vois, la cathédrale que je viens de croiser, c’est extraordinaire, j’aime ça, mais j’ai besoin de partir loin et de m’isoler pour mieux les apprécier. »

• À quel point préférez-vous être hors de la ville plutôt que dedans ?

« Sur ces cinq dernières années, j’ai passé 32 jours par an à la maison, c’est vraiment pas beaucoup… En fait, je suis un homme qui aime bien être seul, qui a même besoin d’être seul, je le fais pour me protéger. »

Mike horn explorateur aventurier
© Instagram de Mike Horn / Capture d'écran

• Pour vous protéger ?

« Quand je pars, je reviens meilleur. Dans la vie en ville, quand je vois quelqu’un faire une connerie, je peux m’énerver très vite, je manque de calme. Alors, j’utilise la nature pour faire un travail sur moi-même, sur mes aspects faibles vis-à-vis de la société. Je déteste les gens qui font trois fois les mêmes erreurs parce qu’ils ne font pas attention, je déteste les gens qui râlent tout le temps au lieu de trouver une solution. J’aime pas non plus les gens trop assistés qui attendent des autres au lieu de s’aider eux-mêmes, ça m’énerve. Alors je pars et je complique ma vie dans la nature, je me mets des challenges, je pousse mes limites pour être plus tolérant, plus patient, et devenir un meilleur être humain. »

• Vous venez de vous balader à Strasbourg, quelles sont vos impressions ?

« Il faut lever les yeux, apprécier le temps qui passe, les bâtiments que l’on a autour de nous, c’est extraordinaire. Regarde dans cette rue, (il me montre le quartier du Carré d’Or), les détails des sculptures sur le bois des bâtiments… Les gens ont pris le temps de les faire, et il faut justement prendre le temps de les observer ! Le temps, c’est quelque chose de si précieuxC’est marrant, je te dis pas ça parce que je suis sponsorisé par une marque de montres, un objet qui donne l’heure, mais parce que j’ai l’impression qu’aujourd’hui plus personne n’a le temps, plus personne ne donne du temps ! » 

Mike horn explorateur aventurier
© Instagram de Mike Horn / Capture d'écran

« De nos jours, quand tu appelles tes potes pour leur demander de boire un verre, ils te répondent : « J’ai pas le temps aujourd’hui. » Mais quand tu vois ceux qui ont construit ça autour de toi, tous ces bâtiments et ces cathédrales, tu te dis que prendre le temps donne de la valeur aux choses, mais on l’oublie. »

« Sinon, quand je me balade ici, j’ai l’impression que les gens sont moins stressés, et j’apprécie. Je reviens de Paris, et c’est pas la même ambiance. »

Mike horn explorateur aventurier
© Instagram de Mike Horn / Capture d'écran

« Marche dehors, tu apprécieras ce calme. Les gens sont en terrasse et il n’y a pas ces bruits très forts qu’il peut y avoir à Paris, j’ai l’impression que les gens ne veulent pas déranger les autres. J’ai apprécié Strasbourg pour son architecture, mais aussi vraiment pour son calme, c’est vrai. Et puis, ici, dans un périmètre très petit, je peux acheter du bon vin et du bon fromage, ou peut-être que j’ai eu de la chance et qu’on m’a emmené pile au bon endroit !? En-tout-cas, je trouve que toutes ces choses-là sont rares. Au-delà de ces choses que l’on voit, et que tout le monde voit, comme les bâtiments, les rues ou l’architecture, la vraie valeur ici c’est le ressenti, on apprécie l’instant présent. »

• Quelle est la ville où vous vous sentez le plus à l’aise ?

« Je suis né en Afrique du Sud, autour de moi, il y avait beaucoup de nature, alors pour moi, les villes ne sont pas dans la liste des choses à faire. Alors, vraiment, sans langue de bois… aucune. »

• Il n’y a jamais eu une ville où vous vous êtes dit : ici, je pourrais y rester ?

« Non… vraiment. J’apprécie Paris, mais ce n’est plus pareil aujourd’hui. C’est devenu sale, trop tagué. Ça me fait mal de voir ces gens qui dorment dehors, on le voit trop souvent maintenant. C’est vrai, j’aime l’architecture, le théâtre, la culture… À Paris, tu peux tout faire, c’est une ville carte postale, une ville de rêve, et je l’aime beaucoup, même si elle a changé. »

Mike horn explorateur aventurier
© Instagram de Mike Horn / Capture d'écran

• Comment voyez-vous finir vos jours ?

« Il faut être réaliste, j’arrive à l’âge de 60 ans, et dans une vie, on a que 30.000 jours à vivre ! On vit jusqu’à 82 ans en moyenne, c’est kedal… Et attention, la moitié du temps, tu dors, il reste donc 15.000 jours. Jusqu’à 4 ou 5 ans, tu prends pas trop de décision, tu pisses encore dans tes couches, et plus tard dans ta vie, tu retournes dans le même état, alors il reste pas grand-chose. Je pense donc qu’il faut rester jeune le plus longtemps possible, dans sa tête. Quand tu as 60 ans, tu ne peux pas te dire que tu vis une vie de quelqu’un de 13 ans, mais tu peux avoir la pêche, l’envie d’avancer. » 

« J’aime bien vieillir, j’aime bien perdre mes forces, j’aime bien perdre mes cheveux… Ce que je veux dire, c’est qu’il faut embrasser ça. Moi, j’ai déjà fait ce que je devais faire, et aujourd’hui je vois ma vie comme un succès. Maintenant, il faut laisser les autres prendre la relève. En fait, dans tout ce que j’ai réalisé, j’ai vraiment fait une chose bien : c’est de rester vivant. Il ne s’agit pas de dire que je suis le meilleur du monde, mais I did what i did well. Alors maintenant, je suis content de vieillir. »

