Au courant du mois de mai, les rues de la Haute-Montée et de la Mésange n’ont jamais semblé aussi vides. Des dents creuses en plein centre-ville strasbourgeois qui peuvent interroger quant au dynamisme, et au futur de celui-ci. Éléments de réponses avec Joël Steffen, adjoint au commerce, et Laurent Maennel, manager du centre-ville.
« À l’aide, rue à l’abandon !! À Strasbourg, la rue de la Mésange voit ses commerces fermer les uns après les autres. Du luxe à la liquidation ? ». Le 16 mai dernier, Pokaa publiait sur son compte Instagram neuf photos d’enseignes fermées sur l’axe rue de la Haute-Montée/rue de la Mésange. Un post qui n’a pas manqué de vous faire réagir en commentaires.
Après la fermeture du Printemps à la fin de l’année 2021, ce secteur est rapidement devenu un symbole : celui d’un centre-ville strasbourgeois délétère, où les fermetures s’accentuent, les locaux restent vides et les grandes enseignes prennent le pas pour rendre Strasbourg comme toutes les autres villes.
Néanmoins, entre l’impression visuelle à l’instant T et l’échelle du long terme, il y a un pas. Alors en partant de l’exemple de l’axe Haute-Montée/Mésange, on a essayé d’analyser la situation du centre-ville strasbourgeois dans son ensemble.
Locaux vides, repreneurs/ses, prix du m2 : l’axe Haute-Montée/Mésange en détail
Dans cet axe Haute-Montée / Mésange, pas moins de 7 enseignes ont leurs locaux complètement vides. Sur la partie de la Haute-Montée, la fermeture du Printemps a fait mal, selon Joël Steffen : « Le Printemps joue ce rôle de logo pour la rue et le fait qu’il soit fermé met en difficulté les acteurs proches. Ça c’est évident ». Et malgré la récente ouverture de Kave Home, les difficultés de la rue sont toujours présentes.
Côté rue de la Mésange, Scotch and Soda, Chevignon et Paule K ont récemment fermé boutique. Moins impactées par le fermeture du Printemps, elles subissent plutôt la mutation profonde du commerce selon Laurent Maennel : « Des marques nationales qui avaient 50/100/150 magasins dans toute la France occupaient le terrain pour ne pas que les concurrents s’installent, et même si certains magasins étaient déficitaires les coûts seraient absorbés. Ce modèle-là ne fonctionne plus, et les magasins les moins rentables ferment ».
C’est difficile aujourd’hui pour un porteur de projet qui compte tester son idée de se projeter rue de la Haute-Montée.
La vacance observée à l’instant T sur l’axe Haute-Montée/Mésange peut également s’expliquer par les loyers pratiqués. Selon Laurent Maennel, ils se chiffrent à 500/600 €/m2 pour la Haute-Montée, un peu plus pour la rue de la Mésange. Des loyers élevés, mais en-dessous de la moyenne strasbourgeoise, autour de 900/930 €/m2 [la médiane, bien plus représentative, n’était pas disponible, ndlr].
Il y a l’instant T et la période. On voit les locaux vides mais il y a des dossiers de reprise.
Néanmoins, malgré l’impression visuelle de vide, certains locaux ont déjà des dossiers de reprise. Si la rue de la Haute-Montée est délicate, la Ville aurait une idée de proposer une boutique de sport, avec une salle de sport en -1 dans les anciens locaux de Tally Weijl.
Côté rue de la Mésange, elle va accueillir une nouvelle enseigne de prêt-à-porter haut de gamme, en face de la boutique Hermès. L’ancien Kohler-Rehm ouvrira ses portes avant le marché de Noël 2024, tandis que l’ex-boutique Hermès est en bonne voie de reprise. Des locaux qui assureront une meilleure commercialité de la rue et qui montrent que, même s’ils sont vacants aujourd’hui, la situation n’est pas amenée à durer.
La Ville est-elle inquiète du taux de vacance de ses commerces ?
Cet axe haute-Montée/Mésange est pris par certains comme un symbole d’un centre-ville strasbourgeois qui périclite, déserté de ses commerces. S’il est incontestablement difficile d’accès pour les porteurs de projet indépendants en raison des prix, sa situation commerciale n’est pas dramatique : selon une étude disponible ici à partir de la page 1054, Strasbourg n’a que 7,7% de locaux vacants, soit 189 emplacements.
