Les températures remontent, les magnolias rayonnent et le Racing gagne à nouveau : pas de doute, les beaux jours arrivent. Pour célébrer le printemps quelques jours en avance, nos élu(e)s reviennent dans l’hémicycle pour débattre des sujets les plus chauds de ta commune. Les débats seront-ils plutôt ensoleillés, nuageux ou orageux ? Les punchlines vont-elles bourgeonner ? Les réponses dans le récap’, juste ici.
Pour chasser l’hiver et accueillir le printemps, le conseil municipal a préparé un programme dense : 52 points à l’ordre du jour, dont 13 retenus, avec 18 textes additionnels, dont 2 résolutions, 7 motions et 9 questions orales. Un plan qui n’est pas dénué de gros morceaux : l’examen du budget, l’évolution du marché de Noël ou encore le nouveau contrat de ville qui marque l’implication de Strasbourg pour ses quartiers prioritaires (QPV).
Alors que nos élu(e)s accueillaient des classes de CM1 et de CM2 de l’école Branly, la question était de savoir si l’hémicycle allait se transformer en cour de récréation, comme cela arrive parfois. Avec le vote du budget 2024, nos élu(e)s l’ont au moins changé pendant quelques heures en (amphi)théâtre.
Le sujet chô : punchline battle sur le budget
Sur le sujet du budget, comme à leur habitude depuis quatre ans, nos élu(e)s s’affrontent dette contre dette. Loin du « débat politique par excellence » qu’introduit Syamak Agha Babaei, 1er adjoint, on assiste plutôt à un concours d’éloquence et de bons mots pendant 3h, sans réellement s’écouter. Ça peut faire long.
On peut, néanmoins, rappeler que la municipalité met en avant ses investissements dans le domaine de la petite enfance, avec un budget qui a progressé de plus de 20% et que les dépenses de solidarité ont augmenté de 30% depuis le début du mandat.
On peut également dire que l’opposition accuse la majorité de « cramer la caisse » et de ne pas en faire assez. Elle critique les investissements dans les quartiers, que l’on vous a révélés ce 18 mars, en notant les différences de montant, notamment dans les QPV, rejointe par Hülliya Turan (Communistes). Celle-ci met en avant que le budget mis par la Ville dans la rénovation du stade de la Meinau aurait pu servir à rénover des gymnases, des club-houses et donc avoir un impact bien plus important pour les Strasbourgeois(es).
Mais globalement, les projets et discussions amenés sur le tapis l’ont déjà été en février dernier lors du précédent conseil municipal [cela n’aide pas que les deux débats aient lieu lors de deux conseils municipaux consécutifs, ndlr].
De ces 3h de discussions restent donc l’adoption du budget à 48 voix pour et 17 contre, mais aussi le concours d’éloquence et de bons mots, dans lequel nos élu(e)s ont tenté de rivaliser d’ingéniosité, de métaphores et de références. On vous laisse juger :
- « Personne n’applaudit les poissons parce qu’ils se mettent à nager », Jean-Philippe Vetter (LR)
- « On nous présente un jardin d’Éden où les arbres semblent être en pot », Pierre Jakubowicz (Centristes et Progressistes/Majorité présidentielle)
- « Ce budget consacre à Strasbourg l’instauration d’une ZFA, une Zone à faibles ambitions », Pierre Jakubowicz
- « Si la suffisance était convertible en or, on n’aurait plus de problèmes pour financer », Pierre Jakubowicz
- « Votre budget est un train lancé pleine vitesse et qui déraille », Nicolas Matt (Centristes et Progressistes/Majorité présidentielle)
- « Votre budget est comme le Canada Dry : ça a l’apparence de l’action, mais ce n’est que de la communication », Caroline Barrière (Faire Ensemble/PS)
- « C’est un zéro pointé : vous pratiquez la démocratie de clientèle », Catherine Trautmann (Faire Ensemble/PS)
- « Vous êtes à la droite de la nostalgie, et au centre de l’émotion », Syamak Agha Babaei
- « Si votre intervention se voulait vin de garde, elle tourne au vinaigre », Syamak Agha Babaei
- « Ce n’est pas en répétant des inexactitudes que cela devient des vérités », Pierre Ozenne (Strasbourg Écologiste et citoyenne/Les Écologistes)
Ce qui va changer pour Strasbourg et les Strasbourgeois(es)
Le marché de Noël continue sa transformation
Après plusieurs années à changer par petite touche le marché de Noël, la municipalité passe la vitesse supérieure. Afin de déterminer celles et ceux qui pourront occuper un chalet, la Ville note les futur(e)s exposant(e)s sur 5 critères :
- L’expérience, qui comptera pour 30% de la note finale
- La qualité des produits et leur traçabilité
- La prise en compte des enjeux écologiques, comme l’empreinte carbone des produits, leur fabrication ou la consommation d’énergie
- Les questions d’inclusion et d’accessibilité
- La créativité
Pierre Jakubowicz salue la délibération, mais s’inquiète « de ce qui n’y est pas » : il cite la gestion des déchets, la question des transports avec une saturation dans certains secteurs et même la réduction du nombre de voitures qui rentrent dans la Grande-Île. Céline Geissmann (Faire Ensemble/PS) critique « un cadre règlementaire vide qui reste à la seule discrétion de madame la maire » [le pouvoir de décision est désormais entièrement dans les mains de la Ville, ndlr].