Mike horn explorateur aventurier
© Instagram de Mike Horn / Capture d'écran

« Je vieillis, c’est vrai, mais j’ai ajouté une valeur à ce que j’ai entrepris. J’ai aidé à planter six millions d’arbres, j’ai aidé la jeunesse, je suis content de ce que j’ai apporté à notre planète. C’est vrai, j’ai gagné un peu d’argent, alors j’ai continué à faire ce que j’aime : quelque chose qui selon moi apporte une valeur à notre monde. Quand tu vis pour toi, quand tu fais ce que tu aimes sans vouloir être comme les autres, il n’y a pas de compétition, tu compares pas ta voiture ou ta maison avec quelqu’un d’autre, ça devient secondaire, c’est comme ça qu’on vit heureux, même si on est vieux ! » 

• Si demain vous pouviez partir n’importe où dans le monde, où iriez-vous ?

« Je retournerai sur mon voilier, pris dans la glace. »

Mike horn explorateur aventurier
© Instagram de Mike Horn / Capture d'écran

• Même après trois mois sur place ?

« Oui ! Il n’y personne là-bas, personne peut me retrouver. Il soupire longuement et fini par me montrer les photos de son voilier sur son téléphone, avec en arrière-plan la nuit fendue par des aurores boréales. « Regarde où je suis… Je suis littéralement pris dans la glace. Là-bas, la vie est dure, il faut être fort… C’est ça que j’aime. » 

Mike horn explorateur aventurier
© Instagram de Mike Horn / Capture d'écran

« Juste après ton arrivée à l’aéroport, tu dois faire 160 kilomètres, tu traverses 19 lacs, des cols à -30°C, ça sépare les vrais gens des gens qui ne le sont pas. Et puis, là-bas, il n’y a pas de bullshit, les gens ne mentent pas. De temps en temps, tu vois les esquimaux ou les Inuits arriver et tu te dis : c’est ça leur vie tous les jours. Et puis, tu vois comment ils soignent les enfants, comment ils prennent soin de leur famille, comment ils partagent leur nourriture, eux, ils ne se plaignent pas ! Il y a quelque chose qu’ils ont trouvé que nous n’avons pas. »

• Quelle aventure vous a donné un goût d’inachevé ?

« Le K2, en Asie. J’y suis retourné trois fois. À chaque fois que j’arrive près du sommet, parfois à une heure de l’arrivée, la nature décide que je peux pas passer. Si l’avalanche part, je pars avec elle. C’est dans ces moments-là que tu as une frustration, parce que tu as le choix, tu peux prendre le risque d’y aller, mais si l’avalanche vient, tu es mort. Mais j’arrive à me dire que c’est la nature qui décide, pas moi. Tu peux être fort, tu peux être technique, oui super… La neige ne sait pas que tu es un spécialiste, elle t’emmène avec elle. »

Mike horn explorateur aventurier
© Instagram de Mike Horn / Capture d'écran

« En tout, j’ai presque passé une année de ma vie autour du K2, sans jamais arriver au sommet, c’est frustrant, c’est vrai. Une semaine plus tard, d’autres gens arrivent au sommet pour leur première visite. Là tu te dis « c’était pas ta journée », ou peut-être que tu dois changer de méthode. »

• Vous vous dites ça souvent ?

« Moi, je ne veux pas utiliser de corde, pas d’oxygène, pas de sherpa, je veux grimper seul pour y arriver. Je ne choisis jamais les chemins les plus faciles, je complique ma vie, sinon la victoire est moins belle, elle n’aura pas la même valeur. Je ne dis pas qu’il faut souffrir tout le temps, mais quand tu passes à travers la difficulté, seul ou avec quelqu’un d’autre, tu deviens une meilleure personne, un meilleur ami. La difficulté, elle soude les relations humaines, et dans la vie quotidienne, on n’a pas l’habitude d’être dans la difficulté. La nature nous oblige parfois à nous dépasser, et ça nous soude. »

Mike horn explorateur aventurier
© Instagram de Mike Horn / Capture d'écran

• Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui aimeraient partir à l’aventure en solitaire ?

« Il faut y aller progressivement. On pense que ce ne sont que les gens forts qui peuvent partir seuls, mais en fait, il faut juste apprendre, essayer de maîtriser des situations inconnues et forger son propre caractère pour avancer. En fait, au fond, on a peur de partir seul parce qu’on n’a pas confiance en notre capacité à rester vivant. On se sent pas assez mûr, pas assez entrainé, on pense qu’on a pas assez de connaissances, mais on n’apprend jamais autant que quand on part en solitaire ! Quand j’ai traversé le Groenland avec deux amis, l’une de mes premières expéditions, j’ai appris tellement de choses que j’ai tout de suite eu envie de repartir seul. Juste après, je suis parti deux ans et trois mois dans le cercle arctique polaire. »

Mike horn explorateur aventurier
© Instagram de Mike Horn / Capture d'écran

« On a peur, mais la peur doit devenir ta maison, là où tu vis, et quand la peur est ta maison, tu n’as plus peur d’avoir peur. On a normalement peur parce que l’on sort de sa zone de confort, mais si tu fais du monde ta zone de confort, ta maison, tu n’auras plus jamais peur. On veut tout le temps contrôler ses peurs, mais quand tu as pris l’habitude, tu te dis : putain, c’est ça mon quotidien, c’est ok. Ensuite, quand tu reviens à la vie normale, quelque chose te manque, c’est trop facile, et ça devient chiant. »

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© Instagram de Mike Horn / Capture d'écran

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