Néanmoins, ce taux de vacance a fortement augmenté par rapport à 2019, et il touche désormais la partie visible du centre-ville strasbourgeois. Interrogé sur ce point, Joël Steffen admet une vigilance plus qu’une inquiétude : « On est toujours un peu inquiet en phase de mutation parce qu’on ne sait pas ce qui va émerger, surtout que cette phase a l’air profonde. On reste donc vigilant ».
La ville est de plus en plus fréquentée. Par rapport à des villes moyennes qui voient des fermetures de commerces et une baisse de fréquentation du centre-ville, si j’étais dans cette situation, là je ne serai même pas inquiet, je serai déprimé.
Mais l’adjoint au commerce reste optimiste, notamment grâce aux choix réalisés par Strasbourg, qui rendent la ville résistante aux changements : « On est dans une ville compacte, qui a fait des choix courageux depuis des décennies pour être au-delà d’un centre commercial un cadre de vie accessible comme il ne l’a jamais été ».
Et il voit même des opportunités créées par ces locaux vides : « On arrive certes à un taux de vacance plus élevé, mais ce sont également des opportunités pour des marques, comme l’a fait Hermès, profitant de la fermeture de la librairie Broglie, ou la boutique du Racing et Aroma-Zone ». Alors qu’une nouvelle étude sortira en fin d’année sur la santé des commerces strasbourgeois, on observera avec attention l’évolution de ce taux.
Est-ce que la municipalité a un quelconque pouvoir sur la situation ?
Face à cette mutation du commerce, la grande question est la suivante : est-ce que la Ville peut faire quelque chose pour améliorer la situation ? Si elle a voté l’instauration d’un droit de préemption, son pouvoir d’action réel est très faible, comme le concède sans trop de problèmes Joël Steffen : « La collectivité peut réguler, mettre des obstacles, mais elle ne peut pas intervenir ».
Le levier à activer c’est d’être raisonnable sur les loyers.
La Ville est particulièrement impuissante sur la question des loyers trop élevés, comme l’admet l’adjoint au commerce : « C’est un gros sujet sur lequel la Ville n’a pas de prise ». Néanmoins il appelle les propriétaires à une certaine responsabilité : « J’appelle les propriétaires à se méfier du phénomène de vacance cumulée à l’échelle de la rue, qui la déclasse et peut l’emmener dans une dynamique dépressive. Et à ce moment-là, tout le monde est perdant ».
Il rajoute : « Il faut que les propriétaires soient plus ouverts : comme il y a mutation, il faut trouver des porteurs de projets créatifs solides dans leur concept, et adapter le loyer en démarrage d’activité, et voir après où on va ».
Quel futur pour le centre-ville strasbourgeois ?
Finalement, le réel pouvoir de la Ville de Strasbourg est d’accompagner les porteurs de projet à faire le lien avec les propriétaires, mais également à proposer des idées. En premier lieu, Joël Steffen et Laurent Maennel se réjouissent de plusieurs projets mis en place par la Ville : implantation d’une conciergerie de centre-ville, gardiennage pour chiens ou la livraison de ses courses dans des parkings. Le but ? « Ouvrir l’éco-système local au fait qu’il faille faciliter l’expérience de la ville à ceux qui viennent ».
Mais pour cela, il faut que tout le monde joue le jeu, ce qui n’a pas été le cas comme le regrette le manager du centre-ville : « On a fait cette expérimentation pour les commerçants, elle est financée à 100% par la Ville, et un certain nombre d’entre eux ne s’inscrit pas, parce qu’ils nous disent « Je ne suis pas concerné, je n’y crois pas… ». Alors qu’on le fait pour eux ».
Pour le commerce strasbourgeois dans son ensemble, Joël Steffen et Laurent Maennel planchent sur des idées de boutiques dites « hybrides », soit « des lieux où l’on peut retrouver des boutiques de créateurs, qui s’associent avec un coiffeur et un fleuriste, qui font des endroits conviviaux ». Ils réfléchissent également à des pop-up store dans certains locaux, sur des baux de 6 mois, 1 an ou 3 ans.
Il faut se rendre compte que c’est plus facile de louer un local déjà occupé temporairement, plutôt qu’un qui est vide depuis des mois.