À ce sujet, Jean-Philippe Vetter propose un amendement pour ajouter un membre de l’opposition dans le jury décisionnaire, afin de garantir « une forme de transparence supplémentaire ». Une idée que reprend Céline Geissmann : « Pourquoi pas plus de pluralisme démocratique ? ». Jeanne Barseghian leur répond : « On n’est pas sur une commission où il est prévu qu’un membre de l’opposition y siège. C’est à la main de l’exécutif et je l’assume ».
L’amendement est rejeté à 15 voix pour et 40 contre, tandis que le point est adopté à 48 voix pour et 14 abstentions. On se donne rendez-vous le 27 novembre prochain, pour l’ouverture de l’édition 2024.
La Foire Saint-Jean tourne en rond
Le fameux serpent de mer revient hanter le navire municipal. En mars 2023, le conseil municipal actait la tenue de la Foire Saint-Jean à Hautepierre pour 2024 et 2025, avant qu’elle ne déménage à l’esplanade festive de la Plaine des Bouchers [pas encore construite, ndlr]. Sauf qu’un an plus tard, patatras : en juillet dernier, les forains, à la quasi-unanimité, se sont prononcé(e)s contre cette proposition. Résultat ? Il ne reste qu’un projet de foire éclatée sur différents sites, même pas encore validée par les forains.
Comme l’an dernier, c’est Céline Geissmann qui mène la charge de l’opposition sur la question. L’élue demande des réponses et explications précises sur les dates de la création de l’esplanade festive à la Plaine des Bouchers, le déplacement de la fourrière à l’Elsau et d’autres détails financiers. Elle réclame également des explications sur les discussions avec les forains.
Pierre Ozenne rappelle à l’élue d’opposition que les 8 millions d’euros pour le site éphémère d’Hautepierre n’ont pas été dépensés, et que la commission se déroulera en avril « en dehors de l’agitation politico-politicienne dont vous faîtes preuve ». Seules absentes de l’intervention de l’adjoint ? Les réponses concrètes, dont notamment : pourquoi les travaux sur l’esplanade festive prennent autant de temps à débuter ?
On peut encore attendre pour ces réponses puisque, tant que les choses ne sont pas consolidées, on n’en saura pas plus, selon Jeanne Barseghian. Le serpent de mer continue donc son chemin.
Strasbourg devient capitale mondiale du temps
Petite info insolite qu’on avait relevée lors du conseil municipal de février dernier : Strasbourg devient cette année capitale mondiale du temps, une première pour une ville française. Si la communication de la majorité sur le sujet a été aussi fantôme que l’esplanade festive, Pierre Jakubowicz met le sujet sur la table. L’élu d’opposition ne semble pas au courant du nouveau label, ronchonnant sur une « collectivité en décalage avec les rythmes de vie de nos citoyens », et notamment ceux travaillant en horaires atypiques.
Autre vision des choses du côté de Marina Lafay, conseillère municipale à la mission des temps : « Contrairement à vous, nos partenaires européens nous jugent actifs en la matière ». Elle cite l’ouverture des cours d’école en été, la semaine de 4 jours et les congés menstruels pour les agent(e)s. En somme, des politiques pour arranger les services publics aux rythmes des Strasbourgeois(es). L’élue annonce également une programmation dédiée à ce nouveau titre pour cette année. Tic toc.
