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Guillaume Mahler, le Strasbourgeois à la conquête de la matière noire

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Guillaume Mahler est né à Strasbourg. C’est là qu’il a, au fil des années, fait grandir sa passion pour les planètes et les étoiles, jusqu’à devenir astrophysicien. L’alsacien, ayant obtenu la bourse Marie-Curie, travaille aujourd’hui depuis l’université de Durham au Royaume-Uni, où il tente, entre autres, de déterminer la composition de la matière noire. De son premier télescope dans sa chambre d’adolescent à Ostwald à ses études des données des télescopes spatiaux Hubble et JWST, Guillaume revient sur son parcours international et son envie de renouer avec l’Alsace. 

Depuis son adolescence passée à Ostwald, à quelques kilomètres de Strasbourg, Guillaume Mahler, aujourd’hui âgé de 31 ans, a la tête dans les étoiles. “Aussi loin que je me souvienne, j’étais passionné par les dinosaures et je voulais être paléontologue. À 14 ans, j’ai reçu un télescope, après avoir économisé un Noël et un anniversaire. À partir de ce moment-là, j’ai voulu être astrophysicien”, se remémore-t-il. “Je me levais à 3h du matin en hiver, j’enfilais mon bonnet, mes gants et j’allais voir les planètes. Je me souviens de la première fois où j’ai vu l’ombre des anneaux de Saturne sur la planète, ce souvenir ne s’effacera jamais je pense. A 16 ans, mon but était de savoir comment faire pour aller là-bas”.

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Si aujourd’hui l’émerveillement et la curiosité de Guillaume Mahler restent les mêmes, ses instruments ont quelque peu changé. C’est désormais grâce au télescope spatial Hubble conçu par la NASA (et la participation de l’ESA) mais aussi au télescope spatial James Webb (JWST) lancé en décembre 2021, qu’il s’approche au plus près des étoiles. 

Guillaume.Mahler
© Document remis / Guillaume Mahler

Pour en arriver là, le bas-rhinois a effectué une Licence de physique puis un Master d’astrophysique à Strasbourg avant de partir en stage à Lyon où il a, par la suite, démarré une thèse. C’est ensuite aux États-Unis qu’il a réalisé son post-doctorat puis est parti, après trois années à Durham, en Angleterre, où il travaille encore aujourd’hui.J’ai postulé à une bourse européenne juste avant le Brexit, que j’ai obtenu. Il s’agit de la bourse Marie-Curie, une compétition dans les domaines scientifiques qui permet d’obtenir de l’argent pendant deux ans pour produire de la science”, explique Guillaume Mahler.

“Voir comment tout ça a démarré”

Aujourd’hui, le travail de l’astrophysicien porte notamment sur la recherche de la composition de la matière noire.D’après des études récentes, il y aurait environ 80% de matière noire dans l’univers. On ne connaît pas grand-chose de la matière noire, mis à part qu’elle a une masse, car on voit l’effet de son poids sur ce qui l’entoure”, explique le chercheur alsacien.

“Cela influe, par exemple, sur la courbe de rotation des galaxies, qui tournent alors plus vite. Grâce à l’effet de lentille gravitationnelle, qui déforme les galaxies d’arrière-plan, (un peu comme lorsqu’on regarde dans le pied d’un verre et que l’on voit les objets derrière déformés) on peut comprendre où est la masse et comment la matière noire se distribue. Grâce à Hubble, James Webb et d’autres instruments, je cherche à faire des modèles précis d’amas pour essayer de détecter la matière noire et comprendre ses propriétés. On cherche par exemple à savoir à quel point elle est visqueuse.

Pour ça, Guillaume Mahler tente d’observer les premières étoiles. “ Ça peut paraître très scientifique de dire qu’on a trouvé la première étoile de l’univers mais c’est connecté à toute l’histoire plus globale de l’origine et à comment on est apparus. On essaie de voir les premières générations d’étoiles pour voir comment tout ça a démarré.

coco kimenau + étoiles + ciel + astronomie + astrophotographie
© Coco Kimenau

Une grande partie du travail de l’astrophysicien consiste en l’analyse de données, émises par les télescopes spatiaux.On fait aussi pas mal de code informatique, car on a des besoins spécifiques. Je passe une partie de mes journées à faire des lignes de commandes pour interagir avec les images. Ensuite, avec les images recueillies on va, par exemple, chercher la taille des régions de formation des étoiles, mesurer leur taille et leur lumière pour se renseigner sur les conditions dans lesquelles elles se sont formées il y a plusieurs milliards d’années.

