Dimanche 23 février, les Allemand(e)s éliront les 630 député(e)s du Bundestag. Entre poussée historique de l’Alternativ für Deutschland (AfD), ingérence américaine et crise des partis de gouvernement, l’Allemagne pourrait bien se réveiller lundi prochain avec la gueule de bois.
Ce dimanche, les Allemand(e)s se rendront aux urnes pour les élections fédérales, où ils et elles éliront les 630 député(e)s qui les représentent au Bundestag, le Parlement allemand. Si de ce côté-ci du Rhin, on a souvent tendance à considérer notre voisin comme l’incarnation de la stabilité et de la prospérité, la crise politique que traverse la République fédérale n’est pas sans rappeler des choses que nous autres Français(es) connaissons bien.
Explosion de la coalition au pouvoir, élections anticipées, progression du parti d’extrême droite Alternativ für Deutschland (AfD) et fin du cordon sanitaire entre « partis de gouvernement » et extrême droite, le tout, sur fond de crise économique et d’ingérence de l’administration Trump dans les élections. Non, en 2025, la France n’a rien à envier à l’Allemagne.

Olaf Scholz, « personnalité la moins aimée du monde »
Depuis 2021, l’Allemagne est dirigée par Olaf Scholz du Parti social-démocrate (SPD) à la tête d’une coalition allant des Verts (Die Grünen) jusqu’aux libéraux du Parti libéral-démocrate (FDP). Élue sur un programme nommé « Oser plus de progrès », la coalition entendait sortir des années Angela Merkel par plus de mesures sociales et écologiques, sans pour autant toucher à la sacro-sainte règle du déficit public.
Après trois années de pouvoir, la coalition n’a pas tout à fait échoué, disons surtout qu’elle n’a pas réussi à convaincre les Allemand(e)s.
Depuis 2023, l’économie du pays est entrée en récession, provoquant fermetures d’entreprises et hausse du chômage. L’annonce de la suppression de 35 000 emplois par Volkswagen a représenté un choc pour nos voisin(e)s. Différentes crises politiques, comme les manifestations des agriculteurs/rices l’année dernière, ont aussi contribué à fragiliser la coalition.
Enfin, l’attaque au couteau à Solingen en août dernier, dont l’auteur était un réfugié afghan, a achevé de diviser les partis au pouvoir tout en mettant l’immigration et la sécurité au premier plan du débat politique.
Chez nos voisins allemands, une grève historique des agriculteurs bloque le pays

Olaf Scholz a aussi reçu le titre de « dirigeant le moins aimé du monde » par le New York Times. Dans un sondage, il recueille 73% d’opinion négative, juste devant Emmanuel Macron (71%). Si ce score peut prêter à sourire, il témoigne tout de même d’un chancelier désavoué par l’opinion.
C’est donc sans grande surprise que son gouvernement est tombé suite à l’explosion de la coalition en novembre. À l’issue d’un vote de confiance, les député(e)s du Bundestag ont préféré convoquer des élections anticipées que sauver le soldat Scholz.
L’AfD en embuscade
Depuis plusieurs années, le parti d’extrême droite Alternativ für Deutschland progresse dans les élections locales et fédérales. Ni les scandales, ni ses alliances avec des néo-nazis, ni même la révélation d’un plan visant à déporter chaque citoyen(ne) allemand(e) jugé(e) « non assimilé(e) », n’ont ralenti la marche du parti vers le pouvoir. Les sondages placent même l’AfD second dans ces élections avec plus de 20% des intentions de vote. Dimanche, l’extrême droite pourrait doubler son score de 2021.

En tête des sondages, la CDU-CSU. Avec 30% des intentions de vote, le parti conservateur se voit déjà former un gouvernement. Friedrich Merz, son candidat, avait scandalisé une partie de l’Allemagne fin janvier en acceptant le soutien de l’AfD lors d’un vote au Bundestag pour durcir la législation sur l’immigration. Depuis 1945, c’est la première fois qu’un parti de gouvernement tend la main à l’extrême droite.

Bien que vainqueur probable des élections, Friedrich Merz devra s’allier à d’autres partis pour gouverner. Le fait qu’il rompe le cordon sanitaire avec l’AfD inquiète au plus haut point, jusque dans les rangs de son parti. Des centaines de milliers d’Allemand(e)s sont descendu(e)s dans les rues des grandes villes, inquiets et inquiètes de voir l’extrême droite arriver au pouvoir dans les valises de la droite conservatrice. Même Angela Merkel a fortement critiqué le candidat de son parti.
Make Germany (not) great again
La situation politique allemande était déjà chaotique, mais c’était sans compter sur l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. À de nombreuses reprises, Elon Musk, bras droit du président américain, a affirmé son soutient à l’extrême droite allemande, jusqu’à participer en visio à un de ses meetings.
Pour le milliardaire de la Tech, au-delà de son adhésion au contenu idéologique de l’AfD, c’est un moyen de déstabiliser un des piliers de l’Union européenne. Union dont il espère voir disparaître les réglementations, notamment en termes de protection des données personnelles.

De plus, le 14 février, lors de la conférence de Munich sur la sécurité, c’est cette fois-ci le vice-président américain J. D. Vance qui s’est exprimé : il ne comprend pas pourquoi le parti de l’AfD est « ostracisé » en Allemagne. En langage diplomatique, cela vaut pour un soutien officiel, une « ingérence » selon Olaf Scholz. L’administration Trump semble souhaiter la victoire de l’AfD, reste à savoir ce que veulent les Allemand(e)s. Réponse dimanche soir.