De futures belles avancées à la Montagne Verte
Quelque peu perdue entre l’Elsau et ses futurs investissements et le futur tram Ouest à Koenigshoffen, la Montagne Verte n’a pas le moral au sommet. Surtout que le quartier est également parent pauvre des investissements de la Ville, avec moins d’1 million investi pour l’année 2024. Sans parler de la ligne de bus 2 qui ne dessert plus le quartier.
Nicolas Matt met le sujet sur la table en fin de conseil, évoquant une « décennie d’absence de projet urbain structurant, et des habitants abandonnés ». Ces derniers ont même formé un collectif, travaillant sur la transformation de la place d’Ostwald, pour enlever le bitume et créer un îlot de fraîcheur où il fait bon vivre. « Un point de départ pour un projet ambitieux » selon Nicolas Matt, avec de nouvelles pistes cyclables, le développement de la gare Roethig et le rétablissement de la ligne 2.
Dans un duo qui a animé la fin du conseil, c’est Pierre Ozenne qui lui répond. L’adjoint évoque « un quartier singulier en forme d’archipel » : il explique qu’un parking à l’entrée de la Montagne Verte est à l’étude, que la ligne 2 sera rétablie dès septembre vers la gare de Strasbourg et que les études sont avancées pour un nouveau pont au-dessus de la Bruche pour relier le quartier à Koenigshoffen et Hautepierre.
Enfin, la Montagne Verte a besoin d’une place d’Ostwald centrale, fonctionnant autour d’un marché bien mis en valeur selon l’adjoint. Un maître d’oeuvre sera bientôt choisi pour son aménagement, et un budget a déjà été fléché à hauteur d’1 million d’euros minimum. La Montagne Verte montera bientôt sur de plus belles cimes.
Le décryptage : la Ville s’investit davantage dans les quartiers prioritaires
Depuis le 1er janvier 2024, les quartiers Risler (au Neudorf, autour d’Aristide-Briand) et Jura-Citadelle (Esplanade) ont rejoint la liste des quartiers prioritaires de la Ville de Strasbourg (QPV), soit les secteurs les plus pauvres. Une des conséquences de l’appauvrissement de Strasbourg, avec un taux de pauvreté à 26%. Pour s’investir davantage au sein de ces quartiers, la Ville et 45 partenaires ont récemment signé le nouveau Contrat de ville « Quartiers 2030 », qui bénéficie à 21 QPV, dont 15 à Strasbourg.
Une initiative pour développer une offre de logements adaptée aux besoins des habitant(e)s, l’aménagement de places et de parcs, des projets éducatifs, culturels et sportifs… Mais aussi un meilleur parcours vers l’emploi, une meilleure égalité femmes-hommes, ou encore un accès renforcé à la santé, alors que trois quartiers strasbourgeois sont considérés comme des déserts médicaux.
Du côté des exemples concrets, on peut citer le projet Pixel à Hautepierre, la refonte totale de l’ancien hôpital militaire Lyautey au Neuhof ou encore la future ouverture de la Maison urbaine de santé à la Meinau. Bref, comme Benjamin Soulet le résume : « Nous avons changé de braquet. »
Côté opposition, les réactions sont circonspectes. Jean-Philippe Maurer (LR) s’inquiète de nouvelles « trappes à pauvreté d’où il est difficile d’en sortir une fois dedans », tandis que Céline Geissmann critique « de belles promesses », notamment sur l’équité territoriale. Jean-Philippe Vetter souhaite que la majorité prenne en compte « la question centrale de la propreté et de la sécurité », donnant l’exemple de la Cité de l’Ill, avec des points de deal qui donnent une image dégradée du quartier.
De son côté, Hülliya Turan regrette « des réponses pas toujours en adéquation avec les besoins des habitant(e)s ». Mais l’élue relève que « cela reste une délibération cadre et il conviendra à la responsabilité de chacun de mener les politiques sur le terrain ». Jeanne Barseghian est d’accord : « Ce n’est pas l’alpha et l’oméga mais ça permet de mettre tout le monde autour de la table ». Finalement, le point est voté à l’unanimité, ouvrant une nouvelle étape pour les 15 QPV strasbourgeois.
Le point bingo
Il est 22h08 lorsque ce conseil municipal du 18 mars s’achève, après 12h de débats parfois ensoleillés, parfois nuageux et même quelquefois orageux. Un climat politique finalement très ressemblant à la météo strasbourgeoise. Le budget a longtemps dominé les discussions, et on espère qu’au prochain conseil, le 22 mai, notre série politique préférée arrête quelque peu de tourner en rond.