Des galaxies de plusieurs milliards d’années

Depuis Durham où il est en poste, Guillaume Mahler partage les images sur lesquelles il travaille. “Ça c’est une image du télescope James Webb. La valeur de chaque pixel correspond à une quantité de lumière qui a été émise par une galaxie et on va pouvoir transformer cette information pour faire de la science avec. Là, les grosses galaxies qui font partie d’un amas, on les voit telles qu’elles étaient il y a 5 milliards d’années. À partir de là, j’ai un code informatique qui va utiliser les équations de la relativité générale pour retrouver la masse.

Image JWST-1
Image composite des première images du télescope spatiale James Webb : l'amas de galaxie SMACSJ0723.3-7327. Guillaume Mahler a mené une équipe internationale de chercheur pour créer un modèle de cet amas et dévoiler son contenu en matière noire ici représenté en bleu (en réalité la matière noire n’émet pas de lumière). On peut voir que cette matière noire s’étend bien au-delà des galaxies de l'amas ici en blanc. Les galaxies orangées en forme d'arc ici sont celles déformées par l'effet de lentille gravitationnelle et celle en haut à droite qui "coiffe" une galaxie a été surnommé le Béret.

L’un des grands objectifs du chercheur serait de découvrir la valeur exacte de la viscosité de la matière noire. “Si je pouvais aussi découvrir une galaxie ultra-lointaine, ce serait fantastique. Ça permettrait de mieux comprendre les tous premiers moments de l’Univers“, confie-t-il.

Faire de la recherche, c’est aussi communiquer sur celle-ci. “En ce moment je fais beaucoup de téléconférences, car quand on rejoint des collaborations, il faut discuter de l’avancement de ses projets.” L’astrophysicien et son équipe partagent aussi leurs recherches grâce à des publications dans des revues spécialisées. “C’est relativement standard de publier une à deux fois par an dans des revues spécialisées pour présenter ses travaux. C’est un critère pour sélectionner des candidats.

Une recherche perpétuelle

C’est avec engouement et une grande pédagogie que Guillaume Mahler décrit les images issues du télescope. “L’aspect transmission est très motivant. J’aime montrer ce qu’est la science. Comme je suis toujours émerveillé, j’aime transmettre l’émerveillement aux plus jeunes. Je fais, par exemple, des interventions dans les classes. A Lingolsheim j’ai été dans une école maternelle, on a chassé les étoiles”, partage-t-il.

Mais c’est avant tout la découverte qui galvanise le chercheur. “Ce que j’aime c’est vraiment découvrir de nouvelles choses. J’aime l’idée de me dire, lorsque je reçois les premières données de JWST, que je suis le premier à regarder cette galaxie et ces étoiles. Il y a quelque  chose de merveilleux.” Ce plaisir de l’exploration permanente est d’ailleurs l’une des qualités principales requises pour mener à bien de telles recherches. 

Je pense que c’est accessible, beaucoup de gens pourraient avoir la capacité de faire une thèse et de la recherche. Ce qui peut, en revanche, être difficile, c’est que l’on a jamais fini. Il n’y a pas de projet qui s’arrête, on peut toujours chercher plus loin ou autre chose. Moi ce n’est pas un aspect qui me dérange, je me focalise sur l’aspect découverte”, réfléchit Guillaume Mahler.

vincent etoile strasbourg (5)
© Vincent Camerano

Retrouver l’Alsace

Désormais, Guillaume Mahler aimerait poursuivre ses recherches mais se rapprocher de sa région natale. “Il y a de très bons chercheurs à Strasbourg, reconnus mondialement. Il y a aussi un centre de données lié à l’Observatoire qui regroupe, trie et digère toute la publication scientifique de l’astronomie, pour un chercheur ça a beaucoup de valeur.

Obtenir un poste à Strasbourg n’est toutefois pas chose aisée. “Les postes viennent généralement du CNRS ou d’un autre organisme, il y en a une dizaine par an en France et de nombreuses personnes qui postulent. C’est très compétitif.”, constate Guillaume Mahler. “J’ai envie de rentrer à Strasbourg pour des raisons personnelles et professionnelles. A Strasbourg on serait très complémentaires. Il ne font pas la même chose que moi mais ils ont les outils théoriques pour soutenir mes observations. Je ne suis toutefois pas fermé, la recherche est assez internationale. Je postule aussi en Allemagne, en Belgique ou en Suisse.

A l’avenir, l’alsacien aimerait obtenir un poste de chercheur permanent. “Idéalement, mes ambitions seraient ensuite de progresser au sein de l’agence spatiale européenne (ESA), de pouvoir donner les directions sur le futur de la science et de pousser la science.

Grande coupole de l’Observatoire de Strasbourg
Grande coupole de l’Observatoire de Strasbourg © Jérémy Martin

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