Ils prennent l’exemple de Luxembourg, où la Ville loue au propriétaire le local à un prix raisonnable, fait l’intermédiaire pour le relouer à un porteur de projets pour qu’il teste un concept, notamment dans des locaux difficiles à relouer. Selon eux : « L’expérience est assez concluante, ça change souvent, il y a de la vie. Donc si des propriétaires sont ouverts, il y a des contacts en cours ».
Mais encore une fois, les propriétaires doivent suivre l’initiative : « On a des porteurs de projet prêts à rentrer, mais qu’ils jouent le jeu avec des loyers plus modérés. Il faut se rendre compte que c’est plus facile de louer un local déjà occupé temporairement, plutôt qu’un qui est vide depuis des mois ». Vaste question, pour un centre-ville strasbourgeois qui n’est pas prêt de s’arrêter de muter.
Il y aurait beaucoup moins de manif le samedi à Strasbourg nous retournerions au centre ville…
Quid du tarif du stationnement ? Personnellement j ai renoncé bcp trop cher et une offre de transport en commun pas à la hauteur du besoin… c est vraiment triste pour strasbourg…. Quel manque de vision…
Il faut que les voitures thermique puissent rentrer en ville ou la ville vas faire faillite et le parking moins chère
Bonjour
Étant Strasbourgeois d’origine j’ai toujours pris plaisir à déambuler en centre ville ! Strasbourg une des villes de France la plus dynamique en matière de Commerces !! Est ce la fin d’une époque ????
Malheureusement avec l’arrivée de la nouvelle municipalité et de sa politique qui bannit les véhicules du centre ville avec une taxation prohibitif du stationnement entre midi et 14 h, et étant représentant de commerce, je ne vais plus au centre ville pour déjeuner ou faire les boutiques !!! le stationnement ! C’est pratiquement le prix d’un repas ds un restaurant, et évidemment cela se ressent sur les différents commerces et je ne suis pas le seul à faire l’amer constat !!!!
sans compter l’augmentation des gens qui font la manches et qui vous interpellent pratiquement à tous les coins de rue !!!
Il ne faut pas se voiler la face Messieurs il n’y a pas que les loyers prohibitifs qui font fuirent les clients et les commerces qui tirent leur rideau 😔
Certains vous dirons de se déplacer à vélo ou de prendre les transports en commun !!! Mais Faut il avoir le temps et la possibilité ds le cadre de son activité professionnelle ???
Strasbourg restera toujours dans mon cœur ……
Belle journée
David
Mais où vous garez-vous pour payer votre stationnement « le prix d’un repas » ? Deux heures de stationnement aux Bateliers coûtent 4€.
Dans les zones rouges, donc presque tout le centre ville, 2h sont à 8€, et 3h 35€…
Des loyers commerciaux rue de la Mésange inférieurs de 40% à la moyenne strasbourgeoise ? Vous êtes sûrs de ça ?
Bonjour,
Comme indiqué dans l’article, les loyers commerciaux rue de la Mésange sont en-dessous de la valeur moyenne des loyers commerciaux strasbourgeois. En revanche, il est presque sûr qu’ils sont au-dessus de la valeur médiane (soit au-dessus des 50% des loyers commerciaux les moins chers). À titre d’exemple : pour 280.000 €, on a un 150m2 place Kléber (1.870 €/m2), contre un 500m2 rue des Francs Bourgeois (560 €/m2).
La valeur des loyers dans l’hyper-centre tirent largement vers le haut la moyenne. Et comme la médiane, valeur la plus significative, n’est pas disponible, on utilise la moyenne.
Enfin, les chiffres donnés dans l’article viennent directement de l’adjoint au commerce.
Bien à vous,
Le véritable pouvoir d’action de la ville est de rendre le centre ville et la ville plus accessible et les prix de stationnement moins prohibitifs. A tout piètonniser, rendre le stationnement compliqué, les gens ne viennent plus. Les commerçants n’arrêtent pas de le dire. Quand la Kruteneau est devenu payante, du jour au lendemain les chiffres d’affaires se sont effondrés. SI votre stationnement coûte votre déjeuner, vous ne venez plus.
S’il y à un problème de loyers élevés et de pas de porte exorbitants, la ville à aussi une grosse responsabilité et cela ne va aller qu’en s’empirant.